mercredi 31 décembre 2014

Qui donc a tué le temps ?


Tuer le temps... un peu de temps perdu à propos du temps.
La petite sentence signant une occupation sans importance pour tromper l'ennui prendrait-elle aujourd'hui une valeur plus dramatiquement réaliste ?
Tout va plus vite, c'est bien connu ! TGV par-ci, Internet par là...
Enfin pas pour tout le monde équitablement ; l'Auvergne devra certainement attendre le passage des trains de banlieue de Lyon pour en profiter autrement que dans l'encre de La Montagne.
Le monde d'aujourd'hui nourrit l'accélération du temps et parallèlement laisse dans l'embarras de l'attente les citoyens ordinaires qui auraient besoin dans l'urgence de la chose, du service ou de la rencontre.
Qui n'a pas fait l'expérience du colis qui arrive le lendemain de Noël ? du courrier qui s'est égaré en attendant que de vrais yeux humains déchiffrent l'adresse de son destinataire avant qu'il n'arrive enfin... trop tard !
Qui n'a pas récemment réclamé un branchement électrique pour s'entendre répondre à l'autre bout de la France que ce ne serait pas possible avant trois semaines ? tant pis pour le chauffe-biberon du petit !
Qui n'a pas récemment fait les démarches préparant sa retraite ? à l'échéance déjà bien tardive, le paiement de la pension attendra bien que la pile de dossiers en souffrance s'épuise en même temps que ceux qui les traitent.
La vie regorge de ces situations bien ordinaires du quotidien d'une vie devenant galère dès lors qu'on aurait simplement besoin de vivre normalement dans un monde où les trains arrivent à l'heure pour avoir sa correspondance, où le courrier arrive le lendemain, où le branchement électrique serait aussi rapide que la coupure de la ligne pour impayé, où l'on croiserait le regard, l'intelligence, la responsabilité et la professionnalité d'un interlocuteur présent ailleurs que dans un centre d'appel marocain ou...
Oui mais voilà, si l'argent dématérialisé fait plusieurs fois le tour de la terre chaque seconde pour semer ici et là le profit spéculatif qu'il génère, si les SMS bourrés de fautes et d'approximations linguistiques voyagent plus vite qu'un courrier de Montusès à Emile Guillaumin au début du siècle dernier, le plus important à mesurer dans cette abolition du temps reste l'impact sur la vie des hommes, des femmes ou des enfants pour lesquels l'apparence d'un temps mis en tranche est bien trompeuse.
Temps de loisir et temps de travail, temps scolaire et temps de l'enfant... Temps perdu au clavier de facebook pour gagner du temps avec google...
Le temps ne se perd pas plus qu'il ne se gagne ; il est la dynamique même d'une vie plus ou moins accélérée.

Même en courant, je n'aurai pas le temps...

Pauvre de toi qui n'aurait pas le temps...
Privilégié accapareur qui prendrait le temps...
Prétentieux bienfaiteur qui donnerait de son temps...

Si le temps devient problématique aujourd'hui, n'est-ce pas surtout dans sa réduction au présent, un présent rétréci en particule de plus en plus infime coupée du passé et ignorante du futur qui enferme les individus dans leur temps, coupés des autres derrière la dalle de verre noir de leurs écrans, TV de papa, tablette de maman et console du petit ? 

Les miettes ne sont seront jamais que les restes du pain, et ce n'est pas d'un temps mis en miettes que se nourrit le lien social.

Ils seront trop nombreux demain, celles et ceux qui n'auront pas pris le temps d'aller se faire inscrire sur les listes électorales... et qui alourdiront la terrible addition des abstentionnistes aux prochains scrutins. Pourquoi ?
Peut-être parce que "Le changement, c'est maintenant !" reste encore une trahison du temps !


Et à regarder les choses de plus près, pour savoir qui est responsable de cet assassinat du temps, il n'est qu'à regarder à qui profite le crime.
N'y a-t-il pas à chaque instant un peu d'argent à gagner en jouant sur le temps des gens ? 
L'aventure de la téléphonie mobile, de l'autoroute ou du TGV, de l'Internet ou du fast-food, et du numérique en général n'a-t-elle pas comme plus banale conséquence de déplacer les curseurs dans le budget des ménages pour réorienter le flux des dépenses vers quelques destinations nouvelles ?

Le capital tue le temps... crime paradoxal quand on sait que le temps c'est de l'argent ! ... de l'argent, pas tout-à-fait, une marchandise plus surement.

Pour les curieux qui auraient envie d'en savoir plus sur le temps, -cette chose formidable qu'on a inventée pour que tout ne se passe pas d'un seul coup !-
il suffit de prendre le temps de profiter de la conférence d'Etienne KLEIN, un bon temps de réflexion...



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