mercredi 7 mars 2012

Du bois dont on fait les flutes

Jean Luc Mélenchon fait un malheur dans ses meetings, affluence record, belle ambiance, jeunesse au rendez-vous... les ingrédients d'un succès sont là pour souligner le talent du candidat.
Certains parlent du tribun, comme si ce n'était qu'une question de forme...
D'autres s'insurgent du supposé "populisme" de gauche du candidat du Front de Gauche...
Quelques-uns se hasardent même à penser qu'il ne s'agit là que de slogans de harangues d'un fort en gueule sans fond...
Ils ont tout faux, sur toute la ligne.
N'en déplaise à tous les "politologues" de salons qui glosent plus volontiers sur les maniaqueries des autres candidats, les sourires et les emportements de circonstances, ce qui fait le succès de Mélenchon dans sa campagne, c'est d'abord son intellect, l'intelligence politique de son OPA sur le PC, sa capacité d'analyse et de synthèse qui met à genou bien des contradicteurs, sa sensibilité au mal du peuple de France qui lui fait trouver l'écho de son propos chez ses auditeurs.
AUCUN
autre candidat n'est à sa hauteur dans l'échantillon des prétendants qui vont se retrouver au premier tour de l'élection présidentielle, et, s'il est contesté c'est bien sur le fond idéologique de ses propositions et pas sur la manière, quoi qu'ils en disent !
Que le seul candidat qui n'est pas dans le moule du modèle imposé par les prétendus concurrents officiels du second tour ne devrait pas échapper aux observateurs politiques, aux analystes des sondages, aux journalistes commentateurs de campagnes... Las il en est tout autrement, et, quand il faut parler du Front de Gauche quand Mélenchon fait parler de lui, c'est toujours le même angle de vue : il y aurait un hiatus entre la parole et les intentions, et de toute façon on n'est plus dans le domaine du réel, mais dans l'espace abstrait d'une idéologie dépassée, inclassable dans le débat officiel, inopposable à quiconque participe au concours officiel.
Le summum de cette supercherie, de cette véritable escroquerie intellectuelle a été atteint avec le refus de débattre capricieux et méprisant de Marine Le Pen sur un plateau télé, avec le différentiel de traitement médiatique imposant un temps d'antenne trois fois moindre au candidat du Front de gauche qu'à Marine Le Pen dans la soirée d'une autre chaîne...


Si les citoyens électeurs pouvaient échapper à la férule d'une bien-pensance officielle qui fait jouer le bleu et le rose à pile ou face sur le tapis de l'Elysée, alors peut-être entendraient-ils pour comprendre la petite musique de la différence à gauche, celle qui court sur les portées des partitions de Jean-Luc Mélenchon en scène de campagne.


Ce n'est pas là propos de fans ou des supporters dont je ne supporte guère la niaiserie bruyante d'un soutien de circonstance -encore moins dans le champ de la politique que dans le domaine sportif - mais plutôt l'appréhension des prémices d'une nouvelle donne, des contours d'un nouveau paysage à gauche en France.


Cette perspective ne sort pas du néant ; elle s'inscrit dans des évolutions chez nos voisins européens de la sphère latine aux confins nordiques dont la "constante macabre" reste l'incapacité de la gauche à résister aux contaminations centristes et aux dérives libérales.
Aujourd'hui, sans que l'histoire se répète à un siècle de distance c'est bien la tension interne à la gauche qu'il faut réduire pour la mettre en état de gouverner efficacement et durablement le pays, pour son bien propre et pour diffuser au-delà des frontière les nouvelles lumières de notre devise républicaine.
Vaillant, Jaurès et Guesde ont ferraillé en tribune comme en écrit au seuil du XXème siècle sans régler le différent autrement que par la différence dans scission de 1920 et ses appendices...
Les socio démocrates allemands se sont couchés sous la pression des intérêts capitalistes revenchards...
Les socialistes français couchés sourds à l'appel des républicains espagnols ont dû se faire secouer par le peuple des citoyens dans la rue pour faire accoucher le Front Populaire des avancées sociales qu'il a portées.
Les socialistes français n'ont-ils pas rappelé les conscrits français pour parachever l'échec de l'aventure coloniale en Algérie... avant de disparaître du paysage politique français quand en 1969 Gaston Deferre obtenait 5% des suffrages à gauche (Jacques Duclos pour le PCF atteignait les 21%).
Les socialistes français, après l'embellie du "Programme Commun" conduisant à l'élection de Miterrand une décennie plus tard en 1981, n'avaient pas renoncé au renoncement qui les fait succomber à la tentation libérale en 1983.
Etc.


Si les socialistes français n'ont rien appris ni rien oublié de leurs errances passées, les communistes n'en ont pas beaucoup plus retenu pour s'être fait dépouiller  en 1981, et à chaque échéance un peu plus depuis trente ans.
La seule différence aujourd'hui avec la stratégie du "Front de Gauche", c'est qu'elle réunit à la fois les ingrédients de 72 et de 81 dans la candidature Mélenchon aux présidentielles.


Le succès probable du printemps prochain avec un écart incommensurable face au désastre de 2007 va tout naturellement conduire à une validation A Priori des options retenues aujourd'hui et transformant de simples dispositions stratégiques est fondamentaux dogmatiques, juste assez pour proposer au prochain congrès du PCF dans quelques mois ou plus tard l'installation d'un "machin" genre "die Linke"  comme la panacée universelle.
Ses promoteurs d'alors auront simplement oublié deux ou trois choses :
la photo de Jean-Luc Mélenchon de côtoiera pas la Marianne dans les mairies
Celui qui accepte d'être la force d'appoint réduit son ambition et ruine la confiance de ses mandants (voir les dernières expériences des ministres communistes.)
Les influences externes sont portées aux nues par l'illusion que l'air frais ne peut venir que du dehors...
Et beaucoup des communistes transformistes qui ont des constructions comme "die linke" en perspective conçoivent bien l'ouverture dans l'architecture de la scène  :

  • on tend la main bras ouverts côté cour aux vedettes qu'on invite d'ailleurs
  • on botte le train des vieux serviteurs encombrants côté jardin par la porte à gauche pour ne pas effrayer les nouveaux hôtes d'un jour le temps de leur passage.

... et dès que les invités seront repartis fiers de leur badigeon communiste, les grouillots sortis côté jardin reviendront faire le ménage et la vaisselle, intendance oblige, pendant que les nouveaux maîtres péroreront sur le perron côté Cour en accompagnant leurs invités qui s'en vont.
Toute ressemblance de cette élucubration avec le prochain congrès ne saurait être que fortuite. Bien sûr !
Le réveil sera peut-être dur pour celles et ceux dont le principe de fonctionnement en politique repose sur les fondements idéologiques de l'engagement plus que sur l'apitoiement ou la célébration de circonstance.


Tel Sisyphe puni à remonter constamment son rocher, les communistes d'aujourd'hui devront peut-être se résoudre à suivre l'enseignement de Guesde ou de Montusès pour ne pas perdre espoir :

  • à refaire le Congrès de Tours pour structurer une offre politique cohérente...
  • à grossir les manifestations antifascistes comme au début des années trente...
  • à faire grouiller les rues de la protestation populaire pour arracher à une social-médiocratie les avancées sociales progressistes comme en 36...
  • à résister...
  • à lutter toujours et encore pour passer sans sombrer les vagues des cycles socio-politiques, pour assurer la victoire sur le capital, ne fut-elle que temporaire...
Et si l'hypothèse révolutionnaire n'était rien que le moteur de ce mouvement perpétuel des sociétés humaines...
Des communistes utiles néanmoins ? alors, Mélenchon ne suffit pas !

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