La boussole sans aiguille suffit bien à Panurge pour conduire ses moutons.
La vision du monde que beaucoup voudraient imposer aujourd'hui serait celle d'une forme de grand désordre difficile à maîtriser, à conduire, à projeter dans un avenir toujours plus incertain. Il faudrait bien s'en remettre aux énarques et autres bons techniciens gestionnaires qui nous gouvernent...
Cette vision de désordre n'est-elle pas au contraire une approche prisonnière du piège que les grands ordonnateurs du monde capitaliste ont tendu à toutes les démocraties ?
Diviser pour mieux régner, c'est bien connu... c'est toujours une valeur sure de la prise de pouvoir illégitime.
Mais la désorientation est aujourd'hui devenue la pièce maîtresse du management politique pour assurer les carrières longues de celles et ceux qui se servent de l'état beaucoup plus qu'ils ne le servent.
Sarkozy avait joué "l'ouverture", tout comme Mitterrand en son temps... Il est de bon ton de s'autoflageller et de faire constamment acte de contrition en même temps qu'on propose des réorientations qui devraient d'autant mieux satisfaire qu'elle poursuive le même objectif que la voie abandonnée : les gesticulations sarkozystes sur la fiscalité des riches en témoignent. Le scandale du bouclier fiscal est écarté au profit d'une réforme de l'ISF qui est encore plus profitable aux plus fortunés...
Cette usage antidémocratique des institutions et du pouvoir ne peut que dessaisir chaque jour un peu plus les citoyens de leur part de responsabilité politique. L'extrème droite l'a bien compris et l'utilise sans modération, comme au temps de la promotion miterrandienne.
L'inconsistance politique des représentations aux niveaux les plus locaux accompagne bien favorablement la déstructuration des collectivités locales. A l'opposé, à la tête de l'Etat, le pilotage à l'esbrouffe a débordé les digues institutionnelles aussi bien de la représentation parlementaire, spectatrice bavarde des exactions du pouvoir, que d'un monde syndical miné par ses divisions et la perspective concurrentielle de son action face à un patronat et des politiques qui banquètent matin, midi et soir. Le recyclage d'anciens syndicalistes de la FDSEA de l'Allier au MODEF ou dans d'autres structures groupusculaires en est une petite illustration locale un peu désespérante. Pour certains il est plus important d'être illustre président de pas grand chose plutôt qu'anonyme actif utile parmi d'autres.
Les citoyens ont perdu bien des repères, ballottés au gré des appétits de pouvoirs des uns ou des autres, ils deviennent de plus en plus spectateurs de représentations dont ils ne sont pas les scénaristes.
Quand Sarkozy a choisi de propulser DSK à la tête du FMI, beaucoup ont crié à la "prise de guerre"; le président des riches aurait pris un socialiste dans ses filets... et qui plus est un prétendant au trône du calife ! Beaucoup ont eu besoin du triste et scandaleux épisode du passage par la case prison du client en question sur le jeu de l'oie du capital pour commencer à voir que c'était d'abord un de ses congénères du monde bling-bling qui jongle avec les millions comme les bénéficiaires du RSA avec les retards de loyers.
La France héritière de ses révolutions fondatrices n'est pas celle des héritiers. Et quand Bernadette Chirac se réjouit de la grossesse de la "première dame de France" qui offrirait, non seulement un grand bonheur au couple présidentiel, mais au pays tout entier pour euphoriser un peu la campagne présidentielle, elle hésite à peine à penser que la chanteuse accouchera à point nommé, en plein débat présidentiel d'un dauphin du roitelet à talonnettes !
Le journal officiel de la République serait-il en passe d'être remplacé par Voici, Gala, Ici Paris, France Dimanche et Point de vue Images du monde réunis ?
L'instrumentalisation immodérée de la vie privée pour compenser la faiblesse et l'inconsistance de ses capacités à penser la chose publique autrement qu'à son propre bénéfice et des intérêts bien compris de sa caste de privilégiés figure bien aujourd'hui l'état de délabrement des démocraties occidentales prises en otages par le capitalisme financier après des décennies de souffrances à la botte du capitalisme industriel.
Comment militer utilement, penser et discuter des orientations politiques argumentées sur des bases idéologiques solides dans un tel paysage ?
Les options de la direction communiste du conseil général de l'Allier sur la mise en concession de la RCEA relèvent du même désordre que les errements dans le choix des options pour les présidentielles de 2012. Prôner la privatisation et condamner le "moins d'Etat" de la RGPP qui étrangle les collectivités et asphyxie les services publics n'est pas un exemple de cohérence. L'excuse du "pragmatisme" n'y change rien d'ailleurs.
La grande aventure du "front de gauche" a eu le mérite d'allonger toutes les dénominations identifiant celles et ceux qui s'en réclament : groupe communiste, républicain et front de gauche par exemple. Les élus qui s'en réclament se chargent de mettre les trois termes dans l'ordre qui sied le mieux à leur situation. Le prochain agiornamento devra concerner l'ANECR qui devrait avoir vocation à devenir l'ANECRFDG.
Toutes vélléités de candidature communiste aux présidentielles de 2012 balayées, resterait à savoir s'il vaut mieux se rallier au dissident socialiste séparé de corps Mélenchon qu'à une candidature socialiste issue d'une des multiples étoiles de la petite galaxie rose rebaptisée pour l'occasion "candidature commune de la gauche"...
L'objectif de la préparation élections présidentielles ne devrait pas se confondre avec celui d'une recomposition de la gauche n'ayant pour but que de conserver des positions électorales acquises ou d'en gagner plus sur des alliés potentiels que sur des adversaires caractérisés.
L'exemple de l'élection d'un candidat front de gauche dans le canton de Dompierre au dernières cantonales contre un vice président socialiste a mis, au-delà des électeurs, les communistes en situation d'arbitres dans un différent tranché au sein des socialistes.
Des bases idéologiques dans tout ça pour recaler la boussole de citoyens désorientés ?
... J'y vois pour ma part plus de co-errance que de cohérence.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire