mardi 25 décembre 2012

60 ans plus tard

Au hasard du dépouillement d'un tas de vieux papiers, ce quatre pages mérite le coup d'oeil...
7 décembre 1953 : 
Le gouvernement Laniel en place depuis 6 mois s'apprête à être reconduit par René Coty, nouveau Président de la République élu à la succession de Vincent Auriol au 13ème tour de scrutin des parlementaires...
Résistants plus tard au passsage, Laniel et Coty avaient été blanchis de leur vote des pleins pouvoirs à Pétain. Les communistes étaient exclus du gouvernement depuis 1947, le PCF comptait alors plus de 250 000 adhérents à son plus fort dans l'après guerre, premier parti de France avec plus de 28% des suffrages aux législatives et 182 députés ! Pendant ce temps on se tient la barbichette du pouvoir au centre, le centre gauche dispute le pouvoir au centre droit...
Mendes-France avait raté la Présidence du Conseil en juin... Cet échec face à Laniel ne lui avait pas pour autant ouvert les yeux sur la situation du pays comme en témoigne son analyse des grandes grèves des services publics d'août contre le plan d'économies dans la fonction publique et les entreprises nationalisées et du recul de l'âge de la retraite. Près de quatre millions de grévistes pendant un mois ! ... Des grèves dont Mendès-France prétendait qu'elles "n'étaient pas des grèves politiques ni exactement des grèves professionnelles. certains grévistes étaient incapables de définir avec précision leurs revendications. C'étaient les grèves de la tristesse, du désespoir, du découragement. »...
Début octobre c'était au tour des agriculteurs de barrer les routes...On n'avait pas encore soldé la guerre d'Indochine avec les parachutages de l'opération Castor sur Dièn Bièn Phu le 20 novembre que se profilait déjà celle d'Algérie ouverte en 45 et qui allait se rallumer avec les attentats de la Toussaint 54.

Poujade avait aussi fondé sa coterie corporatiste cette année là, contre le parlementarisme et les "gros"... un bon menu d'extrême droite pour la mise à l'étrier de Le Pen !
C'est dans ce temps là que les quatre signataires du Manifeste du CNAL, tous dirigeants réformistes socio-démocrates des organisations syndicales de l'enseignement (FEN, SNI) de la Ligue de l'Enseignement et de la FCPE, souligne l'inquiétude à voir remis en cause les grands desseins républicains de l'école tracés par le Plan Langevin Wallon à la Libération. Ce grand projet de réforme de l'enseignement et du système éducatif français élaboré à la Libération d'après le programme de gouvernement du Conseil national de la Résistance de mars 1944 par les deux intellectuels communistes n'a pas survécu à l'éviction des ministres communistes en 47.
Cette orientation du redressement de la France dans la compétition internationale de l'après-guerre avait été sacrifiée pour financer la guerre d'Indochine et accepter la main-mise américaine du Plan Marshall ouvrant la "guerre froide".
C'est dans ces années-là que les mouvements laïques marquaient leur soutien actif à l'école publique et que sont nées nombre d'Amicales Laïque dans nos petits villages ; les municipalités progressistes ne manquant pas de délibérer pour signifier leur soutien à une école dont chacun s'accordait à penser qu'elle était le moteur du développement social, économique et démocratique du pays.
Indochine, Algérie... les guerres achevées, reste encore la guerre des mémoires.
Le plan Langevin Wallon, projet mort-né, a inspiré d'autant plus de discours qu'il était démenti par les actes des mêmes orateurs !
Mais tout ça est passé !
60 ans après, Sarkozy a eu le temps d'aller guerroyer en Libye pour liquide Khadafi et préparer l'aventure guerrière au nord Mali projetée par son successeur à l'Elysée... 
Les occidentaux peuvent-ils se satisfaire de l'issue de deux guerres d'Irak à la frontière de la poudrière israelo-palestinienne ? Ceux qui se sont bruyamment satisfait de la chute du mur de Berlin frémissent-ils d'indignation au pied des huit mètres de béton de la prison palestinienne ? Les révolutions du "printemps arabe" débouchant sur la prolifération du fondamentalisme religieux et l'insolente intrusion du fait religieux asservissant le pouvoir politique.
Hier les guerres coloniales et le plan Marshall pour assurer la main-mise capitaliste sur les hommes et les ressources du monde, aujourd'hui des guerres néocoloniales au prétexte d'une démocratie dont les promoteurs sont les premiers bourreaux sur leurs propres terres pour satisfaire l'appétit capitaliste...
Hier des discours pour l'école et des crédits pour la guerre, aujourd'hui des discours pour l'école et des crédits pour la guerre économique, pour renflouer les banques et gaver les rentiers d'argent public...

L'Union européenne ne reçoit-elle pas le Prix Nobel de la Paix ? Les cendres du conflit de l'ex-Yougoslavie sont à peine refroidie que Bulgares et Grecs s'allient opportunément pour refuser la perspective d'intégration européenne de la Macédoine... Tous les grands tribuns vantant l'union européenne s'indignent-ils justement du terrain gagné par la pauvreté qui ne se contente plus d'asphyxier les plus pauvres, c'était la condition nécessaire et suffisante de l'oppression des peuples sous le régime de la peur que tous connaissent aujourd'hui sous une forme ou sous une autre.
60 ans ont passé... et nombre de fois depuis, en 56, en 68, en 72 ou 82, etc. chaque décennie porte au moins un épisode que tous les charlatans d'espérance voudraient bien cantonner dans la tristesse, le désespoir ou le découragement.
Charge à ceux dont la clairvoyance déjoue ce malheureux manège qui donne le tournis  de droite dure en gauche molle de reconstruire l'espoir sur les fondations solides des précurseurs du programme du CNR, qui fêtera ses 70 ans l'an prochain sans une ride !

Surtout, n'oublions pas l'école la¨que, celle de la République... ressuscitons Langevin et Wallon !

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