1,3 milliard de tonnes d'aliments partent à la benne chaque année chez ceux qui ont trop pour que ceux qui n'ont rien crient famine en silence.
Les infos de la journée sont revenues en boucle sur le sujet, pour faire prendre conscience ou pour culpabiliser ?
La prise de conscience n'est plus si simple dans le monde d'aujourd'hui où le consommateur des pays dits "développés" est bien loin des producteurs qui le nourrissent.
Il en est loin par la connaissance en ignorant beaucoup de ce que représente la culture, l'élevage ou la pêche. Le consommateur d'aujourd'hui n'a pour interlocuteur nourriture, le plus souvent, que l'employé(e) à bas coût qui tente d'atteindre le rayon du supermarché en slalomant entre les caddies avec son trans palette chargé de fruits toujours glacés au sortir de la chambre froide, de boîtes ou de paquets. Il est rare d'avoir en face de soi un marchand de primeur, un vrai boucher ou un épicier authentique connaissant à la fois la matière et son métier, et qui en parle. L'industrialisation de la nourriture, à la source agricole qui n'est plus paysanne comme à tous les maillons de la chaîne de transformation et de la distribution a conduit à faire de la nourriture qu'une marchandise de l'offre. Pour s'en convaincre il suffit d'observer le comportement des gens le long des étals du marché et dans les rayons d'un supermarché. Les démarches sont bien différentes, au delà du relationnel, dans le rapport aux choses. Il n'est pas rare de croiser aujourd'hui quelqu'un qui ne sait pas éplucher les bettes-cardes, ou qui n'imagine pas qu'on puisse accommoder des restes.
C'est la béatitude journalistique face à ces problèmes qui m'exaspère aussi ; les commentateurs n'hésitent pas à annoncer qu'un français jette en moyenne 50 kilos de nourriture par ans... qu'il pourrait économiser entre 500 et 1500 euros en ne gaspillant pas...
C'est peut-être vrai ; et c'est encore plus grave de le présenter de la sorte.
Pour ma part jeter de la nourriture ne peut pas exister ; au pire un fruit qui s'est gâté ou la graisse d'un pâté ! Il est vrai qu'on prend soin des légumes qu'on fait pousser, jusqu'à leur récolte et jusque dans l'assiette... et s'il reste quelques morceaux de pot-au-feu c'est avec une bonne fricassée d'oignons qu'ils finiront.
Cette attention à ne pas gaspiller la nourriture appartient peut-être au passé, héritage d'une vieille culture paysanne qui savait préserver ses biens et sa nature.
Les populations déracinées en ville aujourd'hui ne sont pas nécessairement coupables du gaspillage ; elles en sont plutôt les instruments et les victimes. Les instruments aux mains des capitalistes de la distribution qui n'ont d'autre loi que celle du profit et qui vont harceler la clientèle dans un déluge de produits pour lui faire consommer l'inutile... les victimes en bout de chaîne qui devront payer dans le peu de produits consommes, tout ce qui a disparu depuis le champ du producteur, les poubelles des transformateurs et de la distribution.
Le consommateur est aussi loin physiquement des producteurs : les étiquettes des rayons fruits et légumes devraient interroger quand on y lit des provenances si lointaines que souvent le transport représente une part bien plus importante que la production dans la formation du prix. Et les consommateurs ne sont plus guère interpellés par l'arrivée des fraises en janvier...
Affranchi de l'espace et du temps la marchandise nourriture ne fait plus le lien des mains de l'agriculteur à la table de l'ouvrier. Et c'est peut-être ce lien rompu par les profiteurs intermédiaires qui étranglent aussi bien le producteur que le consommateur, qui autorise le gaspillage.
Juste un détail révélé benoîtement par les bavards du petit écran : toute la nourriture gaspillée permettrait de nourrir la part de la population du monde qui souffre de la faim... Insupportable et scandaleuse coïncidence !
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