samedi 25 décembre 2010

90 ans, bien trop jeune pour mourir !




Dans le numéro des Echos daté d'hier, Renaud Czarnes s'intéresse à notre parti. Le seul fait que cette presse use de son encre pour le PCF est un signe manifeste d'existence.
Ensuite le contenu faisant écho aux points de vue de Roger Martelli qui vient de quitter le PCF et de Claude Mazauric qui reste est également digne d'intérêt.
Ceci dit le premier objectif du journaliste dans son propos n'en reste pas moins d'illustrer le profond déclin d'une organisation qui avait su mobiliset jusqu'au quart de l'opinion française.
L'option "front de gauche" serait-elle l'élixir de jouvence du seul parti survivant à près d'un siècle de tourmentes politiques en France ?



Les désaccords vieus de plus d'un siècle sont-ils soldés ?


ci-dessous, l'article des Echos
24/12/10 | 07:00 | Renaud Czarnes

Nonagénaire, le PCF veut croire en une nouvelle jeunesse

Alors que son influence n'a cessé de se réduire, le Parti communiste, qui fête ses 90  ans demain, parie sur un « renouveau » en misant notamment sur le Front de gauche.


La chute du mur de Berlin, l'effondrement du bloc soviétique l'ont enfoncé un peu plus, jusqu'aux désastreux 3,37 % de Robert Hue et, surtout, 1,93 % de Marie-George Buffet, aux présidentielles de 2002 et 2007. En 1978,

le PCF totalisait environ 570.000 militants ; aujourd'hui, il y aurait quelque 100.000 cartes (et 65.000 adhérents à jour de leur cotisation). Autre signe du déclin : le PCF, qui, par le nombre de ses élus, a administré jusqu'au cinquième de la population française, ne dirige aujourd'hui qu'environ 6 % des communes. « Face aux mouvements de la société, le PCF a d'abord nié la réalité et, ensuite, quand il a cherché à s'adapter, il n'a pas été capable d'aller jusqu'au bout de son projet de transformation », regrette Roger Martelli.Le pronostic est réservé. Né au congrès de Tours, fin décembre 1920, le Parti communiste présente aujourd'hui un bilan de santé fragile. Après avoir été longtemps le premier parti de gauche, il a entamé une lente érosion dans le dernier quart du XX e siècle. Alors qu'il a rassemblé plus d'un quart des électeurs (28,6 %) et des centaines de milliers d'adhérents en 1946, il s'est ensuite stabilisé. «  Entre 1945 et 1978, le PCF rassemblait entre le quart et le cinquième de l'électorat », rappelle l'historien Roger Martelli, qui a quitté récemment le PCF, car il ne le croit plus capable de se réformer. La dégringolade a commencé avec les 15,35 % de Georges Marchais à la présidentielle de 1981.
Membre du PCF depuis 1952, l'historien Claude Mazauric estime, lui, que les idéaux de son parti demeurent d'actualité. « L'histoire de l'humanité est mal partie car l'avoir -  autrement dit la propriété  -l'a constamment emporté sur l'être, c'est-à-dire l'humain, argumente-t-il. La vision communiste, qui est le contrôle de l'avoir par l'être, reste la condition fondamentale de l'émancipation humaine. » A l'inverse de Roger Martelli, Claude Mazauric est convaincu que le PCF «  s'est beaucoup transformé : il n'y a plus aucun rapport avec le centralisme démocratique d'il y a trente ans ».

Transformer la société

Les deux historiens du PCF se retrouvent néanmoins sur la question du Front de gauche. «  Cette forme politique nouvelle, à condition qu'elle ne se résume pas à un tête-à-tête avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et qu'il soit possible d'y adhérer directement, permettra que les idéaux communistes demeurent et que le PCF ne soit plus un parti supplétif du PS », veut croire Roger Martelli. Claude Mazauric ajoute : «  Le PCF n'existe pas pour lui-même, mais pour transformer la société. Le Front de gauche est un moyen d'y parvenir. »
L'ancien ministre des Transports de Lionel Jospin, Jean-Claude Gayssot, résume néanmoins les craintes d'un certain nombre de « camarades ». «  Le Front de gauche pourrait constituer les prémices d'une force politique nouvelle, opposée au système capitaliste, constructive, indépendante du PS tout en étant capable de participer à une majorité de gauche, résume-t-il.  Mais les ambitions personnelles sont telles que la constitution de cette nouvelle organisation passe au second plan. Il faudrait dépasser le Front de gauche, ce qui supposerait que ceux qui tiennent les appareils acceptent d'avoir moins de pouvoir. On n'en est pas là ! »
R. C., Les Echos


Tout en respectant les grandes qualités intellectuelles de Roger Martelli, je n'en partage pas du tout le point de vue; et je suivrais plus volontiers les options défendues par Claude Mazauric.
Si on considère la vie des organisations à l'image de celle des hommes qui les composent, il peut y avoir de la naissance et la mort un chemin passant par l'apogée de l'activité au milieu de son âge... Cette image du cycle correspondrait bien au tracé des 90 ans du PCF, enfant des années vingt, bouillante adolescence des années trente, belle activité, prise de risque et gloire des années 40, apogée dans l'après guerre portée par l'image des héros, puis fatigue croissante à partir des années 70...
Mais qu'ont-ils donc fait du bel héritage de la Résistance ? Quand au plus fort de la reconnaissance les communistes administraient un cinquième de la population du pays, avaient-ils vraiment soldé le désaccord des "deux méthodes" entre Jaurès et Guesde, de la réforme ou de la révolution ?
Si le Congrès de Tours a majoritairement tranché pour faire naître le Parti communiste Français, il n'a fait qu'entériner la différence du débat de 1900 à Lille entre Jaurès et Guesde. Qu'ensuite les deux grands courants visant le socialisme aient passé près d'un siècle sur des routes alternant divergences et convergences n'a rien de trop étonnant; et ce qui ne l'est pas moins c'est la pierre d'achoppement du débat récurrent de la participation à la conduite des affaires, la gestion s'accommodant beaucoup mieux de la réforme que de la révolution.
Certains ne manqueront pas de voir dans l'action de Mitterrand dans le dernier quart du siècle dernier le baiser qui tue. Socialiste d'opportunité s'étant fait un parti socialiste à sa main au congrès d'Epinay, Mitterrand avait bien déclaré devant l'internationale socialiste à Vienne, que son ambition était de réduire l'audience du parti communiste à moins de 5%. Un tel objectif ne mettait bien le parti socialiste dans le camp de la réforme acceptant l'instauration d'une alternance tranquille avec la droite et anéantissant par là même toute éventualité de changement radical au profit du monde du travail. En l'espace d'une quarantaine d'année, ajoutant aux coups que la droite n'a jamais cessé de porter aux communistes sont venus se combiner au moins trois facteurs de la dégringolade infernale que notre parti a connu :
le piège socialiste : en associant le PCF au pouvoir à partir de l'intention du programme commun en 72 et la mise en pratique de 1981, le statut de notre organisation a changé, d'un partenariat initial à la pire des subordinations dans le rôle de l'accessoire qu'on réduit d'autant mieux qu'on l'exhibe (cf. Les ministres communistes...). Ce piège a d'autant mieux fonctionné que le PS a poussé son avantage avec l'assentiment de la première victime de son hégémonie. Dès lors il s'agissait pour les communistes d'obtenir des concessions du PS dominant les positions que les électeurs rechignaient à leur donner directement (stratégie d'union de la gauche puis dite d'ouverture dans la proportion du pâté d'alouette).
le déplacement du centre d'intérêt : avec les efforts que la CGT a déployés sans compter, le parti communiste a enfin été éloigné du monde du travail qu'il animait le plus naturellement du monde avec l'organisation syndicale qui avait quelques références révolutionnaires  ! Ce découplage vendu au prétexte d'une clarification des rôles à des militants qui parfois ne savaient plus quelle casquette prendre ou poser, a scellé une forme de victoire des réformistes sur les révolutionnaires; sa concomitance avec la période politique Mitterrand n'est pas du tout fortuite, elle participe du même processus. N'a-t-on pas aussi parfois déploré l'attentisme syndical de l'après 81 ? C'est dans cette même période que la gloire ayant quitté la sphère syndicale elle fut réinvestie chez les élus dans une quête bien naturelle de support de légitimité. Et là encore ressurgit le vieux débat de Jaurès et Guesde !!! N'a-t-ton pas entendu poser la question du choix judicieux de l'engagement des ministres communistes... Depuis quelques décennies, de congrès en congrès, les bases révolutionnaires s'amenuisent au profit de constructions stratégiques dont la modernité réside plus dans une quête de visibilité que dans la construction d'une ligne idéologique stable et fertile nourrissant les projets transformateurs de société dont notre peuple à besoin.
le piège gestionnaire : dès lors que des communistes obtiennent la responsabilité d'une administration, tout se passe comme si le souci gestionnaire déclenchait, au prétexte de pragmatisme, la nécessité de s'accommoder plutôt que de résister. Et le déséquilibre fonctionnel établi entre l'élu et le militant au profit du premier interdit désormais toute manifestation de la spécificité communiste dans la conduite des affaires. Ce n'est qu'à la marge la concession faite dans le cadre du consensus obligé "à gauche" à quelques attentes militantes la plupart du temps perverties. Qu'elle soit originaire du Poitou de Ségolène ou d'ailleurs la démocratie dite "participative" ou "active" en est un bel exemple, invitant les citoyens au spectacle de leur propre instrumentalisation.
Les tenant du déclin inéluctable qui vont voir ailleurs si l'herbe est plus rouge, tendent eux-même, à peine un piège refermé, celui qui les attend...
Parler aujourd'hui de retour aux fondamentaux, c'est peut être se poser pour réfléchir, analyser, projeter la construction d'une ligne idéologique porteuse d'espoir pour les peuples qui sont dans l'urgence du désespoir et qui ont besoin d'autre chose que d'alterner les pansements bleus ou roses sur des plaies trop profondes.

à suivre.

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