lundi 26 novembre 2012

Clubs de supporters ou parti ?

Depuis plus d'une semaine l'actualité politique est circonscrite au champ de bataille de la droite où s'étripent les prétendants au trône de "Président".Ce spectacle bien peu ragoutant pourrait réjouir la gauche au pouvoir... Mais ce serait oublier bien vite que l'usage au parti socialiste fut bien peu différent quand Martine et Ségolène se crêpaient le chignon sur la place de Reims. 
La question vient aux lèvres de certains politiques aujourd'hui, à droite comme à gauche, de la pertinence des partis dans le paysage politique français et de leur usage.
Le peuple a-t-il vraiment besoin des partis pour être représenté ?
Les guerres intestines ont jeté l’opprobre sur les partis et malmenée la confiance des militants et des citoyens. Faut-il en réduire la portée ? Faut-il les éliminer ?
A mon sens au contraire, ils ont besoin d'être réhabilités dans leur responsabilité d'animateurs du débat démocratique et pour ce faire recadrer les fonctions respectives des élus et des directions politiques.Le constat est d'évidence, les partis ne sont plus aujourd'hui que des accessoires mobilisés à l'échéance électorale. Dans une forme de mouvement centripète les élus concentrent à la fois pouvoir et orientations au seul profit de leur mandat. L'exemple des directions nationales des grands partis ne saurait faire oublier les fantaisies provinciales ; le cas auvergnat du parti socialiste peut illustrer la chose avec la triplette Souchon au Conseil Régional, Gouttebel au Conseil Général et Godard à la mairie de Clermont et à la tête de la Communauté d'agglomération. Chacun coiffe sa casquette de chef de clan, rassemblant autant que possible une petite cour d'obligés dont la préoccupation première est de rester maître du paysage concurrentiel de son propre camp. Sur les cinq groupes politiques du conseil général du Puy de Dôme, il n'y a pas moins de quatre groupes de gauche, des socialistes se retrouvant dans trois d'entre eux.
Ce exemple est choisi à dessein pour épargner l'Allier autant que ses élus.

Plus largement ne voit-on pas se réduire le débat politique au choix du guide ? Le Front National y avait goûté dans l'affrontement Maigret-Le Pen. Chacun se souvient de la concurrence présidentielle Balladur - Chirac ou de la courte carrière nationale de Ségolène Royal...
Tous étaient atteint du même mal : la présidentite. Les principaux symptômes en sont facilement repérables, une réduction de la conjugaison à la première personne du singulier (les plus atteints peuvent se risquer à la troisième personne de majesté), une appropriation facile du travail des autres, une défiance systématique dans son coeur de camp et une aptitude à l'arrangement consensuel à la marge, une revendication affichée de participation ou de partage en produit masquant de l'accaparement du pouvoir... toutes formes comportementales qui peuvent s'affranchir du fond idéologique pour réduire son environnement au statut d'un "club de supporters" dont l'existence conjoncturelle est la force à court terme, mais la faiblesse à plus longue échéance.
Dans le monde de l'image et de l'apparence médiatique, point besoin de fond, il faut soigner la forme et président de tout en est la garantie.
L'origine de cette pré éminence des ambitions personnelles sur les organisations militantes ne date pas d'hier. Après l'épisode Pétain faisant "don de sa personne à la France", la troupe des collabos à sa botte, le passage par le "coup d'Etat" de De Gaulle et l'institution de l'élection présidentielle au suffrage universel servi par son parti des godillots, et le coup de grâce de Jospin inversant le calendrier électoral en 2002 -avec le résultat que l'on sait ! - pour parachever la conversion de Mitterrand au régime présidentiel. Plus question de "coup d'Etat permanent" chez les socialistes... c'est la course à la présidence, primaires en prime !
Les partis politiques sont tout au plus aujourd'hui le marche-pied électoral, bien utiles dans leur rôle de tirelire d'argent public à l'usage particulier des ambitions personnelles de quelques-un(e)s. Sarkozy, Chirac ou Mitterrand l'avaient compris ; Bayrou, les Le Pen ou Borloo s'y essaient.
Les communistes, d'apparence épargnés par le phénomène quand ils s'engagent à marche forcée dans le "Front de Gauche", participent à la même déconsidération des partis dans le paysage politique. D'abord promu par les élus au bénéfice d'un mandat dépassant une vision partisane, le parti politique est aujourd'hui présenté comme une forme dépassée et on a plus d'égard pour les "sans parti" ou pour celles et ceux qui ont quitté les grands partis pour tenter de se donner la visibilité et la légitimité nouvelle qui les sorte de l'anonymat militant ordinaire.
Sans vouloir faire de raccourcis trop faciles,  l'histoire nous enseigne que la faiblesse des partis, le plus souvent calée sur des pratiques en ruptures avec leurs engagements ou leur base idéologique, n'a conduit qu'à des épisodes où le pouvoir personnel prenait le pas sur la démocratie.
Il y a un siècle, Jaurès, Guesde, Blanqui, Vaillant ou Lafargue faisaient vivre l'idée du socialisme dans des affrontements dont les enjeux dépassaient bien les hommes ; les déchirements du Congrès de Tours, les expériences diverses qui ont émaillé le siècle dernier, les constructions idéologiques qui ont fait la culture de gauche ancrée aux fondements révolutionnaires enrichis depuis le XVIIIème siècle ont traversé la Commune de Paris, secoué le Front Populaire, nourri la Résistance et les luttes anti coloniales...
Tout au long de cette histoire, les partis politiques ont  tant déplu à ceux qui voulaient faire trépasser la démocratie pour mieux installer leur dictature qu'il est encore aujourd'hui nécessaire d'en préserver l'existence hors de portée des ambitions personnelles de quelque apprenti sauveur suprême que ce soit.

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