dimanche 19 janvier 2014

Egalité ou équité ?

Au mois de mai dernier une étude de l'INSEE faisait prospérer l'idée d'un remboursement des frais de santé en médecine de ville sous conditions de revenus. Cette réforme générerait un reste à charge forfaitaire annuel variable d'une franchise de 19 euros et à un plafond reste à charge de 123 euros pour les 10% de personnes les moins aisées et à une franchise de 321 euros et à un plafond de reste à charge de 2 087 euros pour les 10% les plus riches.

L'objectif de la réforme serait de « rendre le système de remboursement plus équitable ».

L'équité est une qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle...

L'égalité suppose quant à elle une absence de toute discrimination entre les êtres humains, sur le plan de leurs droits...

Curieusement la convocation de l'équité par les politique intervient généralement pour donner le sentiment d'une avancée vers plus de justice.
Mais c'est bien d'égalité que le siècle des Lumières avait accouché à la Révolution Française  pour lisser les droits politiques hors des considérations d'ordre...

Les deux termes s'opposent sur le fond et fondent des visions politiques foncièrement différentes.
L'équité suscite obligatoirement de la différence puisque qu'elle demande une adaptation conjoncturelle dans la réponse faite à une situation, une appréciation certes fondée sur la "justice", mais qui fait donc référence au cadre éthique reconnu au niveau communautaire et qui sera nécessairement différent selon que l'on se trouve chez les Mormons aux Etats Unis, dans une monarchie islamique ou dans une tribu animiste...
Réclamer de l'équité fait nécessairement parti de la panoplie revendicative de toute société inégalitaire dans laquelle la différenciation des traitements entérine d'abord la différenciation initiale avant de lui appliquer  le correctif sensé rétablir un meilleur équilibre. D'apparence la justice serait sauvée...
L'égalité plus brutale semble parfois pétrie d'injustice dès lors qu'elle donne autant au faible qu'au fort... et pourtant ?

La générosité voudrait qu'on donne plus à ceux qui ont moins... c'est la discrimination "positive". Mais une discrimination peut-elle en faire disparaître une autre ?

Faire payer la baguette 0,90 € au smicard et 50 € au patron, le carburant 1,5 € au RMIste pour sa mobylette et 500 € à une star pour gaver sa Ferrari serait frappé au coin de l'équité... Non ?

Pas si sûr ! Ne faudrait-il pas plutôt s'interroger sur les deux termes de l'échange : la demande et l'offre, ce que je donne et ce que je reçois, sur ce qui relève de mon cercle privé et ce qui tient à la collectivité plus ou moins étendue en fonction des besoins à satisfaire...

Et alors là on va vite découvrir que la régulation politique et sociale est un leurre sous l'autorité de l'économie.

Le principe fondateur d'une république de l'égalité voudrait que chacun contribue selon ses moyens pour que chacun reçoive selon ses besoins. L'équité y trouverait son compte dès lors que la contribution différenciée tendrait à lisser les écarts de fortune... Mais ce n'est pas de cette équité là que les capitalistes de droite ou les réformistes socio-libéraux se font les bon apôtres.
En dédouanant les plus grandes fortunes de l'effort collectif avec de formidables outils de déductions, d'exonérations ou d'optimisation des contributions fiscales ou sociales, il ne reste plus au moins pauvres d'accepter d'être justement moins bien remboursés que les plus pauvres.

Et tout ça, bonne foi jésuitique assumée, sur la petite musique de la solidarité et de l'explosion du modèle caritatif, aux antipodes des principes de l'égalité républicaine.

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