vendredi 19 novembre 2010

RCEA, le débat public



 Un jeudi soir à Montmarault, une salle bien pleine témoigne de l'intérêt de la population à l'endroit du sujet : l'accélération de la mise à deux fois deux voies de la RCEA.

Qu'en retenir ?
  1. Une conduite du débat par une présidente remarquable dans sa présentation comme dans le pilotage de la réunion, attentive à l'expression du plus grand nombre et exigeante quant à la qualité des réponses apportées.
  2. Une parole plutôt institutionnelle par la voix des élus qui ont "une longueur d'avance" sur le grand public qu'ils prennent à témoin de leurs options, ici en l'occurence la solution concession et péage.
  3. L'indigence et la médiocrité de la présentation et des réponses de la maîtrise d'ouvrage, sur le fond comme dans la forme; ceci au point qu'un sénateur et un président de conseil général ont pu stigmatiser une forme d'incompétence propre à remettre en cause la réalisation du projet.
  4. Des omissions suspectes de la maîtrise d'ouvrage quant aux options d'infrastructures proposées.
  5. La perception d'une impréparation limitée à la présentation du volet séduction pour la satisfaction d'une dévolution au privé de la gestion d'un équipement public.
  6. Un consensus gauche-droite suspect, réduisant la nécessité de la solution concession à une réduction du délai d'achèvement, sans aucune remise en cause des défaillance de l'Etat concernant un équipement structurant. Le Conseil Général de l'Allier est un peu comme la RCEA qui déroule son ruban de bitume tantôt à droite, tantôt à gauche de l'emprise prévue pour la quatre voies... très accidentogène dès lors qu'on ne roule pas à sa place !
  7. Une approche paradoxale de l'usage de l'infrastructure : la maîtrise d'ouvrage semble ignorer la faiblesse des usages locaux de la route actuelle dont la dangerosité est bien connue des riverains. C'est aussi sur ce point que le préfet de l'Allier notait l'origine extérieure au département de la plupart des victimes des accidents sur le tronçon bourbonnais de la RCEA. C'est aussi intelligent que de se féliciter de la faiblesse des victimes de naufrage dans notre département. Avec la concession et le péage, la sécurité serait là, mais la fréquentation n'en sera pas bien meilleure sur les sections à péages. Les usagers locaux aujourd'hui écartés par le danger, le seront demain par le péage, à quoi ça rime ?



La maîtrise d'ouvrage prétend que la mise à 2 fois deux voies est devenue une préoccupation dans les années 90. C'est réduire de moitié le temps d'attente des bourbonnais. La mise à deux fois deux voies était présente dès les premiers coups de godets des pelleteuses pour édifier le pont de la Jarrie à Tronget au début des années 70. L'emprise foncière était faite pour les quatre voies. Les franchissements dénivelés supérieurs enjambaient l'intégralité de l'emprise et sur des kilomètres la moitié de la route terrassée en déblais s'offrait aux lapins qui supportaient les trains de camions.
De plus, histoire de corser l'exercice de conduite la partie réalisée en deux voies couvre alternativement la partie droite et la partie gauche de l'emprise : le profil et les rayons des courbes étaient dessinés pour quatre voies séparées si bien qu'il n'est pas étonnant que des conducteurs se laissent piéger par une visibilité incertaine en montée ou par la dérive à gauche quand on roule à droite sur la partie gauche de l'emprise...

C'est bien quarante années d'attente pour les riverains, et peut-être aussi pour les usagers survivants. Une épouse de chauffeur routier témoignait du fait que son époux lui téléphonait toujours dès il était sorti de ce dangereux tronçon de sa route vers l'Espagne, et puis un jour un gendarme était au bout du fil...

Bien des questions restent en suspens :

  1. Après la privatisation des autoroutes on est là en présence d'une première : la mise en concession d'une route existente. Cette première doit ouvrir l'appétit des concessionnaires potentiels qui vont candidater pour faire du   résultat financier sur des infrastructures déjà réalisées pour l'essentiel (l'hypothèse d'un péage modulé à la baisse de quelques dixièmes par rapport au péage moyen au kilomètre est bien illusoire).
  2. La "gratuité" pour les usagers locaux (discrimination désormais contraire à la loi) apparait plus comme un anesthésique que comme une perspective valide pour l'ensemble des usages des bourbonnais riverains ou non de l'axe routier.
  3. La subvention d'équilibre que le concessionnaire serait en droit d'attendre de l'Etat pour s'assurer d'un taux de profit suffisant dans son exploitation du domaine public concédé est une bien belle cerise sur le gâteau : la route existe, une bonne part des travaux de mise à 2 fois 2 voies est réalisée, la plupart des ouvrages d'art sont réalisés, les usagers vont devoir s'acquitter de droits de péages, fut-ils réduits sur des tronçons importants, et en plus il faudra prendre de leurs impôts pour injecter un peu plus d'argent public dans les profits privés. Ca devient lourd !
  4. Peut-on imaginer une différence d'approche entre les deux départements couvrant le tronçon de la RCEA concernés ? Pourquoi la concession et le péage -fut-il partiel ou réduit- serait-il souhaitable dans l'Allier et intolérable en Saone et Loire ?
  5. Pourquoi contribuer à l'acceptabilité de la dérive sarkozyste du moins d'Etat en suivant la constatation que l'Etat se désengage, ou ne s'engage pas plus dans le financement d'infrastructures d'intérêt national, voire même international, pour supporter des solutions capitalistes alternatives ?
  6. Comment être crédible en contestant la délégation du financement de la solidarité au système des assurance pour les retraites par exemple et proposer dans le même temps la privatisation de la route. Quand l'argumentaire s'appuie sur les dégats du système qu'on combat pour en rejoindre les options, la question de la crédibilité est ouverte.
La RCEA a le même âge que les mesures législatives instaurée sous la présidence de Pompidou en 1973 avec Giscard d'Estaing au ministère des finances : c'est l'abandon par l'Etat de son pouvoir régalien de maîtrise de sa monnaie. Depuis ce temps là on parle de dette et d'augmentation de la dette comme moyen de pression sur toutes les attentes citoyennes et sociales de notre population. Non seulement le progrès social n'est plus à l'ordre du jour, mais le détricotage des acquis anciens de la protection sociale ou des options progressistes du programme du CNR s'accélère : privatisations de droite comme de gauche, réformes se la sécu, des retraites, etc.
La dette n'est que l'invention capitaliste mise en place par Giscard qui contraint les Etats à emprunter sur les marchés financiers pour financer leur fonctionnement ou leurs investissements au lieu de solliciter leur banque centrale dont ils sont seuls actionnaires. Quand la droite actuelle nous rebat les oreilles avec la nécessité de réduire la dette et que la seule solution qu'elle impose est le moins d'Etat, moins de fonctionnaires, privatisation des services publics, etc. c'est un gros mensonges.
La dette est une formidable pompe à fric pour saigner jusqu'au dernier sou ceux qui n'en n'ont guère au profit de ceux qui en ont déjà trop (voir article précédént sur la dette).
Ce système juteux pour le capital a été entériné avec le traité de Maastricht, puis celui de Lisbonne. 
La mise en concession de la RCEA est une des manifestations tragiques de ces options qui visent la satisfaction du capital au détriment de la vie des hommes, de leur bien être comme du progrès social dans son ensemble.
Jusqu'à présent la droite, naturellement, et les socialistes empreints de social libéralisme, tout aussi naturellement soutiennent cette dérive mortifère (voir Strass Kahn au FMI, Ségolène avec ses appels du pied aux centristes, etc).
Si les communistes en viennent à céder à ce penchant, que restera-t-il comme espoir aux citoyens pétris d'espoir comme appui politique pour militer et convaincre ?

à suivre.


ci-dessous un argumentaire pédagogique produit par le Conseil de Saône et Loire... pas une bible, mais au moins un verset !


1 commentaire:

depoilenpolitique a dit…

Le RCEA une route de la mort que l'on tente de transformes en route du fric , par le fatalisme et le ras le bol des gens , ou comment la malhonnêteté politique engendre des morts par dizaines sans que pour autant les responsables s'en offusque sinon en façade ;l'avion présidentiel coûte 180 millions et 20000€ de l'heure de vol , Bettancour pourrait tracé des 4 voies dans tous les départements sans que cela la prive de nourriture , on est en train assassiner la SNCF et le Fret , mais c'est pas grave pourvu que les riches soit encore plus riches!!Amen

Amitiés et fraternité