jeudi 17 janvier 2013

Du train de sénateur au TGV

Les voeux du Président Hollande aux parlementaires ont été pour lui l'occasion de revenir sur un de ses engagements de campagne promis au passage par la loi du "non-cumul des mandats".
Véritable arlésienne qui ressort régulièrement depuis des lustres pour réconcilier l'opinion publique avec ses grands élus nationaux, la perspective imminente du passage à l'acte réveille la fronde des parlementaires de tous bords, ou presque.
Que la droite se mobilise pour préserver sa démocratie d'Ancien Régime où les notables montent au créneau dès qu'on s'approche d'une nuit du 4 août, rien que de plus normal ! Mais que la fronde s'alimente aussi chez les sénateurs socialistes ne passe pas inaperçu. Pour s'en étonner peut-être faudrait-il oublier qu'ils sont sénateurs, élus élus par des élus sur leur territoire d'élection... 
La première des failles de la promesse socialiste s'ouvre au Sénat, une assemblée où le cumul des mandats est assez naturel avec un corps électoral de "grands électeurs".

Un article de l'encyclopédie Larousse fournit les éléments essentiels à la compréhension du rôle et de fonctionnement du Sénat au cours des deux derniers siècles de l'histoire de France. (à lire ICI)

De tous temps, le Sénat a fonctionné en élément "modérateur" des "excès" de la démocratie directe. Les députés directement issus du suffrage universel sont sensés porter des opinions plus proches de celles de leurs mandants, plus fortement porteurs des appétits de changement qui anime les électeurs. 
Le suffrage indirect présidant à la désignation des sénateurs conduit assez naturellement à resserrer le choix du second degré sur un éventail réduit privilégiant la "notabilité" où la rondeur et la séduction seront utilement préférées à vigueur des convictions. 
Le Sénat est assez naturellement conservateur dès lors que 95% des grands électeurs sont issus de conseils municipaux dans lesquels il est parfois de bon ton de "ne pas faire de politique" et de se prévaloir de l'étiquette des "sans étiquettes". Une observation simple suffit généralement à  démasquer les politiques de droite camouflées derrière ce pitoyable subterfuge.
La Haute Assemblée a souvent aussi été considérée comme une forme de "contre-pouvoir" quand sa majorité d'opinion n'est pas en cohérence avec celle de la Présidence ou de l'Assemblée Nationale. Ces dernières années l'ont assez bien montré avec des formes de blocage dépassables quand la Chambre des Députés peut avoir le dernier mot, mais gênantes dès lors que ce sont des majorités au Congrès des deux chambres réunies qui sont attendues.
Il est assez rare de voir le progrès démocratique fleurir sur ce terreau de la combinaison et de l'arrangement politicien.

Au bout du compte, la redéfinition du rôle parlementaire sur un mandat unique d'élu au suffrage direct et proportionnel aurait une autre portée démocratique. Quant au prétexte de "l'ancrage local" qui serait le privilège des maires ou présidents de collectivités territoriales, il peut être aisément réinscrit dans une mission parlementaire d'animation de la démocratie que d'aucuns nomment aujourd'hui "active", "participative" ou ""citoyenne"
La prochaine République ne naîtra pas d'une simple mesure de non-cumul des mandats, elle a d'autres exigences.
La suppression du Sénat, le rétablissement d'un calendrier électoral redonnant à la représentation parlementaire sa primauté politique dans un régime parlementaire, l'instauration de la proportionnelle dans TOUS les scrutins pourraient former la colonne vertébrale d'une reconquête démocratique du pouvoir politique par le peuple. Beaucoup d'autres mesures redonnant aux élus leur rôle de pilotage politique sont à imaginer pour les ressortir de celui de chef de service déconcentré exécutant d'une politique qui peut leur  être complètement étrangère. C'est l'ensemble de la réforme territoriale qui devrait être le lieu de cette réflexion.
L'enjeu est dans la démocratie politique, mais aussi dans ses volets économiques et sociaux dès lors qu'un pouvoir politique ainsi posé émanant plus directement du peuple en porterait plus efficacement les aspirations face aux forces qui l'exploitent et l'oppriment encore aujourd'hui comme au temps du Capital et du Manifeste du Parti Communiste.

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