... moins le quart !
Au dernières régionales les trois quart des jeunes n'ont pas voté !
Que va-t-il éclore de cette fracture ?
71% d'abstention chez les jeunes aux dernières européennes.
En France on estime à près de 75% le taux d'abstention chez les jeunes.
Tous les pays européens sont frappés, y compris dans les pays où le vote est obligatoire ou 10% des jeunes ne votent qu'avec leurs pieds.
L'interview d'Anne MUXEL dans l'Huma Dimanche de cette semaine est interessante à plus d'un titre sur ce point.
Elle fait l'hypothèse que les jeunes sont "politisés autrement".
Dans les mesures de ses études elle constate un phénomène d'amplification dans le comportement des jeunes qui ont suivi l'augmentation du comportement abstentionniste en en augmentant la portée.
Ce que j'avais constaté dans nos campagnes éloignées des cités des banlieues rejoint bien le propos de la chercheuse du CEVIPOF.
Le fait que les jeunes soient les victimes les plus fragiles de la crise n'est pas étranger au phénomène. La constatation d'un engagement politique plus fort chez les jeunes les plus scolarisés va de pair avec la dépolitisation inquiétante des couches les plus en difficulté de la jeunesse. La plus faible qualification, l'absence d'emploi, la précarité, toutes peines héritées parfois de plusieurs générations, peuvent s'accompagner d'une prise de conscience politique; mais son expression ne passe pas par le canal politique habituel.
La ségrégation discriminante s'enracine déjà dans l'école qui, depuis quelques décennies s'est déhumanisée au profit de dispositifs interférant entre la famille et l'institution, désaisissant l'enseignnant d'une part importante de la maîtrise de son espace professionnel et faisant des enfants des objets à traiter au même titre que les morceaux le long d'une chaine d'assemblage, avec son lot de rebuts et de malfaçons. Jusqu'à ces derniers temps introduire des policiers dans les établissements au prétexte d'y garantir la sécurité... La foultitude d'emplois précaires banalisés dans l'exercice éducatif a aussi largement écorné la professionnalité des enseignants qui ne peuvent plus se passer des diverses assistances qui leur sont proposées pour faire face aux difficultés grandissantes qu'ils rencontrent. Tout ceci au prétexte qu'il faut bien trouver un espace occupationnel resocialisant à la multitude des jeunes et des moins jeunes qui restent sur le carreau. Tous ces remèdes de charlatans n'ont rien guéri de la crise économique et sociale que nous traversons.
S'il en fallait une illustration le propos d'une petite fille qui pleure le départ en fin de contrat de l'assistante d'éducation de son école et à qui la maîtresse demandait ce qu'elle ferait quand elle serait grande... La gamine lui répondit qu'elle voulait faire comme Nathalie ! la jeune remerciée en fin de contrat partie rejoindre son Paul EMPLOI si mal nommé.
En d'autres temps la gamine aurait envisagée d'être maîtresse !
Cette banalisation de la désespérance d'une société déguenillée par la crise entretenue peut expliquer une part du décrochage civique de la jeunesse.
Mais elle ne se résume pas dans ce seul fait.
La jeunesse est aussi victime de la dissociation de l'accès au pouvoir de l'accès au savoir.
Depuis un demi siècle des progrès ont été fait pour proposer un niveau de formation plus élevé à l'ensemble des jeunes. Ce phénomène d'allongement et d'enrichissement de la formation avait d'abord été dicté par les besoins du développement capitalistique de l'économie sur le même modèle que la nécessité qui avait conduit la droite colonialiste de Jules Ferry à mettre en place l'école publique gratuite et obligatoire à la fin du siècle précédent. Que les masses s'en emparent et y voient l'opportunité de leur bien n'a rien d'étonnant. Sauf que, au bout du compte, beaucoup sortent de leur rêve avec la conscience d'avoir été berné dans un marché de dupes. La jeunesse d'aujourd'hui, bien formée et parfois surdiplomée, n'a plus de débouché dans une société où l'économie de marché n'a de cesse de délocaliser sa fabrique à profit. Quant à celle qui a été laissée sur le bord du chemin "en difficulté" comme on dit, elle a beau jeu de se consoler en disant que ce n'était même pas la peine de réussir, si c'était pour arriver au même point.
L'économie parallèle et le système D font le reste dans une société où l'individu ne fait plus société, mais où les vieux réflexes communautaires viennent polluer une vie publique de ghetto avec les ressorts religieux ou soit-disant "ethniques" dans la dérive mortifère et la réactivation du racisme et de la xénophobie.
A côté de cet usage honteux du système éducatif pour modeler une société dans laquelle la liberté n'est plus que celle du renard dans le poulailler, inégalitaire au possible et où la fraternité est canalisée dans les tirelires en carton des pièces jaunes de Bernadette de Corrèze, dans la queue des Restos du coeur ou le choeur ou de l'afficheur du compteur d'euros du Téléthon...
Ne va-t-on pas bientôt voir disparaître du fronton de nos maisons communes ces trois mots de la devise républicaine, LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE, qui ne sont plus que des mots creux ? Comme nombre de statues ornant les édifices religieux avaient fait les frais de l'ardeur révolutionnaire en son temps, la détermination du pouvoir au service du capital n'est pas moins grande au service de sa contre révolution pour casser les symboles de la République et abattre les acquis sociaux que des générations avaient construits au prix de luttes acharnées.
La foule n'est plus dans les églises mais parfois dans les stades; comment attendre de dizaines de milliers de spectateurs ébahis à l'observation de quelques professionnels du spectacle dont les gesticulations sont vendues pour du sport, et qui ne craignent pas de chanter l'hymne national à la gloire du fric qu'ils ramassent à la pelle, qu'elle soient politiquement actives pour le progrès social ?
Valeurs républicaines ? vous avez dit "valeurs" ? Dans l'ère Sarkozy elle ne sont plus que boursières !
A force d'être pris par l'urgence, condamnés au présent, privés de perspectives, les peuples peinent à saisir les ressorts du mal qu'on leur fait. Il n'est pas paradoxal que les leçons de lucidité et d'engagement progressistes nous viennent d'Amérique latine et pafois d'Afrique.
L'espoir reste permis si les élus politiques ne jouent pas sur le même terrain que les footballeurs de D1.
En démocratie, les citoyens, jeunes ou moins jeunes, n'ont pas vocation à rester spectateurs en tribune, à hurler le nez dans le grillage ou à faire la navette entre la buvette et la main-courante, la politique ne se joue pas que les jours d'élection.
Réconcilier les jeunes et la politique, c'est aussi une affaire de génération, de vouloir partager, de pouvoir partagé...
A suivre, ce sera l'objet d'un prochain article sur le thème de la république des sénateurs.
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