Dans son édition de février 2012, le "Patriote Résistant", journal de la Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants et Patriotes publie un éditorial de son secrétaire général, Robert CREANGE intitulé "L'histoire sur la sellette".
Ce texte exprime merveilleusement bien le sentiment de tous les démocrates face à l'offensive d'un pouvoir dont le premier objectif est d'instituer l'oubli, d'instrumentaliser l'histoire, autorisant toutes les falsifications, réécritures et révisions indignes.
à lire ci-dessous
« Professeur d’histoire-géographie, je voudrais vous faire connaitre mon indignation quant au nouveau programme d’histoire de Première... » Ainsi s’exprime un professeur dans le Patriote Résistant de juillet-août 2011. « Nous aussi, historiens et géographes, sommes des « indignés » renchérit Monsieur Bruno Benoit, président de l’association des professeurs d’histoire et géographie (APHG) dans l’éditorial de la revue Historiens & Géographes d’octobre-novembre 2011. « Les professeurs d’histoire et géographie membres de l’APHG ne peuvent accepter qu’à la rentrée 2012 l’histoire et la géographie disparaissent des enseignements obligatoires en Terminale S » précise-t-il dans un appel à soutenir les « Etats généraux de l’histoire et de la géographie » qu’a tenus son association a Paris le 28 janvier au Lycée Louis le Grand et en Sorbonne et auxquels la FNDIRP a été représentée par Marie-Jo Chombart de Lauwe.
Dans la rubrique A bâtons rompus de ce numéro de votre journal, vous trouverez l’interview de Bruno Benoit réalisée par Irène Michine.
Pourquoi tout ce bruit? L’offensive menée par le pouvoir actuel est-elle nouvelle? Certainement pas. Dans les années 60, Louis François, ancien résistant déporté, inspecteur général de |’Education nationale de 1945 à 1973 et doyen de l'inspection générale d’histoire et géographie de 1967 à 1973, avait déjà dû défendre bec et ongles l’enseignement de l’histoire. Il raconte (Historiens & Géographes n° 359, nov. 1997) que, « dans les années 60, j’apprends un jour que Monsieur Fouchet (ministre de l’Education nationale), qui avait été mon élève, veut supprimer l’enseignement de l’histoire-géographie dans les classes scientifiques. Je demande audience à Fouchet. Je lui dis : « Ce n’est pas possible ». Je suis sorti avec une demi-victoire, qui était que ce serait à l’avenir un enseignement volontaire. La semaine suivante paraissait un encart dans Le Canard enchainé : « Pour nos meilleurs élèves des sections scientifiques, le général de Gaulle va devenir matière à option ». « J’ai été obligé d’aller jusque-là, le projet a disparu ; ça a été ma principale victoire, grâce au Canard enchainé ».
Aujourd’hui, la situation est redevenue préoccupante. D’un côté, on veut instrumentaliser l’histoire (lecture de la lettre de Guy Môquet, présence médiatisée du président Sarkozy au plateau des Glières, projet (abandonné) de parrainage d’un enfant victime du génocide par chaque élève du cours moyen, loi proclamant le 11 novembre journée dédiée aux morts de toutes les guerres...). De |’autre, l’enseignement de l’histoire pâtit de la refonte des programmes (par exemple, l'étude de la Résistance est rejetée en fin d’année de Première, dans le cadre plus général des « Français et (de) la République». Cette discipline indispensable pour former les futurs citoyens est menacée par des mesures de restriction qui, entre autres, ont des conséquences néfastes sur la formation des enseignants. Nous craignons aussi que la modification des programmes entraine une désaffection des élèves pour le Concours national de la Résistance et de la Déportation.
Nous devons également être vigilants devant les tentatives de réécriture de l’histoire. On veut tout mélanger, les exemples sont nombreux. Je n’en citerai que deux. Apres l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi sur la commémoration du 11 novembre, on a voulu nous rassurer. A nos inquiétudes, on a répondu que toutes les commémorations seraient maintenues. Démenti immédiat : en Seine-et-Marne, à Provins, le député—maire, ancien ministre, annonce aux associations que le 8 mai seront commémorées « la victoire du 8 mai, la libération des camps de concentration, la fin de la guerre d’Indochine » ! Vous mettez tout ça dans une marmite, vous remuez et vous obtenez que personne - entre autres les jeunes - ne comprenne plus rien à rien, que la lutte contre le nazisme se trouve assimilée à la lutte contre un peuple luttant pour son indépendance (les Vietnamiens) ! Rappelons d’ailleurs a Monsieur Christian Jacob, puisqu'il s’agit de lui, que la « Journée du souvenir des victimes et des héros de la Déportation » a été instituée par une loi qui ne peut être contournée et que nous ne laisserons pas remettre en cause. Bien sûr, il ne s’agit que d’une commune mais « on sait comment ça commence, on sait comment ça finit ».
Et puis, et nous nous trouvons là devant un grave danger, il y a la résolution votée par le Parlement européen en 2009 visant à procéder à un amalgame entre nazisme et communisme. En octobre dernier, nouvelle tentative allant dans le même sens, avec la création d’une « Plateforme pour la mémoire et la conscience de l’Europe » par une vingtaine d'organismes européens soutenus par plusieurs Etats, en majorité de l’est, dont le but est de renforcer dans le public la conscience de l’histoire européenne et des crimes commis par les régimes totalitaires ».
Il n’est pas question pour nous de nier ou de trouver la moindre excuse aux crimes commis par le stalinisme mais, comme l’indique le titre d’un document publié il y a vingt ans par la FNDIRP, « le nazisme (est) un phénomène unique dans l’histoire ».
Les présidents des comités internationaux d’Auschwitz, Bergen-Belsen, Buchenwald, Ravensbrück et Sachsenhausen ont d’ailleurs adressé une lettre dans ce sens à Madame Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, au président et aux députés du Parlement européen (voir Patriote Résistant de décembre 2011). Nous sommes, de même, totalement opposés à l’instauration d’une « Journée du souvenir pour les victimes de toutes les dictatures totalitaires et autoritaires » que le Parlement européen a fixée au 23 août, date de la signature en 1939 du pacte de non-agression germano-soviétique. Là encore, nous nous trouvons face à une instrumentalisation de l’histoire.
Affaiblissement de l’enseignement de l’histoire dans le secondaire, réécriture, falsification, instrumentalisation sont autant de périls que nous ne saurions ignorer. Notre vigilance ne doit pas se relâcher. La FNDIRP sera de tous les combats pour que l’histoire continue à participer à la formation de citoyens responsables, « aptes à comprendre et critiquer le monde dans lequel ils vivent ».
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