lundi 13 février 2012

Militant ou supporter ?

Efficace et pertinent sur FR3 à la mi journée, Jean-Luc Mélenchon a été aussi brillant sur France Inter en fin d'après-midi. Avec lui les interviewers ne sont plus les faire-valoir de rencontres policées préparées par les médias avec Hollande, Bayrou ou Sarkozy.
Plus la campagne avance et plus le candidat incarne nos valeurs de gauche et fait prendre corps aux perspectives que les communistes défendent depuis fort longtemps.
Alors, pourquoi pas communiste ?


On entend depuis longtemps seriner par celles et ceux pour qui le parti pèse, qu'il faut être plus ouvert, laisser sur le bord du chemin la dépouille d'une mue devenue encombrante, achever une métamorphose plus impérative que nécessaire pour continuer la route.


Quelle route ?




Et si on renversait le paradigme...
Pour les promoteurs de la métamorphose, tout ce qui est différent est bel et bon ; mieux vaut, pour être considéré, être ailleurs, à côté, ou nulle part, que d'être adhérent cotisant vétéran ! ça c'est vraiment trop gnan-gnan, c'est dé-pa-ssé ! 
De ce fait, plutôt que de conforter une ligne idéologique solide depuis quelques années la stratégie politique du parti s'est réduite à des tactiques électorales évoluant dans la forme sans rompre sur la seule perspective encouragée : la dissolution du parti dans un amalgame sans squelette des dissidents d'autres organisations,  y compris de lui-même.
La rengaine servie le plus souvent à celles et ceux qui revendiquent un certain respect des structures et de l'héritage historique de notre parti, est jouée sur l'air de l'insuffisance : pas assez ouvert, pas assez à l'écoute...


Et si on faisait l'hypothèse du contraire ? Si les sourds n'étaient pas ceux que l'on pense. Parce qu'enfin d'ouverture on ne peut bien parler qu'à la condition d'avoir construit le mur dans lequel on perce portes et fenêtres. Sur un ams de ruines, plus besoin d'invitation à entrer ni de trousseaux de clés...


Quand j'entends Mélenchon, à quelques choses près son discours est le mien... certes plus que ses intentions à notre égard distillées à la marge ! 
Ne peut-on pas penser que, lorsqu'il est sorti de son organisation politique à force de désaccord il n'a pas trouvé un parti communiste assez accueillant à sa dissidence, capable de l'intégrer pour enrichir l'éventail de l'offre communiste ? Et si c'était le flou et l'absence de charpente idéologique dans un parti communiste mis en jachère et instrumentalisé par ses dirigeants au seul profit de ses élus organisés dans d'autres structures... Et si "les autres" ne rejoignaient pas le parti communiste, tout simplement parce que les communistes qui le font privilégient la culture de la différence au détriment de l'assimilation ?


N'en est-il pas de même avec celles et ceux de l'extrême gauche qui rejoignent le Front de Gauche.
Le cas de celles et ceux qui se sont écarté du parti pour être plus facilement calife d'un groupuscule d'à côté et fustiger la planète mère qui les a faits est un peu différent, mais il concourt adroitement à installer l'idée que le "front de gauche" gagne son statut de parti pour mieux ranger le parti communiste au bâtiment des archives.
Si les communistes soucieux de l'existence de leur organisation manquent de vigilance et se laissent enfermer dans le cercle vicieux de la paupérisation idéologique et organisationnelle de leur  parti, alors la gauche perdra de sa capacité d'agir, tiraillée par les tensions internes exportées du PS avec la sortie de Mélenchon qui les réintroduit dans la gauche entière.
Il faudrait être en capacité de formaliser les intentions profondes de toutes les composantes du Front de Gauche qui n'est déjà plus tout à fait dans son rôle de construction attachée à une stratégie électorale. Les appels au financement de la dernière période en sont un signe.
La vie politique est d'abord la vie, et les organisations qui en sont le squelette sont éminemment mortelles. Pourquoi pas discuter de l'accompagnement d'une fin de vie dans la dignité ? Mais de grâce qu'on n'institue pas l'euthanasie pour se décharger d'une mémoire porteuse d'exigences, de respect, de valeurs communes plus que d'ambitions personnelles.
Si le parti communiste se veut rasembleur, tout comme chacun des communistes se doit de l'être, peut-être faut-il qu'il commence par continuer d'exister, que sa charpente soit solide et bien couverte d'idées justes, que ses murs ne menacent pas ruine pour que portes et fenêtres puissent s'ouvrir effectivement sur un intérieur accueillant et chaleureux.
Le Front de Gauche a raison d'avancer avec un slogan invitant à la prise du pouvoir, à une récupération citoyenne d'un pouvoir partagé. Ceci dit il doit se départir de la confusion entre les supporters dont il a besoin dans l'arène électorale et les militants qui font l'existence des organisations.
Le supporter ne joue que par procuration, son soutien a du poids certes, mais ce n'est pas lui qui oriente le jeu, pas plus qu'il ne détermine les choix stratégiques la tactique ou la composition de l'équipe ; sur ces points c'est à l'encadrement militant de prendre ses responsabilités.


Cette invitation vaut aussi à l'intérieur d'une organisation qui se veut démocratique où celles et ceux qui valident leur participation au travers de leur cotisation ne peuvent que partager le pouvoir de penser, de dire et de faire.

Louise Michel n'y pensait-elle pas en écrivant cette alerte salutaire ?
"Le pouvoir créera des vertiges tant qu'il ne sera pas partagé par tous."

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