La question énergétique est une préoccupation qui dépasse bien les frontières aussi tortueuses que poreuses de l'écologie.
L'actualité de la catastrophe japonaise a rallumé la mèche du brûlot. Et l'Allemagne vient d'annoncer sa sortie du nucléaire avec l'arrêt de toutes ses centrales à l'horizon d'une dizaine d'années.
Ne doutons pas que le débat va être ravivé en France par la même occasion, y compris dans le débat de la campagne des présidentielles où les écolos vont devoir occuper le terrain du vote utile au croche-pied à gauche.
Allemagne et France ne sont pas dans la même situation, la France produisant dans ses centrales thermo nucléaires plus de 80% de son électricité quand l'Allemagne n'en fabrique que 20%. Le rapprochement des deux chiffres suffit à comprendre que les solutions que l'Allemagne trouvera ne seront pas nécessairement adaptée à l'échelle hexagonale.
Le premier bémol est dans le vent. Quand les éoliennes allemandes manquent d'air, les allemands achètent de l'électricité à la France, et c'est un peu pour ça que la vieille centrale nucléaire de Fessenheim repousse l'âge de sa retraite.
Si la sortie du nucléaire en Allemagne passe par l'importation d'électricité nucléaire de France ou d'ailleurs... la charge et la nuisance, c'est bon pour le voisin !
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres la logique capitaliste reste la même : accaparement du bénéfice et l'externalisation du risque. C'est ainsi que les activités de production à bas coût économique et social ont accentué la paupérisation des sociétés occidentales sans sortir les peuples exploités ailleurs de leur misère et que dans les deux univers les classes privilégiées ont fait exploser leur fortune.
Les domaines du textile et de la sidérurgie en sont deux beaux fleurons.
Rien à voir avec la "sortie du nucléaire" pensez-vous ?
Peut-être bien que si. Quand bien même l'énergie fait partie des besoins vitaux des société humaines, elle n'échappe pas à la marchandisation capitaliste. Le secteur industriel de l'énergie subit des contraintes particulières, mais leurs ressorts sont les mêmes que ceux des autres pompes à fric.
Quand les USA écument les ressources pétrolières du monde en préservant un peu celles de son territoire, on reconnaît la France qui va chercher en Afrique le minerai d'uranium qui lui est indispensable. Dans tous les cas, outre le pillage des terres d'ailleurs se fait au bénéfice de conditions de production moins regardantes sur le respect des hommes et de la nature.
La sortie du charbon s'est bien faite chez nous. Mais curieusement ce n'est pas l'assèchement de la ressource qui l'a précipitée, mais bien plus la promesse de profits plus juteux avec les produits pétroliers en même temps qu'elle accompagnait l'abandon de la sidérurgie. De coups de grisou en marées noires, de Tchernobyl en Three Miles Island et en Fukushima, les dégâts humains, économiques et écologiques ne connaissent pas plus les frontières que les capitaux qui les ont précipitées.
L'industrie nucléaire française figure vraisemblablement au fronton des grandes réussites technologiques qui font passer la découverte de l'invention à son usage raisonné. Quand l'usage échappe à l'inventeur et que la découverte devient l'instrument d'autre chose c'est là que le danger se profile.
La bombe atomique existe. Elle a même été expérimentée depuis longtemps par les américains qui voulaient abréger la phase finale de la victoire contre l'Allemagne nazie et ses alliés pour empêcher les soviétiques de libérer une part plus importante de l'Europe les privant d'un espace de domination qu'ils convoitaient (cf. AMGOT).
La médecine nucléaire existe aussi et progresse encore aujourd'hui.
Le retraitement des déchets nucléaires se pose pour tous ses usages civils et tout particulièrement par son aspect massif dans l'industrie électronucléaire.
Faut-il pour autant en condamner l'usage ?
Le minimum d'honnêteté qu'on serait en droit d'attendre de nos dirigeants politiques et industriels, ce serait une évaluation des coûts incorporant la charge du traitement des déchets et du démantèlement des installations en fin de vie. Ce serait aller à contre courant de leur logique qui privilégie le profit.
De la même façon qu'il est illusoire de penser basculer une part importante du trafic de fret de la route au rail tant que la SNCF sera le gros opérateur de transport routier sans que l'Etat s'en inquiète, il reste assez vain de confiner le débat du nucléaire sur l'arrêt des centrales électro nucléaires existantes ou en projet tant que le quasi monopole sous contrôle politique se sert du nucléaire jusque dans sa politique étrangère.
Dassault n'est pas un mirage, et AREVA ne fait rêver personne.
Dans ce domaine de l'énergie comme dans tous les autres (transports, communication, santé, éducation, culture, etc) c'est de contrôle citoyen dans une véritable démocratie que doit s'exercer le droit à l'énergie.
Ne laissons pas le débat se perdre sous le voile obscurantiste des allumeurs de bougies vertes, pas plus que dans l'obscurité des transactions boursières. Les connaissances ne cessent de progresser, les sciences peuvent s'en emparer pour construire un avenir de progrès humain respectueux des hommes comme de la planète qui les abrite.
C'est une exigence citoyenne qui a échappé aux socialistes dans leur programme qui soigne une formulation ambiguë dont le seul but est de ménager les susceptibilités des anti comme des pro nucléaires.
Et après on fait quoi ?
On pourrait commencer par un petit moratoire pour donner le temps à la puissance publique de se réapproprier la maîtrise totale de l'industrie nucléaire, en interrogeant la production de matière première, en développant un système de sécurité sans faille, en sortant l'énergie de la logique marchande de la mondialisation... les chantiers ne manquent pas, puisqu'on n'a pas encore commencé d'achever le démentèlement de la centrale de Brennilis en Bretagne, arrêtée depuis 1985. Cette première expérience de déconstruction dont l'évaluation initiale du coût a été multipliée par 20 et qui sera -peut-être- achevée en 2020, devrait mettre la puce à l'oreille.
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