lundi 17 décembre 2012

L'insupportable coïncidence

Un malheureux concours de circonstance a fait se télescoper chez moi deux informations dont la rencontre éclaire l'insupportable accroissement de la misère conjugué au tout aussi insupportable appétit des prédateurs du capital : un appel téléphonique de démarchage et une information sur les nouveaux prêts consentis par le "Crédit Municipal de Paris".
Le démarchage téléphonique est chose courante aujourd'hui, et chaque expérience laisse imaginer les box du centre d'appel... Depuis quelle autre latitude ? Qu'importe, le français approximatif de mon interlocutrice fait que je l'imagine sous un ciel bien plus bleu que le nôtre en hiver. Le superviseur ne doit pas être très loin dans son dos ou l'oeil fixé à son écran de contrôle, tellement les relances de ma correspondante sont réitérées et pesantes. Sa mission était claire : me vendre un contrat d'assurance santé ; un contrat "subsidiaire" puisqu'il ne fallait surtout pas que je me départisse de ma sécu et de ma mutuelle. Passons sur l'argumentaire aussi insultant que primaire sur la stagnation ou la baisse des salaires et des retraites,
sur la crise, le déficit de la Sécu et le défaut d'argent public... Tout le bonheur du monde serait niché dans la démarche individuelle d'assurance qui garantirait au moins qu'on récupère son propre argent !!!  Il aura fallu que j'arrive à la troisième réponse négative expliquant tout le bien que je pensais d'un système de protection sociale basé sur la solidarité et la mutualisation en condamnant définitivement toute forme de marchandisation de la santé comme de l'éducation, etc. Réexpliquant à trois reprises que l'existence même de sa proposition formait une atteinte au triptique de notre devise républicaine (liberté et égalité battues en brèche par la ségrégation par la richesse et fraternité mise à mal par une démarche individualiste de sauvegarde peu attentive à la situation d'autrui). La communication s'est enfin achevée après que j'ai remercié mon interlocutrice de sa patience et de sa pugnacité, non sans lui souhaiter de trouver un emploi qui lui permette de travailler à un avenir meilleur pour elle comme pour l'humanité.
le second évènement est arrivé par la voie des ondes avec l'information que le Crédit Municipal de Paris diffusait pour promouvoir son nouveau "prêt" sans gage destiné à financer les dépenses de santé des plus démunis. Avec le système assurantiel évoqué plus haut, les assureurs financiers prélèvent une part de revenu disponible pour gager les dépenses éventuelles liées au traitement coûteux de quelque maladie.  Le progrès faisant rage et devant la constatation navrante que les pauvres sont nombreux à renoncer à se soigner faute de moyens, Zorro est arrivé avec sa solution de crédit !!! Pensez donc, votre dentier ou vos lunettes vous les paierez bien en trois, dix ou vingt fois, comme le dernier écran plat. Après les prêts étudiants dont l'idée importée des Etats-Unis contribue à l'asservissement de la jeunesse au système financier en les obligeant à accepter n'importe quel petit boulot pour rembourser leurs dettes en oubliant leur formation voilà que les rapaces ont trouvé un nouveau filon.
Ou plutôt non, car le Crédit Municipal ("Chez ma tante" où le prêt sur gage permet aux plus démunis de se sauver d'un mauvais pas en trouvant le secours financier qu'il ne trouverait nulle part ailleurs), peut être assimilé aux organismes "humanitaires" dont la vertu première est bien le soulagement des maux et des détresses. 
L'initiative n'en est pas moins symptomatique d'une dérive délétère du corps social qui supporte de telles  issues et de l'approfondissement d'une crise dont les pouvoirs publics évacuent l'urgence du traitement de fond en encourageant les solutions de raccroc où la solidarité cède du terrain à la commisération.
Que quelques pauvres parviennent à consulter un spécialiste, à accéder aux soins dentaires ou ophtalmologiques en réglant la dépense à crédit ne va pas régler le scandale des dépassements d'honoraires, pas plus que le recouvrement insuffisant des ressources de la sécu dont on organise la défaillance pour mieux justifier le recours à l'assurance privée.
Toutes les initiatives de solidarité bientôt réduites à la charité ne couvrent que de pansements bien légers les blessures de la misère. Passée une période ou la croissance de la demande s'accompagnait d'une générosité également croissante, nous entrons désormais dans une phase de récession de la seconde face à une explosion de la première ; la plupart des collectes sont à la baisse quand les queues s'allongent devant les soupes populaires !
Les socialistes arrivant au pouvoir au printemps dernier sous les auspices du changement le promettaient pour maintenant...
Les médias se repaissent des millions de Strauss Kahn partis en fumée, de la délocalisation fiscale de Depardieu, leur restera-t-il un peu de temps pour faire réfléchir les citoyens à l'injustice faite à la masse par une caste de privilégiés de la fortune prêts à tout pour augmenter leurs privilèges au prix du sang des autres ?

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