mardi 7 décembre 2010

Désobéir

Une forme nouvelle de lutte chez les fonctionnaires a vu le jour avec la désobéissance revendiquée. Cette forme de résistance au travail à une pression devenue intolérable dans la forme (cadence, rendement) et/ou dans le fond (orientation et objectifs, méthodes). 
C'est la légitimité de la commande qui est en jeu. 
"Nous devons être respectueux de la démocratie, mais quand quelque chose apparaît non légitime, même si c'est légal, il nous appartient de protester, de nous indigner et de désobéir".
C'est ainsi que Stéphane Hessel, grand résistant, concluait la journée de rassemblement des "désobéisseurs" au forum organisé à Paris pour structurer leur mouvement.
On trouve des personnels hospitaliers qui refusent d'industrialiser leur intervention auprès de patients qui ont besoin d'humanité autant que de soins, des postiers qui en viennent à ne pas distribuer tout le courrier quand on leur impose de servir 3000 adresses en moins de sept heures, des agents d'EDF qui rebranchent les compteurs coupés, des enseignants, des agents de Pôle Emploi... Tous s'insurgent contre des mesures de démolition programmée des services publics. 

Mais leur résistance est individuelle, tout au moins dans sa phase initiale. Combien désobéissent en secret, tout simplement parce qu'il ne sont pas en mesure de répondre aux injonction de la commande qui leur est faite, faute de temps, faute de moyens ?
Cette forme de lutte pose le problème de l'organisation des travailleurs pour leur défense. Les organisations syndicales ont été gagnées de heute lutte à cette fin. 
Le mouvement des désobéisseurs, sans nécessairement s'opposer au syndicalisme se développe à sa marge, un peu comme si les organisations syndicales rechignaient à envisager cette méthode de lutte et surtout dérangées par le fait que ce ne seraient pas les conditions de travail et le salaire qui seraient en cause...
En fait les conditions de travail sont toujours en cause, les salaires aussi au travers de la pression sur la masse salariale et la déqualification des emplois; mais c'est surtout la résistance éthique face à la dénaturation des métiers et au démantèlement des services publics qui pose problème.
Il est regrettable que les organisations syndicales soient défaillantes dans ce paysage. 
Il est dramatique que les organisations politiques progressistes le soient aussi.
Ne trouverait-on pas là une des causes de la désyndicalisaion-dépolitisation des masses et de l'éclosion de nouvelles organisations scissionnistes ou marginales ?
Il est pourtant facile de repérer ce qui va nécessairement produire le conflit de loyauté chez le travailleur à qui la puissance publique demande l'impossible ou commande l'insupportable. C'est l'affaire des organisation syndicales, mais c'est aussi et surtout l'affaire des politiques.
Le courage résistant des désobéisseurs expose sous une lumière crue l'inadéquation de leurs orientations et l'impuissance de leur action. 
Les bancs des assemblées et les tables rondes ou ovales des négociations ruineraient-elles toute vélléité d'indignation et de lutte sur le fond de la nature et de la qualité du service rendu aux usagers, sur la contestation des lois du marché qui en font des clients ? 
Les désobéisseurs sont précurseurs comme pouvaient l'être en d'autres circonstances les premiers résistants.
Souhaitons ardemment que leur organisation remue les consciences des organisations institutionnelles du contre pouvoir qui semblent trop souvent anesthésiées par l'arrogance patronale de l'Etat qui s'amuse de leurs guerres intestines de la représentativité.
Réduire son ambition à rester ou devenir le premier et le plus fort dans le désert syndical d'aujourd'hui est bien dérisoire.
Accaparer l'énergie des militants des organisations politiques à la construction d'assemblages improbables et précaires au service de perspectives lointaines - primaires socialistes par exemple - est tout aussi irresponsable.
Revenir aux fondamentaux, pour les syndicats comme pour les politiques est de toute première urgence.

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