mardi 8 avril 2014

Oser l'éducation

Ça prend du temps... Entre le décret de 1959 portant création du Collège d'Enseignement Général et l'aboutissement du Collège "unique" en 1980, il aura fallu qu'une génération passe par toutes les tentatives de filières ségrégatives contestant le droit à une scolarité obligatoire prolongée pour tous les enfants.
L'invention du collège remonte au Moyen-Age en un temps qui dura des siècles où les filles étaient exclues de l'accès à l'école, de la même façon que pendant des siècles -il en reste quelques scories aujourd'hui - l'éducation des jeunes générations par l'enseignement était affaire de religieux.

L'histoire montre à l'envie à la fois de fortes évolutions et une lente adaptation à l'évolution du monde de la connaissance sous le coup de réforme dont on peut se demander si elle n'ont pas surtout vocation à ralentir l'évolution qu'à en assurer les bases.
Parfois même l'Etat engage la marche arrière ; le gouvernement de Pétain avait bien supprimé les "écoles normales" qui assuraient la formation des instituteurs pour reverser les candidats au métier d'enseignant dans le cursus ordinaire des études et en remettant en cause aussi bien la gratuité que la laïcité de l'école... (toute ressemblance avec des phénomènes plus récents ne saurait qu'être fortuite !).

De la même façon que les tremblements de terre issus des frictions profondes des ensembles tectoniques présentent, sans trop de prémices des secousses brutales suivies de multiples répliques allant s'amenuisant avec le temps, les grandes révolutions éducatives marquent l'histoire de jalons emblématiques. Mais des intentions initiales aux réalisations, le temps des réticences, des réactions, des oppositions passe toujours pour retarder et travestir l'idée initiale.
Parfois même l'idée, fut-elle généreuse, prendra la poussière de l'oubli sur l'étagère des projets comme le Plan Langevin Wallon conçu au sortir de la seconde guerre mondiale dans la lignée du Programme du Conseil National de la Résistance. Les socialistes de l'époque, absorbés par les exigences économiques et budgétaires des aventures coloniales laissaient le système éducatif empêtré dans sa logique ségrégative du cursus "populaire de l'école primaire, cours complémentaire et apprentissage face au cursus "bourgeois" du collège, lycée et université.


Il s'était écoulé un peu plus d'un demi siècle entre les lois de Jules Ferry et la tentative tout aussi innovante du Plan Langevin Wallon avorté. Et depuis 1945 c'est aussi un peu plus d'un demi-siècle écoulé. Pendant tout ce temps, les réformes successives ont modifié le paysage éducatif, mais n'en n'ont pas extirpé les racines de l'injustice sociale dans l'accès au savoir, pas plus qu'elles n'ont redonné au pays les outils d'un épanouissement intellectuel et d'une production culturelle du meilleur niveau.


La démocratisation de l'école a été sacrifiée sur l'autel de "l'égalité des chances" !
Et, quand bien même trop de pauvres gens se ruinent du peu qu'ils possèdent à force de tirages ou de grattages, force est de constater que depuis quelques décennies la "réussite" est plus attachée à l'Ecole Supérieure du Commerce  qu'à la faculté des Sciences, des Lettres ou d'Histoire.

Avec la réforme dite "des rythmes scolaires", les socialistes au pouvoir aujourd'hui ne font pas mieux que leurs ancêtres à la fin des années 40 qui enterraient le Plan Langevin Wallon; ils évoquent quelques idées généreuses en se gardant bien de les mettre en pratique et d'abord de s'en donner les moyens.

Perspective de 19 postes d'instituteurs en moins dans l'Allier à la rentrée prochaine... Est-ce ainsi que les remplacements si mal assurés aujourd'hui le seront mieux demain ?

Les orientations budgétaires conformes aux exigences des financiers européens et dans la droite ligne des politiques de droite interdisent toute évolution transformatrice de l'école, et, au mieux préfigurent un avenir à l'espagnol avec la moitié des jeunes promis au chômage après formation.

Alors quoi faire pour éviter que demain soit pire qu'aujourd'hui ?

Relire quelques infos sur le Plan Lagevin Wallon ICI.

Oser l'éducation avant la guerre.
Oser l'éducation avant la dette.
Oser l'éducation avant qu'il ne soit trop tard.

Pourquoi pas réfléchir à 

  • la scolarisation obligatoire en maternelle dès 3 ans...
  • la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans...
  • le temps scolaire systématiquement de 4 jours et demi par semaine...
  • la formation initiale des enseignants reconstruite dans des Instituts de formation spécifiques associant toutes les exigences de contenus et de niveau d'une formation pédagogique de notre temps...
  • la formation continue des enseignants obligatoire dans le service en co-construction avec la profession...
  • le service de soutien adapté aux besoins des publics en difficulté évitant la relégation ou l'assistanat...
  • un service de l'orientation dégagé de toute emprise extérieure, collectivités territoriales ou entreprises...
  • le travail en équipe pluridisciplinaires...
  • la refonte des grands cycles et degrés couvrant la scolarité obligatoire et au-delà avec un premier cycle du secondaire incluant le niveau de détermination après le "brevet des collèges" ... et pourquoi pas un second cycle intégrant les deux années de licence post-bac pour enrichir le lycée en facilitant la transition secondaire - supérieur...
  • l'intégration de la formation technique et professionnelle au même titre que la voie générale dans le service public, éradiquant l'apprentissage et régulant la pratique des stages...
  • la redéfinition des objectifs du système éducatif pour assurer sa finalité démocratique...
  • la maîtrise de l'Etat sur tous les niveaux d'enseignement dans un véritable "service public d'éducation" et l'ensemble des personnels dans une véritable "fonction publique d'Etat"...
  • etc.

Ce n'est qu'un échantillon en bric-à-brac pour ne pas oublier la place des parents, la prise en compte des organisations professionnelles, les "à-côtés" de l'école, la place de l'école dans la vie de l'enfant et de l'enfant et de l'école dans la société...

C'est toujours du rêve de solution que sort la révolution s'affranchissant des contingences d'aujourd'hui pour mieux vivre la réalité de demain.

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