Qu'est-ce que l'opinion ? Qu'elle soit publique ou que ce soit la mienne ou la vôtre, l'opinion sera toujours l'avis ou le jugement qu'on porte au fond et en fin sur un sujet quelconque. Elle porte une information qui se confronte à d'autres dans le constat de leurs différences.
Et on peut en changer, Eric BESSON n'a-t-il pas successivement eu une bonne opinion de Ségolène ROYAL avant de s'en faire une meilleure de Nicolas SARKOSY pour gouverner la France ?.
En soi l'opinion ne rend pas compte du cheminement qui conduit à sa formulation pas plus qu'elle éclaire sur son fondement intellectuel. Il est possible de rencontrer deux personnes ayant une mauvaise opinion du chef de l'Etat, l'une à l'extrème droite, l'autre à l'extrème gauche ; dans le résultat d'un sondage, ces deux opinions seront identiques. Et pourtant les réalités qu'elles recouvrent sont fort différentes.
Si la démocratie est aujourd'hui en danger c'est peut-être, entre autre, du fait qu'elle se réduit à une démocratie d'opinion. La conduite véritablement démocratique de la vie politique de l'Etat jusqu'à la plus petite collectivité exige autre chose qu'un affichage d'opinion; le garant en est le débat démocratique qui suppose l'affrontement des idées dans de véritables constructions argumentaires.
La pratique politique qui se réduit à l'expression d'opinion exonère de l'effort de l'explication du positionnement, la démocratie est devenue démagogie. L'opinion ça se manipule et nous avons un excellent marionnettiste à l'Elysée.
C'est la dérive accélérée depuis des années en France et dont Sarkosy fait figure de Mozart. Il a un avis sur tout, il accapare des symboles bien étranges comme ceux de la Résistance avec Guy Mocquet ou son pélerinage aux Glières, il débauche à gauche quelques "débauchables" et soutient deux socialistes à la tête du FMI et de l'OMC... C'est le règne de la politique de comptoir, le président n'a-t-il pas mis en scène sa dernière prestation télévisée dans un "café du commerce". Le bistro du coin n'est pas un café philo ! On y oppose généralement des opinions qu'on se connait déjà et le clap de fin résonne toujours avec la dernière tournée sur l'impossibilité nécessité de changer les choses ou la nécessaire impossibilté du changement...
Et tout le monde s'y prète, médias et monde politique en tête, les journaliste font défiler des opinions au gré des sondages, les auditeurs ont la parole et égrennent leur chapelet d'opinions sans qu'on prennent le temps de leur demander ce qu'ils en pensent et surtout pourquoi. Préférable me direz-vous, car ils seraient souvent en manque d'arguments !
L'argumentation est le lieu de la construction de la preuve, c'est le lieu d'expression des idées qui président à la formulation d'une opinion. C'est le creuset de la ligne idéologique qui va faire que certains adhèrent et que d'autres s'opposent.
Dans la démocratie d'opinion le pouvoir cherche à gagner à sa cause en gommant les divergeances, en quête de consensus. C'est le règne des courants d'opinion et de la concurrence exacerbée qu'ils entretiennent en situation minoritaire avec son pendant en situation de pouvoir acquis, l'hégémonie d'un courant asphyxiant les autres composantes jusqu'à ce qu'ils reprennent de la voix dès que le pouvoir vacille.
Cette situation est facile à repérer dans la vie politique française des quarante dernières années. L'alternance gauche-droite s'est articulée sur la bascule des hégémonies successives du parti socialiste et de l'UMP. Et aujourd'hui, l'émiettement de la gauche est rendu tel avec l'hyper main mise de Sarkosy sur les droites.
Une autre forme d'illustration de l'absence de débat démocratique est facilement repérable au Parlement transformé en chambres d'enregistrement.
C'est peut-être aussi là une des causes de la désaffection croissante du politique dans une population citoyenne de plus en plus abstentionniste. En réduisant le débat à l'affichage d'opinions, on laisse à penser que les opinions se valent. Quelle différence faire entre une possible réforme du capitalisme prônée par Strauss Khan à la tête du FMI et candidat potentiel des socialistes à la présidence de la République et la réforme possible du capitalisme défendue par Sarkosy quand il dit vouloir le "moraliser" ? Quelle débat instaurer quand les socialistes français ont une bonne opinion du traité de Lisbonne et que la droite émet une opinion favorable à ce même traité ?
Comment s'y retrouver dans tout ça ?
On en viendrait presque à dire qu'on n'y comprend plus rien quand Chirac à l'époque s'oppose à la politique impérialiste des Etats Unis partant guerroyer en Irak et que le travailliste Tony Blair joue le gentil toutou de Washington. Les opinions ne font pas le débat démocratique, elles le polluent quand il s'y réduit.
Le vrai débat démocratique est le débat d'idées, argument contre argument. C'est ce débat là qui élève le niveau politique de la masse des citoyens; c'est ce débat-là qui rend les citoyens véritablement actifs.
Dans la vie politique d'aujourd'hui réduite à une démocratie d'opinion, tout se passe comme si on n'avait besoin que du club de supporters auquels on a fait partager sa propre opinion et dont la pensée politique est réduite à l'assentiment. C'est l'illusion du confort du consensus et de la délégation de pouvoir.
Une observation attentive de la vie politique locale au petit niveau du bocage sur le sujet de l'implantation d'éolienne récemment comme sur tant d'autres sujets est aussi caricaturale de cette dérive antidémocratique de la vie politique.
Pour regagner le terrain perdu de la démocratie, il va falloir réapprendre à débattre, à observer, appprendre et comprendre pour ensuite délivrer dans le débat autre chose qu'une opinion, mais plutôt ce qui la justifie, les idées qui la fondent, le cheminement de la pensée et les arguments qui l'étayent.
Si je vous dis que votre avis m'importe peu, ce n'est pas par manque de respect pour votre opinion; ce qui m'intéresse, c'est que vous me disiez d'où il vous vient ! Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera utile que je vous dise que je suis du même avis que vous ou d'une opinion différente et que nous en débattions.
Quant à la liberté d'opinion inscrite dans nos droits fondamentaux, elle est plus surement garantie par le libre exercice du débat argumenté que par la redite d'un avis.
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