vendredi 30 octobre 2020

Bric-à-brac

Des sujets qui me sont passés par la tête hier ou aujourd’hui, en lisant, en butinant, en écoutant, toutes écoutilles grandes ouvertes dans le brouhaha médiatique qui conditionne plus qu’il n’informe.

L’idée d’étaler ici le désordre de mes réflexions du moment sans entrer dans le détail m’est venue en m’intéressant à la loi ASAP - un prototype de « bric-à-brac »- qui passe en procédure accélérée au parlement, à l’abri d’un débat digne de ce nom.

La vie n'est-elle pas faite que de bric-à-brac ?

Des lois fourre-tout sous la semelle des parlementaires godillots.

Loi Asap (Accélération et Simplification de l’Action Publique) : macronistes et sarkosistes se mettent d’accord pour déloger la misère de ses squats… Macron avait bien affiché l’objectif de « zéro sans-abri » … il est en passe de réussir avec « zéro sans-abri » à l’abri !  Il est vrai qu’il est urgent de surprotéger les propriétaires de plus de 3 millions de logements vacants pour bien entretenir la spéculation immobilière et mettre un peu plus de pression sur le secteur locatif en manque.

La même loi Asap conduit à la privatisation de l’ONF… Il serait urgent de se souvenir de ce qui avait fondé la création du statut de la fonction publique pour résister aux pressions privées et défendre l’intérêt général ! Les marchands de bois pourront financer la prochaine campagne présidentielle…

Dans cette même loi il est question des migrants, des pharmacies et du dossier médical, la définition des personnels naviguant et les révisions de prix des produits contenant plus de 50% de produits agricoles, des sites internet de vente de médicaments et des dommages causés à l’occasion d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs ne peuvent engager la responsabilité du gardien de l’espace, du site ou de l’itinéraire dans lequel s’exerce cette pratique…

Et des scoubidou bidou Ah !

L’eau, c’est la vie ! mais hélas l'eau est aussi le profit des boursicoteurs...

L’ONU avait reconnu, encore en 2010 que « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme » …

Mais que ne voit-on pas se développer dans les grandes manœuvres entre Veolia, Suez etc pour faire du fric dans ce secteur !  Et les américains, grands précurseurs en matière d’excellence capitalistique, viennent de développer en Californie le marché à terme de l’eau : de cette façon vendeurs et acheteurs -tous les deux également spéculateurs- vont pouvoir négocier aujourd’hui le prix de l’eau demain… en la matière, toutes les transactions de ce genre sur des produits en tension font naturellement grimper leur prix, l’acheteur d’aujourd’hui au prix fort achète cher ce qu’il envisage de revendre encore plus cher demain au spéculateur suivant… L’eau dans tout ça ? Ils s’en foutent ! Tout comme les céréaliers se foutent du blé sur lequel ils boursicotent en direct dans la cabine climatisée de leur engin guidé au GPS.

La faim et la soif du monde sont entre de bonnes mains, ne pensez-vous pas ?

Attentat, terrorisme, l’enchainement mortifère des drames ne se tisserait-il qu’au fil de fatalités asphyxiant la raison, la pensée, la vie citoyenne ? Le terrorisme est là, et ses manifestations toujours aussi insupportables, ne conduisent pas toujours à l’expression de perspectives susceptibles d’en éradiquer les germes. Le processus de réaction est plus guidé par l’écho médiatique qu’on en attend que par l’accompagnement d’une réflexion de fond pour s’en protéger. Il en est ainsi de l’usage qui est fait de l’islamisme politique à l’origine des dérives terroristes de Al Quaida, DAECH… L’amalgame facile entre islamistes radicaux et musulmans fait d’un islam bouc émissaire l’étendard d’une extrême droite pétrie d’intégrisme catholique. Les exemples américains autour de Trump, en Pologne ou même en France avec des mouvements qui s’étranglent contre l’IVG, le mariage pour tous, et qui assimilent la délinquance à l’immigration.

« Laïcité », j’écris ton nom… Je crie ton nom !

 « En matière d’enseignement, l’Etat ne peut être que laïque » … C’était en 1850 que Victor HUGO député prononçait un discours sur la liberté de l’enseignement qui préfigurait la loi de 1905…

« L’idéal de cette question de l’enseignement, le voici : l’instruction gratuite et obligatoire… un grandiose enseignement public, donné et réglé par l’Etat… »

Notre pays avait fait le choix de la laïcité pour bâtir les fondements républicains de son organisation politique.

Pas plus qu’elle ne les nie, la laïcité n’est pas une religion particulière parmi d’autres. Telle qu’elle s’est affirmée au fil des siècle comme une des conditions premières de l’expression de la citoyenneté, elle garantit l’exercice des religions dans la sphère privée tout en préservant la chose publique de l’affrontement de leurs influences et de leur instrumentalisation dans l’appréhension des choix politiques.

Mais depuis quelques années, et c’est un phénomène cyclique, le fait religieux, au prétexte de la liberté, a refait une intrusion dangereuse dans la conduite des affaires publiques au point de déclencher des réécritures de la « laïcité » qui devrait s’adapter à cette pression nouvelle.

Yom Kippour, carême ou ramadan ne sauraient justifier qu’on privatise des piscines pour les femmes musulmanes ou qu’on communautarise des menus de cantine. Ce serait abonder dans le sens de ceux qui font de la religion une idéologie politique qui de fait s’appliquerait à toute la société.

C’est une perspective d’affrontements perpétuels de communautés concurrentes dans des sociétés ghettoïsées fonctionnant en silos et dans lesquelles la maîtrise politique est concédée au gestionnaire des divisions. Tous les foyers d’affrontements qui embrasent la planète encore aujourd’hui sur fond de tensions ethnoreligieuses en sont la triste illustration.

La laïcité française modèle 1905 n’est-elle pas le meilleur antidote au mal qui nous frappe ? à insuffler sans trêve dans les médias sous respirateur artificiel élyséen quand TF1 fait un reportage sur l’hommage rendu à Samuel Paty pour évoquer la laïcité, avec ses « journalistes » dans une école catholique et dans une autre musulmane !

Salaires en hausse

En Allemagne les 2,3 millions de travailleurs de la fonction publique ont obtenu une augmentation de salaire de 4,8% (150 euros minimum par mois) et les personnels soignants un peu mieux avec une augmentation de 8,7%... Le temps de crise que nous traversons peut aussi bien servir d’accélérateur à la dérive libérale comme en France qu’à une prise de conscience de la nécessité impérieuse d’une réorientation de la distribution des richesses.

Les tétons du capitalisme

Cachez ce sein que je ne saurai voir…

En Angleterre le ministère de l’éducation interdit aux enseignants « d’utiliser les ressources d’organismes ayant exprimé le désir de mettre fin au capitalisme » ! L’anticapitalisme est ainsi rangé parmi les « positions politiques extrêmes, …contraire à la liberté d’expression, …assimilé à de l’antisémitisme et au soutien d’activités illégales ». Rien que ça !

Si Victor Hugo a mis du temps à s’affirmer démocrate pour faire de la liberté et du « droit au pain » les meilleurs remèdes pour conjurer sa prime jeunesse catho-monarchiste, ses « Misérables » arrachaient à Lamartine des lamentations qui ne seraient pas dépaysées dans les discours des « libéraux » d’aujourd’hui : « ce livre est dangereux, car il fait peur aux puissants et donne de l’espoir aux malheureux » !

Si le monde et les temps changent, les conservateurs se conservent bien outre-Manche.

Les toutous du capital ont leurs niches dorées

Ah la niche ! en 2017 le budget de l’Etat recelait 451 « niches fiscales » qui privent l’Etat d’environ 40 milliards de recettes fiscales par an… après trois années en macronie, le projet de budget pour 2021 en totalise 25 de plus… en matière de justice fiscale, l’exemption va devenir la règle pour ajouter un peu de piment aux cinq milliards de baisse d’impôts pour les entreprises. Les SDF vont pouvoir isoler leur carton pour 1 euro.

Du sabre et du goupillon

Dans la France d’aujourd’hui à la carte de Stéphane Berne, la Nuit du 4 août qui signa l’abolition des privilèges de la noblesse et du clergé en monarchie et la loi de 1905 qui cimentait notre laïcité républicaine ne sont plus qu’en filigrane dans les pages de nos livres d’histoire… C’est sous ce ciel réactionnaire qu’est en projet le classement en monument historique du Sacré Cœur de Paris qui trône sur la butte Montmartre. C’est le symbole de la victoire des Versaillais sur la Commune de Paris et du réjouissement contre révolutionnaire de l’évêque Fournier qui conjurait dans la construction de l’édifice néo-byzantin la conjuration d’un siècle de déchéance morale depuis la Révolution de 1789 ».

N’est-ce pas là une insulte à la Commune de Paris qui avait eu le courage de proclamer la séparation de l’Eglise et de l’Etat, d’instituer l’instruction laïque et obligatoire (bien avant Jules Ferry !) et supprime la guillotine…

Crise sanitaire

Covid, reconfinement, hôpital aux urgences… ce n’est pas le moment d’être malade ! Et, au fait, s’il faut reconfiner et mettre les libertés publiques en sourdines, n’est-ce pas aussi pour faire face à une situation non maîtrisée, faute de moyens et d’organisation efficace. Ministère de l’Intérieur, Ministère de la Santé, ARS… chacun y va de sa cellule de crise… Le virus a bon dos très opportunément… 

Violence

Attentats, terrorisme… va-t-il falloir égrener plus longtemps un sempiternel chapelet de drames ?

Et comme la vox populi s’en satisfait en termes de soulagement, la « neutralisation » des auteurs de ces crimes abjects prive aussi le peuple de l’exercice de la justice qui seule permet d’établir les responsabilités, de clarifier les faits et de « rendre justice ». 

SOS retraites

Quand plus de 7 millions de français sont écartés d’un véritable emploi et que le gouvernement exonère à tout va les entreprises de leurs cotisations sociales… il va falloir trouver environ 25 milliards pour équilibrer le système des retraites… Ça fait beaucoup ! mais l’Etat a bien su en mobiliser 450 pour « sauver les entreprises », alors pour la retraite des vieux on fait comment ?

Médias propagandistes : la mesure des orientations dans les invitations des matinales radio fait état de 86% de « libéraux », droite et extrême droite sur les deux mois de mars et avril…  Après comment faire pour ne pas considérer une présence de gauche comme une incongruité ? Pas normal


Et une petite lecture qui m’a bien plu !

Chronique de Pierre SERNA dans l’Humanité du 30 octobre 2020

REPLI, DIVISION, ISOLATION

Peu de films de Science-fiction, pourtant riches en inventions de futurs catastrophiques, ont imaginé le cauchemar du présent que nous vivons. Certains pourtant ont pensé un monde décimé par la pandémie causée par un virus animal. L'air serait devenu irrespirable, par exemple dans l'Armée des 12 singes. Quelques années auparavant, le réalisateur de ce film, Terry Gilliam, avait déjà conçu un futur horrible, clivé entre riches et pauvres, dans son film Brazil Le monde serait devenu un régime totalitaire traquant la moindre manifestation de Liberté ou de dissidence. Le réel aujourd'hui nous prouve pourtant la nécessité vitale d'un État fort investissant dans le bien commun, la santé, l'éducation, la solidarité collective.

Mais, non, l’Hôpital demeure saccagé, de l`avis de tous ses professionnels, et tout est fait pour que les écoles privées prospèrent davantage. Ce sont les petites entreprises qui souffrent le plus, les plus grands groupes se restructurent, voire profitent de cette crise en s'y adaptant ou en inventant de nouvelles formes de profit justifiant des plans de restructuration et donc autant de casse sociale. Le rapport avec l’extrême centre ? Il est bien visible et la maladie le sert bien au-delà de ce que l'on pourrait imaginer. L'idéologie sécuritaire de la peur dépolitisée se forge, en ce moment dramatique, de belles armes pour le futur. 

Par définition apolitique, le danger médical et les conséquences de survie qu'il entraîne, impose un type de vie métro, boulot, Covid, qui n'est pas pour déplaire, quelles que soient les mines de circonstance, aux plus habiles penseurs théoriques de l’extrême centre. Toutes formes de manifestation éradiquées, la cellule familiale comme lieu de repliement identitaire, créant les conditions intellectuelles de la méfiance de l'étranger-migrant, le rabougrissement de la culture pu sa diminution et sa dévastation sans que cela soit la faute du pouvoir, la vie numérique, des gladiateurs télévisés dans des stades vides pour donner leur part de rêve sportif à tous les enfermés du télétravail désocialisant...

Une jeunesse entière se retrouve sans sa sociabilité qui construit les consciences et les solidarités collectives. La dérive djihadiste, bien réelle et surmédiatisée à la fois hélas, sert à plein cette idéologie sécuritaire, liberticide de l’extrême centre. La décérébration du corps social pointe. Résister c'est nommer, parler, écrire, manifester, se manifester, sortir, jouer, dire, faire, avec l'Autre, avec les Autres. C'est redonner sens à l'Humanité et ne rien céder à l'invisibi1ité de l’extrême centre qui avance derrière la maladie.




samedi 17 octobre 2020

Sidération

Horreur, épouvante, monstruosité, atrocité, répugnance, l'éclat de notre conscience n'en finit pas de ricocher dans les pages du dictionnaire du crime.

L’abomination du crime, l’insupportable banalité de son annonce et du manège médiatique qui en prolonge la monstruosité illustrent à quel point notre République est aujourd’hui menacée. Non pas seulement face à la menace terroriste qu’aucun prétexte d’ordre religieux ne saurait jamais justifier, mais aussi dans un contexte où les gesticulations gouvernementales autour de projets législatifs opportunistes ne font que jeter de l’huile sur le feu en laissant prospérer la stigmatisation et la victimisation, la peur et la menace dans l’indécente mise en scène d’une pré-campagne présidentielle d’ores et déjà préfigurée comme la revanche de l’affrontement caricatural de notre démocratie en 2017.

Invoquer la laïcité ne suffit pas ; et encore moins au jour de son assassinat.

7, 8, 9 janvier 2015, ils étaient 12 à Charlie, 1 à Montrouge, 4 à la Porte de Vincennes…

Et le 13 novembre de la même année 130 à tomber sous les balles assassines au Bataclan et alentour.

Hier il n’était qu’un.

Mais un citoyen emblématique de notre République, un professeur d’Histoire Géographie dont la mission d’enseignement des sciences humaines est adossée à une éducation morale et civique pour faire des jeunes -TOUS LES JEUNES- des citoyens instruits et éclairés…

Il n’était qu’un, victime ravivant dans son sort funeste la mémoire de toutes les autres victimes qui l’on précédé.

Mais il les était tous.

Dire aujourd’hui qu’il en allonge la liste, qu’avec lui un drame ajoute un acte à la tragédie, serait laisser supposer qu’il en vienne encore d’autres…

NON.

Que vienne le soulèvement massif d’un peuple citoyen d’une République que l’article premier de sa constitution proclame « indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances… ».

C’est LA Liberté qui les garantit toutes qui l’exige.