lundi 10 octobre 2011

Au théâtre ce (demain) soir

La mise en scène est banale, pataude, sans inventivité aucune, puisqu'il faut que la chèvre reste la chèvre et monsieur Seguin son maître inattentif. Les premiers rôles ne secouent pas la poussière de leur histoire dans des discours à la sincérité d'une récitation de CE1. Quant aux challengers ils ont bien pétillé parfois dans leur rôle de faire-valoir; mais sitôt l'aboiement craintif étouffé par le brouhaha des résultats si attendus qu'ils étaient entendus, tout va rentrer dans l'ordre à la ménagerie des éléphants.
Alors, qu'on en sorte côté cour ou côté jardin, qu'importe, puisque le changement tant invoqué par Martine AUBRY et désormais François HOLLANDE les fait se retrouver au centre, à la frontière du sarkozisme, avec la réduction du déficit, le maintien de l'allongement de la durée de cotisation retraite, l'acceptation de la république des marchés, comme de celle dépecée par la décentralisation... 
Paradoxalement, les socialistes ont bien donné aux français l'occasion d'oublier un peu plus leur règle d'or démocratique : la participation à l'élection. En s'octroyant le droit d'une invitation partisane à voter à l'échelle du pays, ils ont conforté le principal motif d'abstention qui relève de l'indifférenciation idéologique des partis. initiée par le virage mitterrandien de 1982-83.

L'espoir de 81 n'a été trahison que pour quelques incrédules sitôt engagés sur le chemin cahotique du moindre mal, du rebouchage à la hâte de quelques nids de poules, et de la capitulation face au capital qui a regagné très vite dans la longue litanie des privatisations les quelques frustrations passagères de quelques nationalisations.
Alors, lorsque le terme de changement vient dans le discours de Martine AUBRY ou de François HOLLANDE, il sonne bien creux et fait tout au plus référence à l'alternance arrangée entre accapareurs complices du pouvoir.
Les primaires socialistes gomment encore plus l'intérêt fondamental du choix du suffrage universel ; elle propulsent directement les esprits sur le chantier du deuxième tour des présidentielles, dépouillant le débat politique d'un premier tour ouvert à l'ensemble des composantes de l'échiquier politique. Ce faisant les socialistes disent avec un profond mépris aux électeurs communistes et de toutes les composantes du Front de Gauche, aux écologistes de gauche, aux électeurs de toutes les formations d'extrême gauche que leur opinion est sans importance. Comment faire plus démobilisateur à gauche ?
De plus la démarche des primaires qui noie les socialistes dans l'euphorie d'un succès d'apparence les conduit un peu vite à considérer la victoire présidentielle à leur portée. Si victoire il y a chez les socialistes, ce n'est qu'un succès d'entre soi réglant provisoirement sur la place publique les différents historiques d'une famille divisée, recomposée à l'opportunité. 
Que vaudra le ralliement d'Arnaud Montebourg à Martine Aubry pour les électeurs de gauche qui ont profité des primaires pour signifier au parti socialiste qu'il devait mieux tenir sa gauche ? Le soutien immédiat de Manuel Valls à François Hollande marque bien quant à lui la perversion centriste du courant socialiste.
Au bout du compte c'est bien tout le contraire d'une dynamique de rassemblement à gauche qui s'est joué hier et qui se confirmera dimanche prochain : le parti socialiste a rétréci la gauche en prétendant l'incarner.
C'est une nouvelle étape dans l'affaiblissement de la gauche. Les forces qui sont à la manoeuvre en coulisse de ce petit théatre de guignol sont les mêmes qui avaient dépouillé les électeurs de 81 de leurs espoirs de changement, ceux qui, faute de place à droite ont investi la gauche tendre pour conquérir leur place au pouvoir.
Delors à la tête de la Commission européenne,  Pascal Lamy à la tête de l'OMC, Strauss-Kahn à la tête du FMI par la grâce de Sarkozy... Qu'est-ce que ça a changé ? Quels bénéfice les peuples du monde, d'europe ou de France y ont gagné ? C'est à ce triste spectacle que renvoie le résultat des primaires socialistes, celui du renoncement et de la capitulation en rase campagne face à l'arrogance du capitalisme que les socialistes ambitionnent simplement d'accompagner autrement.


Tout espoir n'est pas perdu cependant. La reconquête de la gauche dans la conscience collective des peuples passe par la réappropriation de ses fondamentaux idéologiques. Et ce ne sont pas les recompositions tactiques opportunistes qui suffiront à la faire. C'est un travail de fond, sans concession au consensus mou, une mise en perspective claire des changements à opérer ; la radicalité doit passer du registre de la peur à celui de l'espoir.
Les communistes n'en sont certainement pas les seuls acteurs, mais ils se doivent d'en être s'ils veulent échapper à leur disqualification.

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