mardi 26 juillet 2016

Maux sans mots

Depuis des mois il ne se passe guère de semaine sans qu'un jour ne soit drapé du noir du deuil. La liste interminable des victimes n'a de cesse de s'allonger au même rythme que les discours s’enchaînent ; tous aussi véhéments qu'impuissants, n'assénant que la certitude d'un prochain massacre...
Comment, en démocratie, peut-on supporter plus longtemps cette mise en danger de la liberté, primat du triptyque de notre devise républicaine ?

La France est "en guerre contre le terrorisme" au Moyen-Orient comme en Afrique...
Et aujourd'hui la guerre serait en France.
Il y a quelques décennies l'Afghanistan était devenu le théâtre d'affrontements des grandes puissances instrumentalisant les talibans qu'il a ensuite fallu combattre... et de la phase des années 80 qui s'acheva avec retrait des soviétiques s'ouvrit une longue période guerre civile dans un espace d'autant plus loin d'être pacifié plus de trente ans après que le 11 septembre est passé par là et que les guerres du Golfe ont ajouté à la confusion et aux tensions entre factions religieuses en lutte pour le pouvoir.
Sur un fond permanent de guerre israelo-palestinienne la poudrière syrienne entretenu les tensions internationales et le continent africain, de la Libye au Mali en passant par la Centrafrique ou la Somalie a aussi précipité les peuples sur les voies d'un exil de survie.
Les Balkans avaient aussi eu leur lot de feu et de sang sans qu'aujourd'hui l'Europe n'en ait fait un espace de grande prospérité...
Un demi siècle de grands désordres entretenus par les plus grandes puissances avec aussi peu de respect pour l'ONU que les fauteurs de guerre n'en avaient eu pour la SDN dans les années 30 conduit à une situation d'autant plus difficile à contrôler que jamais les pouvoirs politiques n'ont été aussi pollués par les composantes religieuses de sociétés disparues sous la pression communautariste qui exacerbe les différences plutôt que d construire du sens commun et qui, par le jeu malsain de la concurrence radicalise les options les plus extrémistes.

Il y a quelques années, l'extrême droite était un peu la "maladie honteuse" de la démocratie et son expression restait un peu en sourdine ; aujourd'hui sa voie au chapitre banalise les positions racistes, xénophobes... Le terreau est devenu fertile pour les pires excès libérant le geste d'esprits dérangés perméables à tous les fanatismes.

Rien ne serait pire que d'ajouter des guerres aux guerres, des armes aux armes, des morts aux morts avec leurs cortèges de prières.
C'est de la paix dont le monde a besoin, du plus grand des états au plus petit village.

N'est-il pas temps de réécrire aujourd'hui, pour l'élargir au monde, la parole de Montusès au congrès socialiste de 1916 qui contestait l'opinion de Briand appelant "la paix par la victoire" en réclamant "la victoire par la paix" , tant il redoutait alors que" la France, pour sa gloire, ne s'ensevelisse sous ses ruines..."?

Qui pense à la Paix, qui parle de Paix aujourd'hui ? Faudra-t-il attendre un siècle pour comprendre la vanité et l'abomination des massacres, la dangerosité et la vanité des discours bellicistes ? Mettre des mots sur les choses n'est pas chose facile quand la chose est inconcevable, surtout quand il est tentant pour certains de tordre le cou des mots pour s'accommoder des choses.

Aujourd'hui, le petit d'homme naît plus surement pour vivre libre que pour la servitude idéologique mortifère qu'on lui prépare.