C'est bien là, s'il en fallait l'illustration, que la planète médiatique hexagonale mérite la palme de la médiocratie. Face à un tel déferlement, les efforts que les enseignants déploient pour tenter de faire un peu d'éducation civique paraissent tout d'un coup bien dérisoires.
La question que certains bavards des antennes poussent en avant porte sur l'éventualité de l'anonymat des parrainages. Chacun pourrait alors patauger à l'ombre dans le caniveau des petits arrangements avec sa conscience. Impunément ?
Et puis quoi encore !
A qui observe la vie politique depuis quelques décennies il n'a pas échappé que le courage et la responsabilité ne font maintenant plus guère partie de la boîte à outils ordinaire des hommes comme des femmes politiques. Leur propension à s'organiser en communautés spécifiques (voir toutes les associations d'élus qui ont fleuri depuis quelques décennies) qui leur permettent d'instituer leur autorité en marge de leurs organisations politiques pour mieux les instrumentaliser.
Les français ont de l'appétit pour la politique, mais un certain dégoût pour les organisations et une défiance qui croit vis-à-vis de leurs élus. Le centre de gravité de la vie politique s'étant aujourd'hui déplacé des organisations (qui ne sont plus dans le meilleur des cas que des machins - ou plutôt machines - électoraux) vers une élite qui en est issue pour mieux s'en affranchir, la citoyenneté s'est réduite à l'exercice du soutien béat ou de l'opposition grincheuse des supporters derrière les grillages des stades de foot comme de part et d'autre des barrages policiers des excursions présidentielles.
Élus, au sens quasiment biblique du terme, ils ne sauraient désormais plus appartenir au monde vivant du vulgus pequm. Il est si doux de pérorer dans le boudoir des dieux !
Alors on peut étaler encre et salive sur le sort de ces pauvres maires et autres élus, assaillis des demandes de parrainages des candidats à l'élection présidentielle, et qui hésitent, tergiversent et finalement renoncent à prendre parti.
Et de vous dire qu'ils ont bien tort de succomber aux pressions abjectes de leurs congénères menaçants susceptibles de leur faire payer à coups de refus de subvention ou de rosette de légion d'honneur toute velléité de parrainage de Madame Le Pen !!!
Donner son parrainage pour qu'un candidat soit présent dans l'arène de ce déni de démocratie qu'est l'élection de notre prince président relèverait du simple accomplissement d'un acte administratif, complètement déconnecté du substrat d'opinion qu'il suppose !
On ne manque pas de monde au bal des faux-culs !
Mais c'est l'occasion supplémentaire de seriner en boucle que Madame Le Pen représente 20% de l'opinion des français et qu'il n'est pas normal qu'elle ne participe pas à la fête ; d'autant moins normal d'ailleurs qu'avec autant de soutien populaire elle ne dispose d'aucun député alors qu'avec un score bien plus calamiteux les communistes en conservent...
On parle beaucoup de crise économique, de crise sociale un peu moins, mais assurément pas assez de la crise politique qui entretient les deux autres tout en s'en nourrissant.
La politique se meurt entraînant dans sa perte ce qui restait de la démocratie et des belles résolutions qui pouvaient en former la charpente :
- déclarations des droits de l'homme et des citoyens, y compris celle de 1793
- Programme du Conseil National de la Résistance
- déclaration de Philadelphie de mai 1944
... et quelques autres comme celle de Guy Môquet partant à la mort
"Soyez dignes de nous !"
Et si des élus de la République ne sont pas aujourd'hui en capacité de refuser l'accès à la table de la démocratie à ceux qui l'assassinent, alors, même l'anonymat de leur leur engagement ne saurait occulter leur indignité.
Pour moi, le Front National et son idéologie funeste ne se combattent pas dans les urnes, mais avant les urnes.
Après, il sera trop tard.
Est-il encore utile et nécessaire de rappeler qu'Hitler était sorti des urnes en obtenant 6,5 millions de suffrages pour le parti nazi aux élections du 14 septembre 1930, 18,3 % des voix et 107 sièges, le parti nazi devenant alors le deuxième parti au Parlement ?
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