jeudi 4 février 2010

Communisme pluriel

Parler de pluralité à propos de communisme est à la fois paradoxal et d'une éclatante évidence.
Paradoxal si on s'en réfère aux temps anciens et glorieux de l'histoire du premier parti politque de France...
D'une grande évidence si on s'intéresse à l'exemple le plus récent des comportements politiques dans un parti qui fournit une grande diversité d'approches stratégiques dans les régions pour affronter l'échéance électorale de mars prochain...
Il serait bien imprudent de décréter la vérité dans l'une ou l'autre de ces configurations.
Le travail de recherche de Julian Mischi présenté dans son ouvrage "Servir la classe ouvrière, Sociabilités militantes au PCF" a le mérite de dépoussiérer l'approche et la compréhension du déclin du PCF dans le dernièr demi-siècle.
Les options qu'il privilégie sont en décalage par rapport à celles que Bourdieu avait pu développer sur le thème de la délégation de pouvoir de militants dont l'armée de fantassins obéissait volontiers aux orientation d'un été-major respecté. Le détricotage des grandes pratiques collectives, qu'elles soient politiques, syndicales, mutualistes ou coopératives dans le dernier tiers du XXème siècle n'ont pas été sans effet sur une organisation de la taille et de la force du PCF.
Quand le processus d'union à gauche change de nature dans les années 70 pour passer d'un niveau conjoncturel à une constante structurelle conduit au changement de nature du collectif des élus, le modèle d'analyse de Bourdieu perd de sa pertinence. Et c'est là que les options de MISCHI vont contribuer à la compréhension du système de déclin du PCF.
Trois pistes méritent d'être défrichées :
  1. les inflexions du discours idéologique de l’organisation
  2. les évolutions de sa sociologie interne et le fossé qui a pu se creuser entre permanents et classes populaires
  3. l’autonomisation croissante des élus locaux par rapport à l’institution partisane et ses militants
Ces trois éléments ne sont évidemment pas indépendants, ils fonctionnent en système et contribuent ensemble au phénomène de déclin et d'éclatement de l'organisation. L'inflexion du discours idéologique dans une logique d'afadissement et de "gommage" d'aspérités exigentes jugées dépassées (principes de fonctionnement comme le centralisme démocratique, concept de la lutte des classes...) et directement liée au point 3 puisque toutes les ambitions de gain ou de préservation de positions électives passent par des compromis consensuels avec des forces voisines moins exigentes dans le combat révolutionnaire. Dès lors on en justifie l'existence, parfois même jusqu'à les valoriser dans les logiques d'alliance.
Il serait bien vain de penser qu'un choix stratégique, voire même parfois une simple option tactique dans le combat politique sont sans effet sur le fond idéologique de l'organisation qui les promeut.
Pour mieux comprendre notre organisation dans les évolutions tourmentées de son histoire, la lecture de cet ouvrage revêt un grand intérêt.
Cet intérêt est encore renforcé ici puisque le chercheur est venu dans l'Allier et plus particulièrement dans le bocage pour conduire sa recherche.
« …

 Le choix d’une terre rurale s’est porté vers le bocage bourbonnais, car il donne une image de la diversité de la France paysanne avec une structure sociale mixte (grande et petite propriété) et des régions naturelles variées, riches et pauvres. Essentiellement terres d’élevage mais aussi de production céréalière, les campagnes centrales de l’Allier s’insèrent dans le pourtour « rouge » du nord et de l’ouest du Massif Central. Les paramètres politiques entrent en effet aussi dans la détermination des sites d’étude. La recherche concerne deux zones de forte influence communiste, l’une ouvrière (le Pays Haut lorrain) et l’autre rurale (le bocage bourbonnais)… »
 
Le monde change et il est bien normal qu'une organisation comme le Parti Communiste Français qui se donne pour premier objectif d'orienter le changement du monde change aussi pour adapter le plus justement possible ses moyens et ses actions aux objectifs qu'il s'assigne.
Parler de déclin et en rester là comme s'il était inéluctable et dans l'ordre des choses serait une erreur considérable. Ce serait s'inscrire définitivement dans le cercle vicieux qui a déjà fait preuve de ses ravages chez nos voisins italiens, espagnols ou allemands.
Relancer la perspective du communisme au XXIème siècle passe par la conception des moteurs du cercle vertueux qui réinscrira naturellement l'offre politique des communistes dans le champ des préoccupations des gens. Et c'est autrement exigeant que la gestion obéissante quand bien même elle est grincheuse des marges fort étroites que nos alliés ou le pouvoir en place nous concède.
Pour que le cercle vertueux s'enclenche et redynamise l'organisation le besoin se fait sentir de trois renversements sur les trois axes repérés du déclin :
  1. une clarification et un renforcement idéologique de l'organisation
  2. une remassification de l'organisation
  3. l'intégration des élus dans le fonctionnement de l'organisation
Ce ne sont là que quelques idées, peut-être partageables, mais aussi vraisemblablement contestables, puisqu'on n'est jamais sûr d'avoir touché le fond...


NB : la réflexion sur la pluralité du communisme de Julian Mischi trouverait une justification s'il en était besoin dans l'analyse de certains théoriciens de la droite libérale comme Philippe Raynaud, qui, tout en constatant l'émiettement de l'extrème gauche sont aussi obligés d'en constater la survivance.
"Un trait différencie notre début de IIIème millénaire d’avec le milieu du siècle précédent : du fait des secousses de l’histoire, il n’existe plus, ni dans l’hexagone ni ailleurs, de centre organisateur et hégémonique d’une politique révolutionnaire, position qu’occupa longtemps le PCF. Pour autant, passion révolutionnaire et idée communiste ne se sont aucunement éteintes : elles se sont transformées, en investissant des thématiques nouvelles, autant qu’elles se sont archipellisées en une nébuleuse d’organisations, de partis, de syndicats et d’associations. De monolithique qu’elle fut, l’extrême-gauche est devenue “ plurielle ”. "
Après tout, le passage du monolithisme (si tant est qu'il ait existé, peut-être devrait on plutôt dire l'hégémonie) à la pluralité, n'est peut-être que l'illustration des différentes phases d'un processus cyclique et qui annoncerait la perte programmée de l'hégémonie social-démocrate pour un nouvel ancrage bien à gauche sur l'option communiste. Nous n'en sommes pas encore là, et pour y arriver il ne faudra pas considérer le "Front de Gauche" comme l'objet précurseur d'un nouveau parti ni le simple outil des ambitions électorales de Mélanchon.

1 commentaire:

roch a dit…

Je ne connais pas l'auteur de ce texte mais je le rejoins sur les points essentiels du déclin du PCF et des myens de son redressement!!
Le PCF n'est pas mort!!!
Fraternellement
Sylvain