dimanche 10 novembre 2013

Le capital ne manque pas d'assurance


Hier matin, Martin Vial, grand patron d'Europe Assistance - et catalogué plutôt à gauche après être passé par le cabinet de Paul Quilès lorsqu'il était ministre de Mitterrand - participait à un entretien intéressant sur France info. Vous pouvez le ré-écouter ici, et, si vous ne disposez pas des 7 minutes  nécessaires, poussez le curseur à partir de 3 minutes et demi pour une petite partie concernant la santé et la dépendance.
Martin Vial est à la tête d'une société appartenant au groupe d’assurances privées Generali. Cette société italienne est en bonne santé financière ; elle annonçait une progression de 75% de son bénéfice au troisième trimestre de cette année et dégage globalement 5% de bénéfice sur les cotisation qu'elle collecte après avoir payé ses frais de gestion et réglé les sinistres de ses assurés. Ce n'est là que le socle du profit de la société auquel s'ajouteront les résultats des produits financiers dont l'assurance a un usage massif. Les assureurs investissent plus de 1000 milliards dans les entreprises et en tirent quelques bénéfices !










Le point crucial de l'entretien porte sur l'entrée en force des intérêts privés dans le financement de la santé et demain de la "dépendance". Et cet offensive soutenue hier sous l'ère Sarkozy n'est pas combattue maintenant avec le "changement". Le capital à les dents longues !
A voir le monde terrain de jeu du capital l'assureur fait le constat que les Etats-Unis dépensent 15% de leur PIB pour la santé quand nous sommes autour de 11%... La marge de progrès est considérable pour atteindre le taux américain... et dans le même élan retrouver le niveau d'inefficacité de son système qui, avec le privé dépense plus pour soigner moins ! Et quand les assureurs tournent leurs regards vers la Chine, ce n'est pas pour investir dans la dépollution de l'industrie à bas coût de la planète des milliardaires, mais pour reluquer les gisements de profits qui ne vont pas manquer de se dégager dès que les Chinois qui réclament déjà de meilleurs salaires vont envisager de dépasser les 5% de PIB consacrés aux dépenses de santé. Le modèle américain garantissant le surpoids de la malbouffe aux corps des pauvres en même temps que l'obésité aux fortunes capitalistes.
Et la dépendance des vieux... le monde de l'assurance ne rechigne pas à parler de dépendance plutôt que de perte d'autonomie pour cacher la même misère...
La France y consacrerait à peu près 1% de son PIB. Et les rapaces de l'assurance verraient bien le doublement de cette manne à leur profit à court terme. C'est sur ce point qu'il va falloir être particulièrement vigilant dans les mois qui viennent. La perspective assurancielle est loin d'être écartée et le lobby des assureurs n'a de cesse de mettre  à mal le secteur mutualiste. Les mesures gouvernementales et plus largement le mouvement d'ensemble qui élargit depuis des années la couverture des risques assurés par les mutuelles en même temps que la couverture commune se rétrécit conduit à la privatisation tant attendue, sanctuarisant un prélèvement accru sur la richesse commune au profit du privé, réduisant par la même le potentiel des moyens alloués aux soins et à l'accompagnement des malades ou des personnes âgées en perte d'autonomie ou de toutes celles qui sont en situation de handicap.
Ce qui est en jeu c'est bien le détricotage final de la Sécu imposée au sortir de la seconde guerre mondiale comme le formidable levier du redressement d'un pays ruiné par la guerre.
Si la gauche avait le courage politique d'écrire trois lignes de programme à l'attention des électeurs qu'elle ne voudrait plus perdre dans le néant de l'abstention, peut-être dirait-elle que les dépenses sociales, ressources utiles à la vie, santé, éducation, retraite, famille ne relèvent que de la puissance publique et doivent échapper au "marché". 
Trouver les ressources ? Pas compliqué, réorienter les flux financiers qui vident les caisses de l'Etat (exonérations fiscales et sociales, fraudes à grande échelle...) et celles des citoyens (étranglement des salaires, restriction des pensions...) vers le trésor public.
Les nationalisations du sortir de la guerre s'imposaient sans peine dans les circonstances d'alors ; la justification de celles qui seraient nécessaires aujourd'hui n'est pas moindre pour ressortir le pays  (et d'autres avec lui) des ruines de la guerre économique qui a mis la planète entière à feu et à sang.

Un ministère du redressement productif y  suffira-t-il quand il annonce la relocalisation de 25 emplois dans la semaine qui a vu l'annonce de 3000 suppressions ? La visite courtoise du ministre de l'économie et des finances au huiles du MEDEF va-t-elle effrayer les magnats de l'assurance qui y siègent ?

Plus que jamais la vigilance s'impose face aux demi-mesures et au consensus mou.
Lutte et revendications... mais attention à ne pas prendre le grand désordre organisé depuis quelques temps et bien noyauté par la droite et son extrême pour le socle d'une contestation utile. Son but premier n'est que la déstabilisation d'un pouvoir déjà fragilisé par sa propre conduite ; et le risque est grand de voir nombre de gens sans grande conscience politique se laisser prendre dans ces filets comme ils l'ont été trop souvent dans ceux de l'extrême droite.

Faudra-t-il attendre le sursaut et la clarification des orientations du monde syndical aussi longtemps que la résurgence d'un parti communiste en capacité d'éclairer la route du progrès social un peu plus loin qu'au premier virage électoral ?

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