lundi 8 décembre 2014

Partis partis

Les commentateurs de la vie politique commencent à présenter la situation de faiblesse des organisations politiques. Quelle découverte bien tardive vont-ils faire ?
Avec l'accentuation du présidentialisme dont l'inversion du calendrier électoral a consacré l'ancrage, le débat politique est circonscrit à la cour de récréation de l'Elysée et des ego réunis. Des personnes, des personnes, toujours des personnes, des idées sur la personne, mais du côté des idées, plus personne !
Le dispositif aussi innovant que soit-disant démocratique des "primaires", ouvertes, fermées ou entrebâillées en sont devenues la caricature. Une personne se donne les moyens matériels de sa domination avec une poignée de faire-valoir qui vont se donner en spectacle un peu comme les miss concourant pour leur fameux diadème.
Seul échapperait à ces pratiques la secte du FN... De ce côté là de l'échiquier on ne s'embarrasse guère de fantaisies décoratives, mais la pratique n'est guère différente pour assurer le pouvoir à la dynastie familiale.

55 ans plus tard, ce nouveau monde a maintenant dépassé le stade de sa maturité. De Gaulle avait institué l'élection présidentielle dans Sa 5ème République pour mieux mettre Sa Personne à la tête de l'Etat et le pouvoir à sa main en mettant fin "au régime des partis" (référence à Pétain qui prétendait faire don de sa personne à la France pour mieux la défigurer dans la capitulation et la collaboration).

Nous ne sommes effectivement plus dans une République des partis politiques, mais dans celle des réseaux d'influence, des lobbies, des think-tanks, des conseillers de l'ombre ; ce ne sont plus des hommes qui se rassemblent autour des idées cherchant l'adhésion du plus grand nombre, mais des hommes qui rassemblent leur courtisans pour s'accaparer le pouvoir, petits nobliaux n'assurant la maîtrise de leur territoire qu'en se disputant le soutien des petits marquis à leurs marges (voir les gesticulation de la droite de l'UMP avec le FN, de Juppé ou des socialistes avec Bayrou, etc)
Tout au plus les partis servent encore de tiroir caisse, et ce d'autant plus depuis que l'argent public leur est accordé avec autant d'équité que la prise de position dur une grille de départ de Formule 1.
C'est d'ailleurs là le seul enjeu de la conquête de leur direction.
Quand la presse régionale s'occupe à tisser la toile d'araignée du réseautage socialiste en Allier.elle illustre un peu ce "nouveau monde" dans lequel on a des peines à saisir une unité de perspective et d'idées dans une débauche d'ambitions personnelles qui réduit les enjeux politiques au pouvoir à prendre ou à conserver.
Aucune formation politique n'échappe à ce phénomène qui au fil des ans a complètement dessaisi les citoyens de leur capacité à exercer le pouvoir politique que notre démocratie républicaine leur devrait.

Parce que c'est lui...
Les supporters d'aujourd'hui ne sont pas les militants d'hier ou de demain ; rires aux éclats ou sanglots dans la voix les uns larmoient au salon des émotions électorales quand les autres font bouillir la marmite des idées en cuisine, tous les jours derrière aux fourneaux. Et aujourd'hui la cuisine politique des gens pressés ne s'embarrasse pas de la corvée de pluches ou du mijotage, le "pré-cuit", et le tout-prêt bien emballé aux bonnes couleurs suffit à couper la faim de la masse toujours beaucoup plus considérable des abstentionnistes.
Dans une République des Bourgeois de Calais, tous font semblant de s'en plaindre... oubliant trop vite que ce sont eux qui ont donné les clés !

Le changement c'est maintenant...
Mon ennemi c'est la finance...
L'inversion de la courbe du chômage...
Une retraite un peu plus moins, un peu plus loin, pour finir dans le besoin...
...

Aujourd'hui c'est une jeunot passé de la banque Rothschild aux palais de la République qui veut faire travailler plus le dimanche, fustige la rigidité des "35 heures" pendant qu'un de ses collègues ministre fait surveiller de plus près les chômeurs fraudeurs, etc. etc.
... au nom de la gauche ?

Qu'en pense le Parti Socialiste ?  et les autres partis ? 

Tout au plus va-t-entendre quelques "chefs de file" à gauche comme à droite ( qui comme leur nom l'indique malgré tout sont d'abord chefs pour que derrière ça file ) qui s'en félicitent ou s'en offusquent selon leur lecture de l'avenir politique qu'ils s'envisagent ! 

Du fond et des idées ? de la vie des gens qu'on se propose de bousculer un peu... sans intérêt. L'important à l'Elysée comme partout ailleurs c'est la manœuvre politicienne pour provoquer l'échec de l'adversaire ou faire trébucher le partenaire concurrent dès la prochaine échéance. Les petites tractations ici comme ça et ailleurs autrement pour mieux s'arranger des redevables n'ont pas besoin de partis, mais simplement de quelques négociateurs intéressés. Pour faire cause commune ici avec ceux qu'on fustige ailleurs point n'est besoin de s'encombrer avec une organisation politique qui devrait mobiliser à force de militantisme sur des options communes construites et bien partagées.

Mourir pour des idées ? La chanson n'est pas hit parade des politiciens qui soignent leur espérance de vie... au pouvoir.

Les partis partis, notre République peut entrer dans l'ère d'un ancien régime où la confusion entre la chose publique et la chose privée au seul profit de la seconde n'est plus l'affaire que des personnes. Chacun trouvera désormais normal que l'impôt réclamé par la puissance publique soit rangé au placard des ringardises, balayé par le formidable engouement de chacun à la participation charitable, à l'exercice du don solidaire résolvant l'équation de la pauvreté en sollicitant les moins pauvres plutôt que les plus riches... La gouvernance par la peur et la commisération fait les beaux jours d'un système épargnant d'autant plus les privilégiés qu'il enferme le peuple dans sa souffrance, un peuple d'autant plus enclin à la solidarité qu'il est précipité au bord de la misère.

La prochaine République a-t-elle vraiment besoin d'un président ?
La prochaine République a-t-elle vraiment besoin de sénateurs ?

Pas si sûr ! Il lui faudra surtout des citoyens qui donnent leur avis sans nécessairement qu'on leur demande et qui renvoient à leurs miroirs sans tain celles et ceux qui leur demandent d'arbitrer la querelle de leurs ambitions à grands coups de "primaires". Ce qui prime en République, c'est l'organisation politique pour le débat, la confrontation et l'exercice du pouvoir en conformité avec le choix majoritaire. Pour ça les organisations politiques partisanes ne sont pas de mauvais outils quand elles vivent des idées et des moyens que leurs militants consentent dans leur engagement.
La représentation démocratique suppose des échelons à revisiter autrement que dans la réforme dite "territoriale", c'est aussi ça le chantier de la prochaine République ; et ce ne sont pas les instances électives existantes qui pourront en accoucher. 
Il va falloir passer par une forme de Révolution, pourquoi pas tranquille puisqu'il s'agit simplement d'une intervention populaire changeant la nature du pouvoir qu'elle se donne et les formes de son exercice, d'une assemblée de députés qui, pour valider l'écriture d'une nouvelle constitution devront être "constituants".

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