lundi 11 octobre 2010

Avis de tempête sur l'école

Les choses graves ne prospèrent qu'à l'ombre quand la démocratie et le débat qui la fait vivre sont sous l'éteignoir. Au fil des rapports dont le pouvoir obtient ce qu'il suggère, les mesures avancées comme autant d'évidences vont secouer l'école publique au point d'en ébranler les fondements. Et on ne manquera pas d'entendre qu'il faut s'affranchir de quelques "vieilleries" pour goûter aux délices du "progrès".
Le rapport Reiss qui vient de sortir en est une belle illustration.
Il suffit d'en consulter la présentation faite par le ministère de l'Education pour mesurer les dangers qui se profilent et de le lire attentivement pour s'en convaincre.


A retenir en bref :





  • Revoir l’organisation territoriale du service public de l’éducation, notamment en consolidant les regroupements d’écoles
"Les écoles de trop petite taille sont un frein à une gestion optimale des ressources humaines dans le premier degré."
Le gouvernement trouve ici un gisement d'économie de postes à supprimer...
  • Laisser expérimenter les établissements publics du primaire (E2P)
"Une dotation de fonctionnement incitative de l’État serait de nature à partager les efforts."
L'Etat manque d'argent, mais une petite carotte financière pour les intercommunalités quise lanceraient dans l'aventure a de quoi flatter pour mettre l'école sous la coupe des politiques locaux...
  • Placer le contrat éducatif au centre du pilotage de proximité
"Un "contrat éducatif", incluant le "projet pédagogique", porterait sur l’ensemble des aspects d’intérêt commun pour la communauté éducative. Il s’élaborerait en concertation et devrait comporter des indicateurs de performance."
C'en serait fini de l'Education NATIONALE ; place à la concurrence sous couvert de course à la performance... Et chacun sait la "performance" qu'on attendra à Neuilly, certainement un tantinet plus ambitieuse qu'à Saint-Ouen ou à Saint-Sornin...
  • L’évaluation des enseignants par les inspecteurs prendrait en compte la réalisation du projet pédagogique et plus généralement du contrat éducatif.

  • S’appuyer sur les leaders pédagogiques, les directeurs d’école
Belle langue de bois ! après la défunte tentative d'instituer les "maîtres directeurs", voici à nouveau le discours trompeur sur le "chef d'établissement - premier pédagogue de l'établissement"... L'ambition du pouvoir déjà bien observée dans le second degré est d'abord d'en faire "le représentant de l’État dans l’école", accessoirement tâcheron administratif et hiérarque local, tout le contraire du besoin de travail en équipe et de responsabilisation des enseignants.
  • Créer un observatoire des bonnes pratiques
Quelle crédibilité quand le pouvoir n'a eu de cesse depuis dix ans de démolir toutes les structures accompagnant l'innovation pédagogique !
"... comme autant de recettes utilisables par le plus grand nombre" : comme si l'éducation était affaire de "recettes"... Pour les produits de beauté de l'Oréal, peut-être, pour la réussite scolaire, il y a belle lurette que les pédagogues ont une autre approche de leur activité professionnelle.
  • S’engager sans tarder dans la perspective de futures écoles du socle commun
"Le livret personnel de compétences est une avancée car il s’inscrit dans le continuum pédagogique de 6 ans à 16 ans. Aujourd’hui, les mentalités ne sont pas prêtes pour l’école du socle commun..."
Et ce serait la consécration de l'abandon programmé de la préscolarisation en maternelle de 2 à 6 ans pour laisser l'approche occupationnelle aux "jardins d'enfants municipaux... Sans compter qu'on scelle l'issue de la scolarité obligatoire à 16 ans ! Après, chacun fera bien en fonction de ses moyens, histoire de durcir encore la fonction de ségrégation sociale que l'école d'aujourd'hui entretient à son corps défendant.
  • Conclure un pacte éducatif entre services de l’État et collectivités
"Une école doit être rutilante". Aussi, faudrait-il optimiser les investissements scolaires pour lui permettre de rester un temple du savoir et du savoir-être.
Et qu'est-ce qu'ils font du "savoir-faire" ? Quant à la référence au "temple", elle ne grandit pas l'école qui doit avoir un autre statut que celui des églises, temples, mosquées ou synagogues consacrés à la perpétuation des croyances. L'école est une maison citoyenne, un lieu de vie et d'apprentissage qui va bien au-delà du "savoir être docile, soumis ou obéissant" que d'aucuns ambitionnent.
  • Améliorer le poste de pilotage en recentrant les inspecteurs de l’Éducation nationale sur leur cœur de métier
"Un inspecteur de l'Éducation nationale doit avant tout inspecter et devrait s’affirmer davantage dans les relations école-collège. Le recrutement et la formation des personnels, la gestion de la carte scolaire restent leur apanage."
Dans l^ère de la frénésie du contrôle et de la surveillance que les inspecteurs inspectent n'a rien d'étonnant... mais attention qu'ils n'oublient pas leur "apanage de la carte scolaire" !!! vous savez, la belle mission des fermetures de classes consécutives aux mesures budgétaires d'austérité !


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