vendredi 1 novembre 2013

Penser ou panser ?

La révolution n'est pas que le pansement d'hier.
Et si Wallerstein avait raison ?
La tribune Idées de l'Huma de cette semaine renvoie au travail du sociologue Wallerstein qui vient d'être récompensé par la communauté des sociologues du monde entier qui lui ont décerné le premier Prix d'excellence dans la recherche et la pratique de l'AIS.
Parmi les thèses de cet universitaire il en est une qui s'inscrit dans la lignée des grandes contestations du capitalisme. "Economie-monde", distinction "centre/périphérie" sont autant de marqueur d'une analyse de la situation du monde qui permettent de nourrir la réflexion sur le changement nécessaire que son inhumanité inspire.
Quand Wallerstein évoque la fin du capitalisme historique, il nous place dans le temps très long d'une histoire plus que millénaire qui n'a eu de cesse que de perfectionner la capacité des uns à profiter de la vie des autres jusqu'à la sacrifier. La brutalité des guerres s'inscrit d'ailleurs tout à fait dans ce processus constructeur du capitalisme. Il y a cent ans passés, cinq jours avant d'être assassiné Jaurès était là pour dire haut et fort dans son discours de Vaise que "le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage". 
Alors n'hésitons pas à discuter avec Wallerstein d'un lendemain qui chanterait APRES que le capitalisme historique se soit éteint dans son lit d'injustices ou qu'on ait abrégé les souffrances de ses victimes en l'euthanasiant. Deux hypothèses se présenteraient : la naissance d'un nouveau système perfectionnant les trois grands moteurs du capitalisme (hiérarchie, exploitation et polarisation) ou son contraire pétri d'égalité et de démocratie.
Si la Révolution au sens que nos anciens lui donnaient avait encore droit de cité, la deuxième hypothèse en marquerait la première déclaration des devoirs de citoyen(nes)s.
Mais les travaux de Wallerstein ouvrent aussi des perspectives de réflexion sur l'organisation politique de la contestation du capitalisme. C'est cette réflexion qui peut éclairer la vanité des errements stratégiques des gauches alternatives à la gauche au pouvoir. Depuis trois décennies, l'expérience de la gauche française n'a fait que renforcer l'hypothèse de l'alternance douce entre le conservatisme et la social-démocratie au bénéfice constant du premier. Chaque expérience de l'alternance renforce les constantes droitières qui loin d'être contestées sur le fond au changement ne sont qu'enrobées d'un peu de lubrifiant. Et dans ce paysage, passé l'aveu de l'adhésion à l'économie de marché, les socio démocrates ne font rien d'autre partout où il passent que de prolonger l'espérance de vie du capitalisme. Les pays européens du nord comme du sud offrent des exemples emblématiques de ce processus mortifère qui devrait aussi conduire dans l'hypothèse de Wallerstein à un discrédit total de la social-démocratie à la fin du capitalisme qu'elle aurait maintenu sous perfusion pour prendre un peu plus le temps d'en saigner les victimes.

Et la politique dans tout ça ? Résumé aux gesticulations pré-municipales où le dérisoire le dispute au ridicule, les hypothèses d'alliances ou d'autonomies au premier tour prennent tout leur sens.
La première perversité porte déjà sur l'hypothèse du "premier tour" pour lequel la position peut être différente de celle du second... Qu'y a-t-il de changé entre le premier et le second tour ? sinon la perspective d'un pouvoir à partager plus qu'à conquérir... Aurait-on oublié la nécessaire exigence de la démocratie d'instaurer la proportionnelle intégrale à "RIEN QU'UN TOUR". 
Bâtir une position politique sur des bases aussi mouvantes en prétextant les singularités locales pour faire l'éloge de la diversité ne peut plus guère abuser les citoyens confrontés à départager des ambitions personnelles plutôt que des options politiques. Dans la même logique, la mascarade des "primaires" ou autres processus de désignation assistée des candidatures ne fait qu'amplifier cette lente mais sure descente aux enfers de la démocratie représentative.
C'est aussi dans les thèses de Wallerstein que cette réflexion peut cheminer lorsqu'il parle des mouvements "anti-systémiques" qui se multiplient sous des formes diverses souvent contradictoires. Sans vouloir remonter aux antiquités de l'anarcho-syndicalisme, les prémices de ce phénomène n'avait-il pas commencé quand les premières "coordinations" étaient nées pour suppléer les carences supposées ou réelles des organisations syndicales il y a plus d'un quart de siècle. Depuis, la migration de ce phénomène dans le domaine du politique et du monde associatif s'est amplifiée au point d'asphyxier aujourd'hui les organisations ringardes qui peinent à survivre. Émiettement des organisations politiques en une myriade de micro galaxies où chacun ne se voit que soleil pour quelques satellites d'une cour d'obligés, intersyndicales ingérables entre vieilles organisations qui ne représentent plus grand chose (CFE CGC, CFTC), quelques "grandes" instrumentalisées (CFDT, FO), et groupuscules qui frappent justement à la porte de la représentativité...monde associatif instrumentalisé par le pouvoir qui trouve là le moteur de l'humain d'abord compassionnel pour pallier les effets de ses renoncements et anesthésier par l'effort -ou la récompense d'une position de pouvoir partagé- toutes véritables velléités de changement. Et il ne s'agit pas là de fustiger l'engagement sincère des centaines de milliers de bénévoles qui s'épuisent à la tâche. Sauf qu'ils s'y épuiseront d'autant plus surement qu'il n'auront pas compris qu'ils sont otages du système qu'ils croient combattre.

Aucune désespérance pour autant ! car la ressource existe et il est aisé de la rencontrer. Imaginez qu'un jour, toute l'énergie des communistes accaparés par les "Restos du coeur", le "Front de Gauche","RESF" et tant d'autres structures anti-systémiques... soit investie dans la vie de leur parti pour promouvoir le changement politique qui rendrait ringards à leur tour tous ces "mouvements anti-systémiques"...

Qu'y a-t-il de plus urgent aujourd'hui ? Dessiner le monde de demain qui ne sera pas boiteux sur ses trois pieds de la liberté de l'égalité et de la fraternité (la vraie, pas celle de la compassion des forts entretenant leurs pauvres) ou continuer à brasser le plâtre des emplâtres à coller sur les jambes de bois des amputés de la vie victimes du capitalisme ?

Pour ma part, le choix est facile à faire, et au risque de passer pour un "sert de rien" qui n'est même pas sur la photo d'un machin solidaire, je cultiverai toujours les terres de l'idéal communiste pour la liberté, une égalité qui n'est pas "l'égalité des chances" et la fraternité  dans l'émancipation des peuples, d'ici comme d'ailleurs.
La ringardise progressiste, ça se mérite ! et ça vaut toujours mieux qu'une modernité de façade maquillant le conservatisme honteux des "Faites ce que je dis... pas ce que je fais !"

1 commentaire:

depoilenpolitique a dit…

Je te reconnais bien là , effectivement c'est bien d'un écroulement politique dont il s'agit . Cela , de mon point de vue remonte en 1981 avec le fameux changement de Mitterrand , car le changement voulu n'était pas tant de combattre le capitalisme (but avoué) mais d'abattre le parti communiste (but inavouable) et je me rappelle la réflexion de Georges Marchais" nous nous emploieront à rendre cette expérience la moins pénible possible pour les travailleurs" ce ne sont peut être pas les termes exacts mais enfin plus de trente ans plus tard on peut mesurer l'étendue du désastre , social, culturel et politique , que reste t'il d'autre que ces cocos devenus infréquentables pour dénoncer cette longue dérive sociale démocrate , antichambre de l'extrême droitisation de la sphère capitaliste qui fonctionne avec ses médias et sa finance .. et ce n'est pas avec un Front de gauche édulcorer à géométrie variable et un tribun possessif que l'avenir s'écrira pour les millions de gens dans la misère . Une Sixième république ne sera que sociale ou ne sera pas...
Amitiés et fraternité à toi et à, tes proches
Que l'avenir enfante beaucoup de petit Daniel Levieux!