samedi 6 mars 2021

Retour de Mars, planète rouge !

Imaginez qu'à son premier retour de Mars le vaisseau spacial débarque sur terre une créature ce cet ailleurs qui n'aurait eu à connaître de la Terre que les engins mystérieux tout droit sortis du talent et du génie scientifique de quelques terriens et eu à fréquenter nos astronautes non moins talentueux et pétris de richesses scientifiques...

Fraîchement débarqué sur Terre, quelle ne serait pas sa stupeur en croisant la collecte des Restos du coeur ou les maraudes au secours des sans-abri, en voyant le spectacle du Téléthon ou ... toutes ces manifestations de la marée montante de la misère et des difficultés sociales...

Peut-être se serait-il heurté au mur musclé de quelques appariteurs à l'entrée d'une fête mondaine au château qui ne laissait passer que de bien gentes gens avec le sac V de Madame pour laisser-passer suffisant de sa suffisance...

Peut-être se serait-il étonné du spectacle de la petite lucarne de la télévision diffusant à longueur d'antennes des scènes de violences et d'actions policières chargées de contenir des peuples délinquants... Peut-être aurait-il été surpris de la grande différence des couleurs lisses et du clinquant des écrans face au spectacle bigarré de la rue...

Peut-être s'interrogerait-il ? Pourquoi ? Pour quoi ? pour qui...?

S'il arrivait bientôt, il aurait assurément quelques compléments d'information utiles à sa bonne lecture du paysage : le pays va bientôt entrer en campagne électorale... En sort-il jamais d'ailleurs ? Si cette actualité s'offre quelques répits sur notre sol, les aventures du grand frère américain seront toujours  là pour combler ces lacunes dans la programmation du théâtre politique.

Que tant de terriens français ne participent plus au jeu démocratique du scrution électoral mettrait sans doute la puce à l'oreille de notre extra-terrestre. Quant à la campagne, elle ne manquerait sans doute pas de l'éclairer aussi en voyant à quel point les personnages en vedette prennent le pas sur les idées qui ne sont là qu'en décor de fond de scène, et parfois tant les mêmes au point qu'il n'est plus besoin d'en changer avant l'entrée sur scène d'un autre artriste.

Un point cependant approfondierait sans doute sa perplexité : au bout du bout, les citoyens terriens auraient choisi celle ou celui, celles ou ceux dont les pratiques ne peuvent qu'approfondir le mal dont le plus grand nombre souffre tant... Quand le résultat de tants de politiques dont les couleurs ont balayé l'arc-en-ciel c'est tout simplement plus de misère des uns pour que grandisse la fortune des autres, quand les uns sont de plus en plus nombreux et que l'échantillon des plus riches des nantis fait exploser les compteurs de la fortune...

Cette année-là le dictionnaire va voir disparaître un mot et va devoir en accueillr un nouveau à sa place, c'est normal -les Anglais diraient "turn-over"-, un peu comme sur les sièges de l'Académie qui l'écrit...

Puisque La Poste ou les PTT, la SNCF ou l'EDF-GDF (et bientôt l'Hôpital, l'Ecole Publique...) ne s'en servent plus, le terme "usager", trop usité par le passé et trop usagé par les gens n'a plus d'usage ; il va rejoindre le "bien public" à la brocante du capital.

Il nous faudrait saluer l'entrée à sa place du "bénéficiaire" ! Désormais son usage se démultiplie et s'accorde avec la croissance exponentielle du public qu'on lui désigne :

  • Bénéficiaire aux Restos du coeur ou au Secours Populaire pour les gens ordinaires...
  • Bénéficiaire des dons du Téléthon pour une recherche médicale en quête de mécènes...
  • Bénéficiaire du RSA pour ceux que les politiques publiques servant les intérêts privés privent de travail et de revenus décents...

Bénéficiaires des miettes de brioche pétrie à la sueur échappant aux serviettes du capital... A la table du partage des vrais bénéfices, les travailleurs n'ont droit qu'au reste... quand il en reste. On a même sussuré à l'oreille de notre extraterrestre que la fortune se nourrissait bien mieux et bien plus vite de la richesse dans le triangle des 3B (Banque-Bourse-Business) que du travail à l'atelier ou au bureau d'études ... Alors ?

Bénéficiaires ! Quelle escroquerie que cette dénomination des victimes du système qui les broie !

Les mots dans leur usage pervertissent insidieusement la pensée; quand on passe du "Service Public" au "service au public" le glissement sémantique nous fait passer d'une constitution à une charte d'Ancien Régime, de ce que les citoyens se donnent à ce qu'on leur octroie. Et c'est ainsi qu'en marche se meurt la démocratie.

Bien heureusement notre extraterrestre ne comprend pas ?

Faudrait-il que ce peuple tremble de peur comme au temps des seigneurs quand la châtelaine jetait son obole au misérable qui tendait la main à la sortie de la messe du dimanche où on enseignait la charité ?

Faudrait-il qu'il n'ait plus que fatalité en tête en voyant s'éloigner la charrette chargée des maigres besugnes des expulsés ?

Comment s'y résoudre sans broncher ?

Une idée saugrenue lui vient, c'est décidé, avant de repartir vers Mars au printemps prochain, il va proposer à la prochaine édition du dictionnaire des terriens de France (et à traduire sans modération dans toutes les autres langues !) d'accueillir quelques mots nouveaux dans ses pages : liberté, égalité, fraternité, et en option s'il restait de la place pour remplacer la guerre, le privilège et l'individualisme sa proposition s'enrichira de Solidarité, de Justice et de Paix.