jeudi 18 février 2010

du 19 mars au 5 décembre

Commémoration de la guerre d'Algérie...
Qui ? Quoi ? Quand ? ...
Pourquoi ces tensions exacerbées à l'approche du 19 mars chaque année ?

A quelques jours du 19 mars, l'Union Nationale des Combattants s'adresse aux élus, maires, députés et sénateurs, pour les mettre en garde contre la sollicitation des anciens combattants d'une organisation concurrente...
La FNACA vraisemblablement.

Quel est l'objet de cette démarche à ce moment, et en pleine période électorale des régionales ?
La FNACA est une association spécifique de tous ceux qui ont participé entre 1952 et 1962 à la guerre d'Algérie ou aux combats du Maroc ou de la Tunisie.
Pour ces anciens combattants, la date commémorative à retenir est celle du 19 mars, date du cessez-le-feu avec les accords d'Evian entre la France et l'Algérie. Elle est plutôt considérée comme progressiste (voir l'expression "les cocofnacaca" dans la manifestation du 15 février à Marseille.) 
Pourquoi mettre en garde face à un adversaire considéré comme aussi peu important ? moins de 10% de anciens combatants peuvent-ils menacer le "monde combattant d'une profonde cassure" ?
La réponse pourrait venir de l'examen des positions locales exprimées sur nombre de sites et forums, tout comme la relation d'événements dans la presse.


Adresse aux élus cueillie sur le site de l'UNC AFN (Infos nationales - actualités):


"Madame, Monsieur le …..(Député, Maire,…)A l’image de la République nous ne sommes pas disposés à faire du 19 Mars une journée consacrée à la mémoire de tous nos camarades tombés en Afrique du Nord lors des combats qui se sont déroulés au Maroc, en Tunisie et tout au long de la guerre d’Algérie.Certes, nous n’avons pas oublié que les hommes qui combattaient en Algérie ont accueilli avec soulagement l’annonce du « cessez-le feu » le 19 Mars 1962.
Mais nous n’avons pas oublié également que le 19 Mars n’a pas, malheureusement, mis fin au drame en Algérie.Nous n’avons pas oublié que les dispositions si difficilement négociées à Evian sont devenues rapidement lettre morte du fait des autorités algériennes nées du F.L.N.Nous n’avons pas oublié que le sang a continué à couler en abondance, le sang de nos soldats, le sang de nos compatriotes Pieds-Noirs, le sang de nos camarades de combat les Harkis, dont des dizaines de milliers ont été assassinés.La République non plus n’a pas oublié la litanie tragique de ces drames postérieurs au 19 Mars ; elle en a tiré une décision essentielle, celle du choix d’une autre date pour rappeler la mémoire de tous nos camarades tombés au champ d’honneur.
Le 5 Décembre est le choix de la République, il est notre choix et il est également celui de la très grande majorité des élus de notre département, et plus généralement, de l'ensemble de nos concitoyens.
Nous entendons rester fidèles à cette date et à aucune autre.
Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le …. , à l’assurance de nos sentiments distingués."

Cueilli sur le site du journal l'Aisne Nouvelle :
"le président de secteur a demandé que les voies baptisées rues du 19-Mars soient modifiées en rue des Anciens-combattants-AFN"

Cueilli sur un des nombreux sites soutenant la cause de l'Algérie Française, des Pieds Noirs, Harkis qui considèrent les accords d'Evian comme une trahison et le 19 mars comme le date de l'accélération de leur martyre.
A Marseille
Jugement au tribunal d'un élu communiste assigné par un adhérent de l'UNC 13 pour avoir inauguré une plaque dénommant un square en référence au19 mars ...
Les participants à la manifestation soutenant le plaignant devant le tribunal au jour du procès en parlent de la sorte :
"Nous partîmes 5000…et nous nous vîmes 50 en arrivant au Tribunal---
Mais quelle Honte petit peuple P.N ,nous n’avons plus rien dans le ventre , toujours les mêmes aux manifs et réunions ---La communauté sur Marseille doit représenter de ce qu’il y a de plus important sur le territoire et nous voilà , cheveux grisonnants au vent glacial de ce matin sur Marseille à soutenir notre ami qui a eu le courage seul de déposer plainte , sans l’aide d’associations, seule Véritas était présente—et les personnes marquantes de notre combat comme Viviane -Simone et autres….
L’affaire commençait mal, aussitôt arrivés ,les plus anciens d’entre nous se sont fait agresser violemment par les cocofnacaca—nous traitant de "colonialistes de sueurs de burnous de capitalistes …",sur quoi il était répliqué , —"porteurs de valises—complices des Assassins-Honte à vous…"---puis après l’attente à l’extérieur bien sur , vu le nombre, a l’énoncé du report de la décision ,nous entamions par deux fois les AFricains—
les journaleux présents nous ont très peu interviewés , prêtant toute leur attention aux camp d’en face suite …/…"
Selon les propos de l'avocate du plaignant rapportés dans les colonnes du journal La Provence du 16 février :
"Choisir le 19 mars c'est du négationnisme, du révisionnisme".
La référence à la seconde guerre mondiale est d'autant plus manifeste que parmi les manifestants certains brandissaient des pancartes assimilant les événements du 26 mars 1962 (l'armée française tire sur la manifestation de civils français d'Algérie rue d'Isly à Alger; la fusillade fait 61 victimes) au massacre du maquis du Vercors sur le plateau des Glières. Cette évocation ne peut pas être détachée de la récupération de l'image de la Résistance aux Glières par Nicolas Sarkosy entre les deux tours de l'élection présidentielle et chaque année depuis.

Comment s'y retrouver dans cette opposition d'opinions sur un objet de mémoire qui ne font qu'entretenir la plaie ouverte du drame post colonial de l'accès d'un peuple à son indépendance dans la violence de la guerre ?
La France a-t-elle tranché dans l'écriture de son histoire et calé sa représentation des tourments de la décolonisation.

Difficile ?
Les acteurs d'une page d'histoire vieille d'un demi siècle à peine, pour beaucoup, sont encore vivants. Et tout naturellement les positionnements diamétralement opposés à l'époque entre une extrême droite pro colonialiste et une extrême gauche farouchement anti colonialiste ont construit leur récit héroïque jalonné des martyres des pics de violences, des massacres qui ont émaillé plus d'une décenie d'une guerre qui ne voulait pas dire son nom : les "événement d'Algérie", les opérations de "pacification"...
Les uns brandissent les folles du 26 mars face à ceux qui s'inclinent à la mémoire des victimes de Charonne...
Les clivages qui subsistent aujourd'hui entre celles et ceux qui s'attachent à la mémoire de ces moments d'histoire de la France et du monde sont tout naturellement tendus par les mêmes ressorts que ceux qui activaient les prises de position pro ou anti OAS, ceux que la torture rend encore malades aujourd'hui à chaque fois que les souvenirs remontent... et ceux qui supportaient qu'elle existe pour que Maurice Audin (enseignant à l'université d'Alger, communiste anti colonialiste), en meure à 25 ans.
Inconciliables
Il faut bien s'y résoudre, des points de vue appuyés sur des interprétations de l'histoire aussi radicalement opposées ne peuvent pas de rejoindre et faire consensus.
Il est donc aussi habituel de voir les décideurs au pouvoir osciller entre petites concessions et attentisme prudent. François Mitterrand n'avait pas accédé aux demandes de la FNACA pour officialiser la commémoration du cessez-le-feu du 19 mars. Nicolas Sarkosy avait accumulé quelques promesses en direction des rapatriés d'Algérie et des Harkis dans sa campagne des présidentielles, elles restent lettres mortes et les intéressés menancent de sanctionner politiquement le camp du président !
La guerre d'Algérie s'inscrit dans les conflits armés post 2ème guerre dans lesquels les opérations dépassent largement le militaire en tant que tel. L'implication et/ou l'utilisation des populations civiles, les pratiques de guerilla, les mouvement des résistance et les mouvements activistes, ce type de conflit se déroule dans un paysage brouillé où les camps en présence sont de composition complexe et fluctuante.
La guerre d'indépendance de l'Algérie n'est pas qu'une guerre entre la France et L'Algérie. Du côté Français la tension est grande entre pro et anti colonialiste et au fil des années la ligne qui les départage bouge en faveur des second, sans pour autant en garantir l'homogénéité, mais tout en radicalisant l'action des premiers (voir l'attentat du Petit Clamart où l'OAS visait De Gaulle).
Du côté algériens l'opposition entre colons et colonisés a pu nourrir les rangs des "rebelles" combattant pour l'indépendance et paralèlement mobiliser des algériens supplétifs de l'armée française, les harkis...
Selon qu'on est dans un camps ou dans l'autre, que l'on défend telle ou telle position les "terroristes" et les "patriotes"ne seront pas les mêmes. Les mots recouvrent tour à tour la désignation et l'engagement du héro et du bourreau.
C'est la même dialectique qui opposait nazis, miliciens et collaborateurs de tous poils aux forces alliées, aux résistants et patriotes.
Les opinions ne se valent pas, elles sont portées par des valeurs que la République supporte ou ne supporte pas, qui nourrissent la démocratie ou qui la ruinent.
Les républicains attachés aux valeurs de la République et à l'universalité des droits de l'homme ont un devoir de parti pris dans ce débat pour servir le devoir de mémoire. Et pour les humanistes, combattre tous les asservissements passés ou présents, toutes les dérives racistes de ségrégation et d'exclusion, est une exigence permanente.

 "Le ventre est encore fécond d'où est sorti la bête immonde" (Berthold Brecht)


La liberté des hommes de demain se construit aujourd'hui au regard des errements des hommes d'hier. Sans concession !

Accès au site de l'UNC ICI.
Accès au site de la FNACA ICI.

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