Les commentateurs politiques s'épanchent à propos des secousses qui affectent l'UMP sur le phénomène des courants et des tendances, laissant à supposer que la maîtrise de cette pratique serait gage de démocratie.
Et si c'était le contraire qui prévalait ? et si les parties étaient les meilleurs ennemis des partis...
Le constat est facile à faire que dans la crise que traverse l'UMP, les secousses ont le mérite de faire le tri. C'est un peu comme jadis quand, quelques temps après la batteuse on allait à la coopérative passer le grain réservé pour les semences au trieur, plus efficace que le tarare dans la porte du grenier à la maison. Le courant d'air du ventilateur et le passage par les grilles séparait bien le bon grain bien charnu à resemer, du petit grain et des débris réservés aux poules, la poussière et la balle s'envolant dans le courant d'air.
Je me garderai bien d'imaginer la récolte prochaine à l'UMP issue du semis des ingrédients sortis du trieur des élections internes, mais force est de constater que les positions révélées par le vote sur les motions révèlent au moins deux grands courants, l'un penchant fortement vers l'extrême droite, l'autre un peu moins "décomplexé" comme dirait Copé, plus libéral social-catho. L'ivraie séparée du bon grain rejoindrait le FN qui n'en attend pas moins (cf. évolution des partis de droite et d'extrême droite dans les autres pays européens dans la dernière décennie).
Prétendre aujourd'hui que ce serait à défaut de statuts adaptés ou faute d'une culture démocratique dans l'organisation ou encore de comportements frauduleux, qu'un tel bazar est sorti des urnes n'est pas nécessairement juste. Ces éléments peuvent expliquer une part du résultat ; mais ils ne rendent pas compte de la complexité de la situation dans laquelle ils interagissent.
Le même phénomène a fonctionné et fonctionne encore au Parti Socialiste, il a commencé au Parti Communiste et s'est amplifié avec le Front de Gauche, au point de traverser maintenant toutes les grandes familles politiques à l'exception des deux extrêmes.
Le phénomène complexe qui agite ces organisations est ancré sur un concept de forme désormais prévalant sur le fond : la diversité et la différence. Sous couvert de démocratie ce concept s'impose naturellement comme un passage obligé ; il est juste et nécessaire de respecter la différence et d'accepter la diversité.
Outre que l'univoque risque d'être ennuyeux et que la pensée unique ne fait pas respirer la démocratie, le débat dans la confrontation des idées n'a pas nécessairement besoin de structurer des parties à l'intérieur d'une organisation. Toutes les expériences observées de ce type produisent le même constat, la partie se structure à l'image du tout qu'elle divise avec l'ambition de sa prééminence. De ce fait la motion Machin l'emportant sur la motion Truc, pendant que Machin gouverne, Truc n'a d'autre solution que de rentrer dans le rang comme Montebourg au gouvernement ou de s'exiler ailleurs comme Mélenchon aujourd'hui au Front de Gauche, centre d'accueil judicieusement ouvert par le PC pour capter des forces manquant de port d'attache à gauche.
Ce modèle des tendances ou des courants ne fonctionne que sur le modèle de la concurrence et ne peut donc se prétendre essence de la démocratie ; au mieux il va produire l'effet Canada Dry, donnant l'apparence de la démocratie à un système dont l'ambition première est l'accaparement du pouvoir. Très en cours dans la sphère social-démocrate ce modèle avait pendant des décennies tenu les syndicats enseignants sous l'influence réformiste des socio-démocrates. On n'est jamais mieux maître chez soi qu'en isolant une opposition interne dont on sait bien qu'elle aura bien moins d'influence muselée à l'intérieur que libre dehors.
Des idées et des hommes.
A l'UMP comme dans les autres grands courants politiques du pays des nuances s'expriment ; et si la ligne d'horizon de l'organisation se limite aux palais de la République pour gagner quelques années de bail à l'Elysée ou au Parlement il faut bien rassembler dans la confrontation électorale plus d'électeurs qu'on n'a pas de partisans ordinaires et à fortiori s'assurer d'une cohésion interne qui fasse taire les voix divergentes. C'est dans cette perspective qu'ont travaillé Mitterrand et Chrirac puis Sarkozy si on s'en tient aux quarante dernières années. grand parti socialiste d'un côté, RPR ou UMP de l'autre c'est le modèle commun du bipartisme qui allait ainsi s'imposer (cf. inversion du calendrier électoral de 2002 par Jospin) avec un éloge de la diversité réduit à l'usage des faire-valoir d'un camp comme de l'autre.
Le dernier avatar en date de ce modèle concurrentiel a été le phénomène des "primaires" qui ont beaucoup occupé le paysage politique tout en signifiant que la pratique précédente avait trouvé ses limites. Et là encore on n'a pas manqué de vanter la chose comme un progrès de la démocratie. Dans les faits, on est plus sur le modèle de la Formule 1 que sur celui d'une course à handicap, tous les concurrents peuvent rêver à la pôle position... et il faut bien que tous les plus faibles participent pour que la course entre les trois premiers existent !
Imaginez le tollé si un jour on offrait le même temps d'antenne à tous les partis, ou par exemple le même financement d'Etat (si jamais il se justifie sur le principe !)... On crierait justement à l'injustice dans un monde qui donne naturellement beaucoup aux riches pour que les Restos du Coeur donnent un petit peu aux pauvres.
La démocratie mériterait peut-être la promotion d'un autre modèle qui s'imprime autrement dans les institutions, certains parlaient d'une autre République, parfois d'une 6ème pour l'inscrire dans une logique historique sinon de progrès.
Si l'accord se fait sur la nécessité de maintenir les organisations politiques en partis pour en charpenter le débat d'idées peut-être faudrait-il ensuite que la pratique ne reprenne pas d'une main ce que théorie aura cédé de l'autre.
L'hégémonie à droite comme à gauche ne conduisant qu'à des alternances à minima devrait être un premier obstacle à franchir. La première condition peut en être la libération des espaces d'expression qui n'oblige pas des courants minoritaires à s'abriter sous le parapluie d'un grand-frère afin d'obtenir sa part de soleil. C'est aussi la promotion d'une logique politique de coopération et d'opposition qui rompe avec un monde de concurrence et de compromis. Cela passe par le débat idéologique plus que par l'affichage côte-à-côte de programmes de candidats librement inspirés des projets des organisations dont ils sont issus.
Le jour où on considèrera dans notre république que les hommes sont d'abord là pour faire vivre et servir un idéal commun librement opposé à d'autres idéaux, les élections se feront à la proportionnelle, on n'aura plus besoin de Sénat, et pas nécessairement non plus de président.
Ce jour là les idées seront mises en places.
S'il doit y avoir des élections internes pour régir la vie interne des organisations, leur instrumentalisation à des fins politiciennes externes, prenant en otage la communauté des autres citoyens, avec sa dérive ultime des "primaires ouvertes" privant les adhérents de leur première prérogative, met en cause la démocratie. Si tout un chacun a le droit de se forger une opinion sur quoi que ce soit dans ou hors de son organisation, ce droit n'autorise pas pour autant à faire la loi des autres. L'exemple des sondages présentant Fillon gagnant auprès des sympathisants de l'UMP quand Copé restait en tête chez les adhérents en est une illustration, tout comme la prétention récente de gouvernants allemands à concevoir les orientation politiques que la France devrait suivre... ou des citoyens de gauche participant aux primaires socialistes pour désigner le candidat à l'élection présidentielle ! Choisir le candidat des autres ne me semble pas être de première justice, et ce sont plus des idées que des hommes à mettre en place.
Ne devrait-on pas revenir à des logiques d'alliance sur des idées plutôt que de caler les stratégies de rassemblement dont la forme et le périmètre restent flous sur des noms ? Marie-George BUFFET avant-hier, Mélenchon hier, et demain ?
Ne devrait-on pas faire le choix d'une ligne idéologique claire plutôt que de fabriquer des concepts alambiqués et surtout improductifs (exemple de la revendication d'un "pôle public bancaire" au lieu de parler clairement de nationalisation et de secteur public) ?
Plutôt que de chercher un rassemblement à priori débouchant sur des issues consensuelles à minima ne devrait-on pas privilégier l'ouverture à l'adhésion et au renforcement ?
Partis ou fête des voisins, la démocratie à inventer pour le nouveau siècle a vraisemblablement plus besoin des premiers que de la seconde pour se structurer.
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