jeudi 23 février 2012

Partage des os

La ligne de partage des eaux intéresse nécessairement le géographe ; et au-delà même l'anthropologue ou le simple observateur, tant il est fréquent de voir les hommes suivre l'inclination naturelle de leur environnement.
Les "territoires", machins tellement à la mode pour éviter toute autre dénomination précise d'un espace donné ne s'en affranchissent pas sans dommage.
Dans tout espace il est aisé de définir une limite externe, frontière d'apparence intangible tellement elle échappe généralement à la dimension d'une vie humaine. Mais dès qu'on y regarde de plus près ces limites sont bien fragiles et leur existence à la merci du temps. Il serait facile d'illustrer ce propos avec un tour de France, y compris en s'attardant du côté de l'Alsace Moselle dont les populations ont été invité au cours des derniers siècles à changer de nationalité au gré des ambitions guerrières des puissances régionales.
La géographie écrit les reliefs et fait couler la Seine en Manche et le Rhône en Méditerranée, ou bien encore conserve les eaux du Jourdain au creux de la Mer Morte. Points de concentration ou lignes de partage sont bien des éléments incontournables de la compréhension des espaces et des interactions qui s'y jouent : divergences et convergences.



Il en est de même dans la vie des hommes et des femmes qui se créent dans leur histoire personnelle, sociale et professionnelle une forme de "territoire", un espace de vie dissonnant parfois entre la réalité de ce qu'il est pour soi et l'image qu'on veut bien en produire pour les autres à diverses échelles. L'exposition médiatique qui s'impose aujourd'hui aux personnages publics les conduit fréquemment à surexposer l'image faite aux autres au détriment du naturel moins maquillé du réveil domestique. C'est bien à ce niveau que depuis quelques décennies, nous vivons une évolution privilégiant l'individu au collectif, l'intérêt particulier aux nécessités collectives. Les frasques réelles ou supposées de DSK peuvent être lues au travers de ce prisme tout comme des situations beaucoup plus communes de tous ceux qui s'exposent.
Pour complexifier la chose, l'individu se forge parfois en collectif, dès lors qu'il s'agit de construire en marge des organisations collectives traditionnelles - partis ou syndicats- des collectifs communautaires -fondations, associations- qui permettent aux élites de se retailler une identité collective à leur mesure et valorisant la personne qu'ils ne supporte pas de voir assimilée à la masse ordinaire de leurs semblables. Les associations d'élus en sont les exemples emblématiques aujourd'hui.
Les motivations fonctionnelles prétextées ne peuvent qu'en confondre l'iniquité.


A l'occasion de la cruelle aventure de son éviction d'une chaine de radio, Gérald Dahan déclarait constater que : "Les convictions des gens s’arrêtent où commence leurs intérêts."


Dans sa déclaration il met la langue sur la ligne de crête qui sépare deux mondes - convictions et intérêts - qui n'ont pas nécessairement vocation à s'opposer, sauf si, et seulement si celle ou celui qui tranche opte pour l'option des privilèges qui vont le rendre dominant désignant ses dominés.
Celui ou celle qui fait le choix du partage et de l'intérêt général n'a pas besoin de cet artifice de la ségrégation, son intérêt se confondant avec celui de ceux qui l'entourent, il lui est facile d'en afficher la conviction sans discours ni posture hypocrite.


Tant que l'avoir prendra le pas sur l'être...
Tant que le paraître prévaudra sur l'être...
Tant que les individus n'auront pas compris que leur salut est de faire société, les intérêts gouverneront les convictions. 

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