mardi 4 octobre 2011

[teritwar]

... du latin territorium, de terra : terre.
La définition ordinaire du "territoire" fait état de l'espace terrestre, maritime et aérien sur lequel s'exerce l'autorité des organes politiques d'un Etat. Par extension il convient à toutes les juridictions ou autorités. On peut invoquer le territoire communal au même titre que le territoire national. Le plus souvent le terme de territoire était associé à l'espace de conquète gagné sur l'autre et qui deviendra au terme de son assimilation la Région d'un Etat.
La polisémie du terme s'est largement étendue dans les usages des sciences sociales au cours du dernier demi siècle. Et l'action des hommes sur leur environnement est invoquée pour asseoir les "territoires" d'aujourd'hui.
L'usage du terme ne manque pas d'inconvénients en politique. Et le premier serait bien l'entretien de la confusion entre ses différentes acceptations, différentes pour le locuteur et l'auditeur.
Si les terres pionnières sont des territoires tant qu'elles ne sont pas complètement intégrées au patrimoine de leur conquérant, elle deviendront naturellement région, département, commune, canton ou comté à la mise en place de leur autorité régulière.
Pour les politiques d'aujourd'hui qui font un usage immodéré du "territoire", l'instrumentalisation du terme vise trop souvent à en réduire le sens à celui que la zoologie lui consent : un espace occupé à marquer et à défendre dans un comportement hiérarchique de domination.

Le combat politique, sans être toujours respectueux des principes qui le régissent tant vis-à-vis de l'adversaire que des alliés et des soutiens, se déplace sur des "territoires" voisins à défaut de capacités suffisantes à le conduire sur son propre terrain.
C'est ainsi que l'intercommunalité interfère avec les enjeux des élections cantonales ou municipales, que le cumul des mandats se justifie en invoquant l'ancrage local pour asseoir son autorité à l'échelon supérieur; mais aussi que d'autres supports institutionnels ou associatifs sont instrumentalisés pour délimiter et contrôler son "territoire".
Le débat sur l'intercommunalité, le plus souvent confisqué par les élus et l'autorité préfectorale, ne fait qu'accroître l'impertinence des "territoires".
Les citoyens ordinaires ne vivent pas sur un territoire. Ils connaissent, exploitent ou subissent des espaces fonctionnels dont ils n'ont que très rarement contribué au dessin des frontières. La commune en est encore pour l'instant le premier et plus important domaine avec les services de la mairie, l'usage des infrastructures collectives, la participation à la vie publique du monde associatif, jusqu'au cimetière... La fuite d'eau se règle généralement dans un autre espace qui peut être celui d'un syndicat intercommunal couvrant plusieurs communes. Il en est de même pour l'école, le collège ou le lycée avec les effets de la sectorisation, etc.
Au fait, le dernier "territoire" en date, l'EPCI intercommunal, est-il sollicité par les citoyens, en connaissent-ils les frontières et les responsabilités, les élus désignés, les délibérations et les réalisations ???
Les choses ayant un nom, il est peut-être préférable d'en faire usage plutôt que d'entretenir la confusion avec un mot-valise qui porte son lot de biais et en particulier ceux d'une appropriation dominatrice, de la concurrence voisine et de la compétition.
Le débat politique se joue sur le terrain des idées, pas sur l'étendue du domaine depuis que l'Ancien Régime est passé avec son lot de marquisats disputés aux frontières du royaume.
La carte n’est pas le territoire. Chacun construit sa propre vision du monde en fonction de l’objet ou de la fonction sollicitée. Il n’y a pas de « carte du monde universelle ». La représentation du monde que chacun se construit influence ses choix au travers de la perception de ses limites. La « carte » n’est qu’un mode de représentation de la réalité, d’une réalité particulière perçue, appréhendée différemment par tout un chacun en fonction de ses connaissances et de ses intentions. Elle peut donner une représentation erronée du territoire du simple fait qu’elle est partielle ou partisane une fois passée par le filtre des valeurs et des expériences professionnelles ou personnelles de chacun. Le sens commun convient que le monde grandit de l’enfance à l’âge adulte et peut plus tard se rétrécir avec le grand âge. Constater qu’un jeune banlieusard n’a pas Paris dans son « territoire » juste de l’autre côté du périphérique est une banalité confirmée par les commentaires qui peuvent assortir un règlement de compte entre bandes rivales pour le contrôle d’un petit trafic. Le territoire renvoie à la communauté et le développement de son usage suit la montée des communautarismes

Invoquer un territoire revient à renvoyer chacun à son système de représentation, et c’est de là que proviennent bien des incompréhensions ou des conflits dans la mesure ou le système de références n’est pas partagé. Les sociétés organisées du monde moderne, et plus particulièrement les démocraties se sont appliqué à construire des représentations partagées en cartographiant les « territoires ». Ces visions communes partagées sont tout d’abord des circonscriptions administratives. Les communes et les départements hérités de la Révolution sont souvent considérés à juste titre comme des piliers de la vie démocratique au plus près des populations. Il n’y a pas de hasard à leur remise en cause aujourd’hui au profit d’entités plus grandes plus propices à l’intrusion du marché dans les services publics. Les régions, relativement jeunes, n’ont pas encore gagné en légitimité, surtout lorsqu’on s’éloigne de leur centre vers des marges souvent rebelles dans un sentiment de délaissement. Il en est de même des communautés de communes ou d’agglomérations dont la carte devrait être revue avant même qu’on les ait vu vivre et qu’elles aient pris du sens dans les consciences citoyennes. C’est justement là que peut s’expliquer la frénésie déstabilisatrice de l’entreprise. Ce qui est visé, c’est le lien démocratique des citoyens partageant des représentations communes de leur territoire, c’est la démocratie elle-même.

La carte n’est pas le territoire ; et parler de territoire aujourd’hui c’est entretenir la confusion dans le fouillis des représentations subjectives des perceptions de chacun.

Mieux vaudrait parler de commune ou de département pour qui veut les conserver et d’espaces de coopération pour cerner les besoins collectifs et les servir, chacun à leur échelle. La cartographie qui en résulterait revêtirait alors la complexité du mille-feuille dont chacun sait qu’il lui faut, pour régaler nos papilles, combiner l’excellence de chaque feuille à celle de leur assemblage.

Quant aux « communautés » indigestes, elles renvoient bien à la logique communautariste, au repli identitaire et au système de concurrence propre à satisfaire les orientations libérales du capitalisme malade de ses gènes.

Dans les débats du moment les citoyens restent devant la vitrine, l’exigence de leur indignation serait de passer aux fourneaux.

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