mercredi 18 septembre 2013

La lutte finale ?

Va-t-il falloir lutter pour que la lutte sociale survive à l'enfer des négociations en marche arrière ?
Depuis des années, il est de bon ton de se plaindre de la perte d'audience du syndicalisme en France, de la baisse inexorable du taux de syndicalisation.
... Et de mettre la faute sur le dos de la montée de l'individualisme, de la casse des grands groupes sociaux au travail, etc.
Bien sûr, les évolutions d'une société dont les politiques n'ont d'autre objectif que de sauver le soldat Capital depuis plus de quatre décennies de crise n'y sont pas étrangères. Le chômage de masse et la précarisation, le recours massif au travail temporaire, l'externalisation et la filialisation en grappes de petites unités des grands ensembles industriels de jadis, la "mondialisation" des productions et de leur gestion, la célébration du "privé" pour mieux sacrifier le "public", tout concours à éparpiller les porteurs d'intérêts commun ou tout au moins à en parcelliser tant la représentation que l'image d'une force revendicative face au patronat ou au pouvoir associé a tendance à s'estomper.
Un autre monde syndical s'est installé, subrepticement et de façon d'autant plus insidieuse que les périodes de gouvernement "de gauche" en ont accéléré le processus. Aujourd'hui, on parle de dialogue social avec des partenaires sociaux. Qu'on le veuille ou non le débat syndical n'est plus calé sur les attentes et les revendications des travailleurs, mais sur les propositions gouvernementales et patronales qui se rejoignent trop souvent sur les mêmes options.
Il ne s'agit plus pour les travailleurs de projeter un avenir de progrès social en en délimitant les contours et en définissant ses principaux ressorts ; mais de tenter, les deux pieds sur le frein d'empêcher qu'on dévale un peu plus loin et plus vite la pente des reculs sociaux, des abandons d'acquis quasi séculaires et d'une régression sociale qui a aujourd'hui réussi à s'installer dans les consciences au point que la majorité de nos populations, jeunes et vieux confondus, est aujourd'hui convaincue que les générations futures devront vivre moins bien que les leurs !
Ce scandale social est assuré par des organisations comme la CFDT qui se sont fait une spécialité de l'accompagnement des décisions gouvernementales et des desiderata patronaux.
Mais les autres syndicats n'échappent pas à cette dérive gestionnaire.
Le fossé s'est considérablement creusé entre une base de salariés peu organisés et contrainte par des organisations du travail qui rendent toujours plus difficile l'action collective et des directions d'organisation devenues des accessoires d'un pouvoir qui les instrumentalise à son gré.
La dernière manifestation contre la réforme des retraites en est un bien triste emblème, posée à la rentrée, des mois après que le matraquage médiatique ait fait son oeuvre quand la messe est dite.
Le même phénomène de brouillage et de posture défensive a contaminé le champ politique au seul bénéfice des forces réactionnaires et de ses extrêmes à la droite de la droite.
Syndicalisme et politique ont toujours eu des difficultés à se poser dans un rapport à la fois respectueux et profitable dans un espace trop pollué par les enjeux du pouvoir. Mais les leçons de l'histoire ne manquent pas pour enseigner les écueils qui pourraient être fatals. Mais rien n'y fait.
la revendication d'indépendance syndicale a bien permis d'amollir le profil plus consensuel du représentant syndical de mandant de sa base en partenaire social...
La curée du syndicalisme de lutte dans la paysannerie bourbonnaise dont l'histoire de plus d'un siècle est balayée par quelques petites ambitions politiciennes illustre assez bien aussi cette instrumentalisation des organisations professionnelles qui devraient se satisfaire du rôle "glorieux" de faire-valoir. Le MODEF n'était pourtant pas né pour être le syndicat des friches. Ailleurs la négociation des plans dits "sociaux" et la revendication de primes de licenciement "supra légales" finit de désamorcer les consciences de lutte.
Le réveil promet d'être brutal quand le degré extrême du supportable aura été franchi.
Ce jour là, quand le couvercle saute, comme en 1968, les organisations en sont remises à des tactiques de récupération dont l'usage et les outils ne faisaient pas partie de leur arsenal stratégique ; et c'est aussi le résultat qu'on a connu à l'époque avec le retour réactionnaire qui a neutralisé nombre d'avancées progressistes.
Ce jour-là il ne sera plus question de négocier au cas par cas un accord électoral avec les socialistes, ni de badigeonner une dérive gestionnaire en nouvelle ruralitude.
Trop tard ?
Pas si sûr ; le temps si court de la vie des hommes laisse à d'autres le temps de faire vivre les idées mises en gestation ou en pépinière par ceux qui passent. C'est sur cette forme d'espoir dans le temps que l'usage de la pensée de Marx fait encore montre aujourd'hui de sa pertinence. Le chantier révolutionnaire ne doit pas être laissé en jachère.

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