Le mot "partage" vient depuis quelques jours occuper le devant de la scène des discours des dirigeants communistes. Q'il s'agisse pour Pierre LAURENT du communisme du partage ou de l'ère du partage chez Daniel BESSAC, le mot mérite qu'on s'explique sur son mode d'emploi, à plus forte raison chez les communistes dont c'est un peu la marque de fabrique , celle des "partageux".
Le capitalisme délirant secoué par sa énième crise procède aussi du partage, de celui qui est propre aux accapareurs, le partage inéquitable qui réserve l'essentiel à une minorité de privilégiés et la portion congrue à la grande majorité conservée en survie tant qu'elle est utile au gavage des puissants.
C'est bien dans la qualité du partage que se dessinent les intentions des partageurs. L'idée simple et facile à appréhender est bien celle de l'égalité des parts. Chaque homme sur la terre devrait prétendre à une égalité des droits et des devoirs qui en fasse un véritable citoyen du monde ; la "Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen" héritée de la Révolution Française après les remous généreux de la pensée des Lumières, s'est propagée autour du monde, emportant ces idées belles de Liberté et d'Egalité. Mais c'est bien l'imperfection qui est encore aujourd'hui la plus fréquente à constater et en France même le peuple n'a eu de cesse depuis plus de deux siècles de revendiquer la simple mise en pratique de ces principes, tant le poids des privilèges n'avait pas définitivement disparu une nuit de 4 Août ! Plus près de nous, le sort fait aux grands idées du programme du Conseil National de la Résistance depuis un peu plus d'un demi siècle vérifie le même comportement revanchard de celles et ceux pour qui le partage ne se conjugue qu'à la première personne : tout pour moi, rien pour les autres.
Le partage, depuis que les hommes maîtrisent leurs territoires, se fait aux frontières qui sont toujours l'objet de conflits dans un monde impérialiste, consanguin du capitalisme, qui ne vit que pour grandir au détriment des autres. Des partages étranges ou étrangers -couloir de Dantzig en un temps, territoires palestiniens ou Balkans dans un autre- n'ont pas manqué d'allumer les braises de la guerre en déchirant les peuples de part et d'autre des frontières. Le partage - partition sur la base des croyances ou des richesses convoitées n'a jamais manqué de faire le malheur des peuples. Le partage du monde dans une seconde moitié du XXème siècle n'a-t-il pas fait reposer la paix que sur l'équilibre de la terreur avant que les digues ne saute et que le capitalisme triomphant ne s'engouffre à l'est. G7, G8, G9, G20... Le capitalisme aujourd'hui se partage le monde comme l'illustrait si bien cette BD à Angoulème en 2012, il trinque avec lui même au nom du partage !
Plus prosaïquement dans les sphères privées les petits mondes mafieux ont bien appris à se partager les marchés du racket et des économies souterraines.
L'éloge de la concurrence a depuis bien longtemps supplanté l'esprit de coopération dans tous les domaines de la vie.
Cette gangrène s'est infiltrée aujourd'hui dans tous les mondes. Les céréaliers qui boursicotent en vendant aujourd'hui leur récolte hypothétique de demain précipitent la faillite des éleveurs qui voient s'envoler le cours des aliments du bétail... mais qu'importe pour eux qui s'imaginent que le partage de la terre richesse commune doit se faire à leur seul bénéfice. Il en va de même dans la guerre que se livrent les nantis des plus pauvres pour ajouter cent hectares de terres aux trois ou quatre cents qu'ils ont déjà au détriment de quelque jeune en mal d'installation. Le Brésil n'est pas la seule patrie des "sans terre".
La perte du sens commun, l'individualisme forcené, les pratiques concurrentielles, tout vient à bout du bon sens. La coopération s'effiloche et son sens se perd dans des organisations qui en conservent le nom en vitrine tout en cuisinant capitaliste dans l'arrière boutique. Les banques et autres organisations mutualistes font grand bruit sur leurs "valeurs" et caressent leurs "sociétaires" dans le sens du poil, tout en singeant les comportements et les exigences de rentabilité du privé concurrent.
La syndicalisation n'est plus de mise dans un monde du travail explosé par les coups d'un capitalisme financiarisé et mondialisé pour lequel l'humain n'est que marchandise parmi les marchandises, là aussi la concurrence est de mise plus souvent que l'entraide. Les organisations en souffrent d'ailleurs au même titre que les individus ; ce qui subsiste est nécessairement considéré comme dépassé, soupçonné de ringardise ou de sectarisme pour donner à une supposée "nouvelle vague" son brevet de respectabilité, ouverture et modernité oblige, et ce d'autant plus facilement qu'elle reniera son propre passé. L'Allier, terre paysanne progressiste, est ainsi mise en jachère syndicale et politique par celles et ceux qui ont oublié le sens du partage. A droite, on en profite, à gauche on en désespère avec les propos de Pierre PRIOLET qui, à la tribune du Congrès de la FDSEA 03 à Bourbon, disait en substance que certains avaient compris qu'ils gagnaient plus à être assis en réunion qu'au travail.
Le travail pour les uns, les fruits de la récolte pour les autres, tels ne sont pas les termes du partage que les communistes sont en devoir de porter comme comportement fondateur de leur identité.
Le pouvoir ou la richesse ne sont pas à partager entre ceux qui en disposent quand les autres n'auraient à se partager que leur misère.
Pour que "l'ère du partage" puisse participer à la charpente du projet de société mobilisateur des communistes il faudra que le sens du partage traverse toutes les idées et surtout les comportements de celles et ceux qui en feront la promotion.
Le communiste est nécessairement "partageux", des idées d'abord, de son bien comme de soi, de son savoir comme de son savoir-faire. Et ce n'est pas du "chacun sa part", mais plutôt du "profiter ensemble".
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