vendredi 4 mai 2012

Des nouvelles du Front : l'un dans l'autre

Depuis quelques années toutes les échéances électorales mettent à l'affiche de la gauche celles du FRONT DE GAUCHE.
Ce modèle de rassemblement, dernier avatar en date pour parer au grignotage du PCF par les autres forces de gauche ou par le désintérêt abstentionniste a fait sa place en phase électorale et les derniers résultats ne devraient que conforter ses partisans.
Désormais, il faut s'y habituer, les candidatures du PCF s'affublent automatiquement de l'étiquette du Front de Gauche ; parfois même jusqu'à en oublier le signe de la famille nourricière. Il est vrai qu'on lui doit d'autant moins qu'on s'en réclame moins.
Le rassemblement a bien toujours été la vertu cardinale de tout politique qui se respecte et qui veut associer à sa cause une part grandissante de citoyens convaincus. Or depuis quelques années, et à en croire les chantres de la nouveauté, le rassemblement ne pourrait se faire que dehors et la vertu de l'ouverture ne saurait récompenser personne qui ne soit sorti de chez soit pour aller émousser ses idées loin de ses bases.
C'est toute la mécanique de l'adhésion et de la conduite idéologique de l'organisation politique qui se trouve bousculée.
Curieusement ce sont les élus qui portent avec le plus de convictions la démarche nouvelle et qui depuis quelques décennies l'ont perfectionnée.

Pas si curieux que ça quand on observe qu'ils s'affranchissent ainsi bien plus facilement de ce qu'ils peuvent considérer comme pesanteurs  et contraintes dans l'organisation qui les a fait.
Dans un monde où l'action politique glisse sûrement du modèle de la conviction à celui de la séduction, il est nécessairement plus glorieux de plaire à la marge que de se rendre utile au centre.
Et aujourd'hui commence à se dessiner les contours particuliers de deux mondes :

  • celui du "rassemblement" dans le "Front de Gauche" par exemple, systématiquement invoqué par le candidat ou l'élu dans la compétition électorale comme après.
  • celui de "l'intendance", dans le parti qui se doit de continuer d'exister malgré tout, ne serait-ce que pour assurer les fins de mois et donner les moyens aux invités rassemblés de partager la table commune.

L'un prend d'autant plus le soleil qu'il met l'autre à l'ombre.


Le discours lénifiant qui voudraient que les deux types d'organisations fassent du bel élan de leur conjonction un modèle de fertilisation croisée, commence à se crisper ; n'entend-on pas désormais souvent les alertes rappelant la nécessité de se consacrer au moins autant au Parti qu'au Front, l'utilité du militantisme dans l'organisation trop souvent troqué pour l'effort de paraître dans la lumière de l'élu.


La question ne va pas tarder à se poser de la concurrence organisationnelle entre les différentes structures, supra structures des "rassemblements" et infra structures des organisations composantes.
Déjà certains ont évoqué, quand d'autres la rejetaient fermement, l'éventualité de la mutation du "Front de Gauche" en parti.
En soi cette éventualité n'a rien d'aberrant ; elle illustre la persistance de l'évolution des structures qui ne naissent que très rarement ex nihilo. La plupart du temps la formation d'organisation est l'issue d'un des deux mouvement symétriquement opposés : la divergence et la convergence, l'explosion ou la fusion, l'exclusion ou l'assimilation...


Les inventeurs du procédé avaient-ils perçu les risques qui se dessinent à l'expérience ?
Les inventeurs du procédé n'en n'ont ils pas fait qu'un instrument de transformation supplémentaire pour conjurer les résistance internes des organisations ?


Dans les deux cas ce serait une faute politique, de l'impréparation dans la première hypothèse, et de la duplicité manipulatice dans la seconde.


Peut-être faudrait-il prendre les choses autrement et s'inspirer de l'histoire.

  1. Qu'autour d'un noyau fédérateur se concentrent les forces qui aspirent au changement et là les valeurs et les principes fondateurs du rassemblement seront préservés.
  2. Que l'amalgame se fasse au fil de l'eau, cueillant les délaissés au passage, et l'oubli des valeurs fondatrices du rassemblement est garanti à l'épreuve les cahots d'un parcours erratique.



Les formations à géométrie variable des dernières élections régionales tout comme les situations conflictuelles dans des départements pour les prochaines législatives valideraient assez sûrement la seconde hypothèse.


Une nouvelle modernité s'affranchissant des douleurs de l'apprentissage fait qu'aujourd'hui il est plus glorieux de condamner l'expérience au profit d'une jeunesse absoute de son ignorance, que de créer les conditions de la construction commune. Le fonctionnement du Front de Gauche l'illustre à chaque instant.


Les vertus révolutionnaires ne sont pas dans ce petit jeu du masque dont on s'affuble pour mieux passer pour ce qu'on ne supporterait plus d'être. La révolution naît plus sûrement dans les idées que dans quelques tactiques érigées en stratégies.
Les jacqueries d'antan, 1789, 1830 ou 1848, la Commune de Paris, le 36 du Front Populaire ou le programme du CNR à la Libération, sont autant de jalons dans notre histoire du progrès politique. Et dans ces occasions la production idéologique a le plus souvent prévalu sur les arrangements organisationnels.


Les organisations sont à l'image des hommes bien mortelles ; les idées le sont moins.
Si le communisme doit changer de monture pour poursuivre son chemin, pourquoi pas, pourvu qu'on sache pourquoi.


Quant au nom du Front, il exprime bien l'esprit de résistance (le "front National" fondé par Duclos et Villon en 1941 le portait justement), marque l'opposition et son unité.
Peut-être lui manque-t-il encore une identité idéologique assez bien circonscrite pour en faire  un parti.


Dans un paysage de concurrence libre et souvent faussée, Parti et rassemblement paraissent de plus en plus difficiles à conduire dans le même attelage en dehors des compétitions électorales. L'évaluation du dispositif devient de plus en plus incontournable pour mieux appréhender le fonctionnement et les dysfonctionnements du parti, pour décider en connaissance de cause des orientations à prendre au service de nos objectifs politiques.





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