jeudi 14 mai 2020

Le monde d'après ?

Derrière l'enfumage d'une communication sensée faire l'actualité, c'est un monde d'avant en pire qui se profile...
Déjà des pistes sont ouvertes pour que l'Etat d'urgence nourrisse de ses mesures d'exception l'état normal d'après... La chronique de Gérard Filoche dans l'HD de cette semaine est éclairante sur les perspectives d'une sortie de crise dure pour les travailleurs...

mercredi 13 mai 2020

L'archipel des solitudes

Les jours, les semaines, les mois passent dans l'air lourd de la norme anormale...
Le grand charivari étourdissant de la communication H24-7/7 donne le tournis...
Et nous sommes tous là, confinés déconfinés, masqués, distanciés, apeurés, à ne plus savoir très bien comment vivre et survivre à la calamité.
Presque honteux d'être épargné, ne faut-il pas à tout moment s'en assurer et considérer le péril chez les autres ? ... et encore pas si sûr qu'on ne soit pas soi-même pire péril pour les autres !
Tous les visages se fondent et se confondent ; tout juste la stature, l'allure d'une démarche vont trahir silencieusement la connaissance qui ne pourra pas lire pas sur les lèvres de l'autre le signe de la reconnaissance. Des visages dévisagés, des humains déshumanisés, des citoyens déresponsabilisés dans la contrainte obéissante à des règles aussi improbables que variables... La pandémie meurtrière a jeté sur le monde une chape de plomb.
Et les foules obéissantes se confinent, puis se déconfinent, ne se masquent pas hier quand l'épidémie se propage à toute allure... mais le font aujourd'hui quand la vague se calme...
Et les grandes consciences d'appeler à la rescousse au secours scientifique avec le vaccin miraculeux qui va faire la fortune de ses fabricants avant de se trouver honteusement impuissant face au prochain virus qui aura eu l'idée maligne d'être un peu différent du précédent... Tout à fait comme le pouvoir politique dégaine une loi nouvelle au lendemain de chaque fait-divers... c'est ainsi qu'on se donne de l'importance en réagissant bien plus qu'en agissant.

Au-delà de la maladie, de son origine comme de ses ravages mais aussi de son traitement par les autorités politiques, deux ou trois choses ne manquent pas de tracasser :
  1. Communication plutôt qu'information.
    Il a bien fallu constater la volatilité des discours tenus pour caractériser l'actualité ; ils ont sans cesse oscillé entre l'affirmation péremptoire masquant l'ignorance et démentie sitôt dite ou le mensonge calculé pour masquer l'incurie d'un système dans lequel la prévoyance et la précaution ont fait partie des cibles des chasseurs de coûts étalant à pleins carniers les économies budgétaires... et prompts à se dédouaner des difficultés qu'ils avaient eux-même engendrées...
  2. L'homme "animal social" disparait au profit de l'individu.
    Confinement et distanciation sociale sont venu encadrer des comportements dont le naturel était devenu coupable par nécessité : à défaut de pouvoir enrayer la contagion épidémique par une prise en charge sanitaire -hospitalisation et tests diagnostics- on arrête les gens plutôt que le virus. Et si des gestes barrière relèvent de l'hygiène de base, les mesures de distanciation dite "sociale" et le port du masque sont venus troubler l'ordre normal des choses dans les relations humaines de quelque type qu'elles soient. La proximité des êtres devient dangereuse, le nombre d'êtres rassemblés est désormais mesuré chichement par la loi. Insidieusement les mots qui créent les choses font qu'une prise de distance physique est dite "sociale", ce qui recouvre un tout autre champ conceptuel.
  3. "Le métier de surveiller rend stupide et ignorant ; cela est sans exception"
    Cette maxime du philosophe Alain n'a rien d'inquiétant pour les champions de la surveillance d'aujourd'hui, ils en étaient déjà frappés.
    Enfin, déjà banalisée après les périodes d'attentats passées de quelques années, la surveillance policière accrue et la présence militaire en surveillance de rue, sont entrées dans l'ordre normal des choses, et de la loi... Effet cliquet, la surveillance policière de l'observation rigoureuses des mesures édictées dans 'Etat d'urgence sanitaire", et ce n'est pas sous les balcons des hôtels particuliers du 16ème arrondissement, mais bien dans les "quartiers" turbulents que les forces dites "de l'ordre" viennent faire briller les gyrophares. La pauvreté et la misère sociale seraient-elles aussi contagieuses que le méchant virus ? S'y ajoutent aujourd'hui sans trop de réactions indignées quelques outils de fichage numérique... C'est un peu comme si la surveillance des citoyens était naturelle dans une démocratie citoyenne... Et dans un monde où des solutions techniques auraient la capacité de fournir une solution à tout problème,  aujourd'hui les systèmes de surveillance vidéo capables de détecter les infractions aux règles (port du masque, distanciation...) font recette dans les collectivités, dans les transports. 
Au bout du compte malades et soignants sont dans la même communauté des victimes de la pandémie et de sa gestion réunies, hier manifestants victimes du mépris du pouvoir et aujourd'hui noyés sous les larmes de crocodiles de la bienpensance gouvernementale...
Au bout du compte l'autoritarisme dont il est fait preuve et qui fait peu de cas de la conscience citoyenne et du civisme d'un peuple républicain, n'est qu'une manifestation de la faiblesse d'un pouvoir pris au piège de ses propres avanies, rattrapé par les effets directs ou indirects de sa politique dans les grands champs de l'action sociale, de la santé, de l'éducation, de la justice ou de la culture.

Dans cette espèce de "temps-mort" de la démocratie de l'Etat d'Urgence, le silence de l'importance devient d'autant plus insupportable que le bruit de l'insignifiance et du camouflage sont assourdissants.
Et les femmes, les hommes et leurs petits sont posés, là, les pieds joints sur les marques bleues, blanches ou rouges, comme autant d'îlots inaccessibles, 
Dans l'agonie du système capitaliste, submergé par les vagues successives de ses  dévastations, notre univers n'est plus qu'un immense archipel de solitudes.

NB :  Il fut un temps où les policiers de l'Etat Français raflaient sans trop d'état d'âme pour le compte de l'occupant... L'étoile jaune cousue au revers de la blouse suscitaient-elle l'inquiétude de tant d'autres... Maréchal nous voilà dans les cours d'écoles... Imaginez un seul instant ce dont seraient coupables les instruments d'aujourd'hui,,, Réalisez ce dont ils SONT capables.