L'alibi liberticide.
Les événements dramatiques de Montauban et Toulouse arrivent à point nommé pour stériliser la non campagne présidentielle et la réorienter hors du champ politique du bilan de cinq années de sarkozisme.
Le meurtrier "fou fanatique" n'a pas été pris vivant pour lui permettre d'être jugé. C'est pourtant ce qui avait été dit par les autorités dans une mise en scène médiatique comme on n'en a rarement vue. Impossible à neutraliser dans un petit appartement ? Curieux quand même ! D'autant plus curieux que lui et son frère étaient apparemment connus des services de renseignements...
(voir témoignage relayé par mon ami Jean-Claude ICI)
Au bout du compte le pays est sous le coup du traumatisme, pétrifié par l'abomination du crime, et perméable à toutes les manipulations d'opinions engagées à l'occasion par les professionnels de l'émotion.
Non seulement le président candidat est aux petits oignons dans un scénario sur mesure pour le servir, mais presque une demi douzaine de prétendants à l'Elysée lui emboîtent le pas et vont se prêter au spectacle du chagrin vindicatif de l'après drame.
Jean Luc Mélenchon, tout en ayant exprimé sa condamnation de l'acte odieux, n'a pas participé à ce choeur des pleureuses permettant aux caméras de saisir les mines défaites de celles et ceux qui allaient sitôt après s'en départir pour reprendre le cours de leur quête du meilleur sondage.
Au delà de l'alibi du thème sécuritaire relancé à l'occasion, c'est celui du communautarisme religieux qui s'est aussi immiscé dans la campagne.
Le drame qui a touché la communauté musulmane comme celle des juifs ne perd rien de son insupportable violence, de son insupportable inhumanité, de son insupportable injustice, il ne perd rien de ce qui en fait un crime impardonnable, mais aussi désormais un crime impossible à juger dès lors que les balles des forces de l'ordre ont éteint l'action des juges.
Mais il est profondément regrettable que le fait religieux vienne ici s'immiscer dans le paysage politique pour en troubler le débat démocratique.
La France est une république laïque ; mais depuis quelques temps la laïcité se dessine à géométrie variable, malmenée par ses marges religieuses.
La croyance a-t-elle à faire dans le progrès de l'humanité ? Je n'en suis pas certain, et je professerai même volontiers le contraire.
Les religieux de toutes obédiences auront beau affirmer qu'aucun de leurs dogmes ne promeut la violence, l'injustice ou l'irrespect des autres, aucune de ces belles âmes ne trouvera dans l'histoire d'exemple flagrant d'une quelconque participation de la croyance religieuse au progrès de l'humanité. Par contre toutes les soumissions possibles et imaginables ont été bénies pour que les potentats religieux profitent à l'ombre de puissances politiques complaisantes.
Ce serait une indication formelle d'opération de la cataracte que de rester aveugle au fait que tous les conflits du monde depuis quelques décennies sont alimentés par le fait religieux. Quand certains esprits faibles parlent de guerres des civilisations, gardons nous bien qu'ils ne soient pas les premiers curés, pasteur, imam ou rabbin va-t-en guerre.
Quand bien même il a pu exister quelques pasteurs dont l'humanité de l'engagement a permis de sauver des femmes, des enfants ou des hommes des griffes des tyrans; la complaisance des religieux catholiques mettant à l'abri des nazis en fuite peut aisément disputer le prix de l'ignominie à celles et ceux qui ont accompagné les canons de la colonisation en branleurs de crucifix.
S'il est une évidence pour tous que la même croyance n'est pas partagée par tous, que le prosélytisme est toujours présent pour gagner en influence, la chose publique, la république laïque, doit se garder de prêter, ne serait-ce qu'une oreille au discours religieux qui ne peut que la diviser, l'émietter et en faire un terrain de concurrence et d'opposition sur un autre terrain que celui, légitime, de la politique.
La religion sécuritaire réunit bien aujourd'hui la communauté croyante de toutes les religions ; quand les agnostiques, les athées, les non croyants vont-ils enfin gagner le droit d'exister au moins autant que les croyants de tout poil ?
Faudra-t-il attendre la sixième République ?
Ce serait pourtant bien là l'acte fondateur d'une véritable tolérance que de ranger la croyance là d'où elle n'aurait jamais dû sortir, de la sphère privée, de l'intime dont chaque individu doit être capable de justifier l'imperméabilité à l'autre.
C'est aussi ça la liberté de conscience dans notre héritage révolutionnaire.
Le fait religieux ne fait pas l'unanimité dans sa définition ; mais un point peut sans doute traverser toutes ses approches, il s'agit de l'établissement de la limite d'un au-delà, de la limite d'un sacré, zone du tabou, de ce qui échappe. Et le propre de toutes les religions est bien d'amputer la vraie vie d'autant d'espace que la religion en accapare pour asservir son fidèle. C'est bien d'auto censure, de privation volontaire d'une part de soi que la croyance se rend coupable tout en avançant au contraire l'illusion de liberté.
Le libre arbitre des hommes ne peut pas s'accommoder de l'abandon d'une part de soi à quelques puissance étrangère. Le fidèle est sujet assujetti ; l'homme libre n'en n'est pas.
Cette seule raison condamne les pouvoirs politiques religieux à l'oppression et garantit à la république laïque une capacité politique intégrale à l'abri de toute tentation communautariste.
Un pouvoir politique démocratique qui prétend garantir la liberté de conscience doit bien se garder d'entraver son action au piquet d'une quelconque croyance, de tous les jours ou de circonstance.
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