mardi 13 avril 2010

Ambition d’un parti, ou parti d’ambitions ?


A propos de l'interview de Pierre LAURENT dans l'Humanité du 12 avril titrant :
« Le débat des retraites est un enjeu majeur »

Au moment où s'ouvre le dossier des retraites, Pierre Laurent, coordinateur national du PCF, estime que le Front de gauche doit « se déployer sur le terrain social » pour faire reculer le gouvernement.

Où en est le « Front de gauche d'action et de projets » que vous proposez, au moment où s'ouvre le dossier de la réforme des retraites  ?
Pierre Laurent.
Le débat sur les retraites est un choix de société majeur. Quoi qu'il en dise, Nicolas Sarkozy envisage de passer en force. On voit en ce moment comment il refuse toute négociation avec les cheminots en lutte. Il faut donc s'appuyer sur le rapport de forces nouveau sorti des élections régionales. Pour la première fois depuis 2007, la droite est réellement sonnée. Cela ouvre des opportunités nouvelles pour faire reculer le gouvernement. Déployer la stratégie du Front de gauche sur le terrain social en rassemblant sur des alternatives est pour l'heure la priorité. Nous devons notamment réussir un très grand 1er mai social et politique.

Mais n'est-on pas encore loin d'un front majoritaire à gauche sur les alternatives à proposer  ?
Pierre Laurent.
C'est pour cette raison que nous appelons à une nouvelle phase du Front de gauche qui fasse émerger les grands repères d'une alternative politique, qui permette aux acteurs des mobilisations sociales d'en être partie prenante, qui permette aussi un réengagement populaire dans la politique. Nous entrons dans une nouvelle séquence dominée par deux questions  : battre Sarkozy, et se donner les moyens d'ouvrir une nouvelle ère politique. Ça commence maintenant.

Des impatiences s'expriment dans le Front de gauche sur la désignation d'un candidat à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon voulant « obliger les communistes à trancher 
à leur congrès »…
Pierre Laurent.
Il ne s'agit pas de ralentir la cadence, mais de savoir par quoi on commence. Nous pensons que nous devons commencer par travailler à élargir le nombre de celles et ceux qui s'engagent dans le Front de gauche, et par mener un gigantesque travail sur le projet dont devra se doter une nouvelle majorité. Le temps viendra de savoir qui devra porter ce projet à la présidentielle. Lors de son congrès de juin, le PCF va approfondir ce débat. Le rassemblement sera fort s'il est construit autour d'un projet partagé, pas s'il est conçu comme un ralliement à tel ou tel candidat.

Des membres du PCF 
ont annoncé leur départ 
du parti ou de sa direction, 
lui reprochant de rester 
dans une stratégie « étriquée » de « cartel » d'organisations. Qu'en pensez-vous  ?
Pierre Laurent.
Le débat sur les prolongements à donner au Front de gauche est normal. Les étapes franchies sont précieuses et très prometteuses. En même temps, je pense moi-même que nous devons en dépasser certaines limites pour ne pas en rester, justement, à un cartel, qui n'a jamais été sa vocation. Le congrès de juin du PCF doit permettre de procéder à cette évaluation collective et de prendre les initiatives pour de nouveaux déploiements. Nous devons pour les mêmes raisons accélérer les transformations du PCF que nous avons décidées, et notre congrès de juin doit en donner le signal fort. Je dis aux camarades qui sont tentés par le départ  : votre place est dans ce débat. Ce n'est pas le moment de nous quitter. Je note d'ailleurs qu'au même moment beaucoup d'autres nous rejoignent ou reviennent parce qu'ils ont envie de s'engager avec nous.
Entretien réalisé par Sébastien Crépel
La fonction (mission) de coordinateur de Pierre Laurent s'applique sur quel objet ? S'agit-il d'organiser le travail, d'arranger différentes interventions des différentes composantes du parti émietté dont il ambitionne la direction ? … ou de réunir les conditions du sursaut politique d'un parti en déclin ?




Plutôt qu'un petit exercice de « parole verbale », les communistes seraient en droit d'attendre de leur direction nationale quelques orientations nettes et documentées.
Le débat sur la retraite : on sait que c'est un choix de société (quel est donc le nôtre ?), on sait que Sarkozy veut passer coûte que coûte (comment et sur quel mot d'ordre mobilise-t-on sans attendre ?), le rapport de force sorti des régionales est-il un point d'appui pour les luttes ? L'explosion de l'abstention, la prééminence du PS, le score timide du front de gauche avec deux fois moins d'élus communistes qu'en 2004 et le grand désordre de l'offre politique des communistes dans les régions ne me semblent pas constituer les fondations solides dont le mouvement populaire a besoin pour inquiéter la droite au pouvoir et réorienter le social libéralisme d'un PS à la Strauss Kahn.
Faire « émerger les grands repères d'une alternative politique, qui permette aux acteurs des mobilisations sociales d'en être partie prenante, qui permette aussi un réengagement populaire dans la politique… » ; mais quels repères ? Se dire aujourd'hui qu'ils vont se dessiner dans l'alchimie d'un rassemblement hétéroclite comme on sait bien le faire depuis quelques années (cf. antilibéraux…) relève de l'illusion. Parler de rassemblement sans cadre idéologique mobilisateur ne fait que du consensus mou et préfigure la déception de toutes les parties qui pensaient en s'engageant faire triompher les idées qu'ils n'affichaient pas (cf. ambitions 2012 de Mélenchon dans le « front de gauche »).
Le slogan « battre Sarkozy » renvoie à la perspective 2012 et enferme l'organisation dans le débat électoral permanent. Les français sont-ils préoccupés aujourd'hui de la désignation d'un candidat « front de gauche » susceptible d'être élu président dans deux ans, de servir de caution à la gauche molle, ou promis à la relégation en quatrième division loin derrière les écolos et les fachos ?... Une des causes de l'abstention est justement là, dans cette effacement du débat politique au profit des petits arrangements et des grands jeux électoraux, à commencer par l'aventure des candidatures, quadrature du cercle depuis longtemps résolue dans notre parti où il faut, pour les communistes, d'abord être élu pour être candidat avant d'être candidat pour envisager d'être élu. Cette équation prend d'autant plus d'importance que nous avons moins d'élus, ce qui valide cette stratégie dans une logique de préservation.
C'est aussi la même illogique qui préside à la vie du parti engagé dans une forme de régression informelle appuyée l'éloge de la diversité. La richesse de la diversité ne peut exister que dans sa mise en cohérence, jamais dans l'exercice incontrôlé de la concurrence de courants divergents.
Mobiliser de nouvelles forces et/ou faire de nouveaux adhérents (au PCF ou au « front de gauche » ?) et se doter d'un projet partagé… approfondir le débat… ça manque quand même sacrément de contenu pour donner envie !
Le « congrès d'étape » de juin dont l'existence est essentiellement calée sur le remplacement de Marie-George BUFFET à la direction nationale par Pierre LAURENT peut-il être le lieu et le moment du débat d'idées déterminant des axes d'un projet mobilisateur à gauche ? Avec une préparation bâclée en quelques semaines, à peine sortis des régionales, déjà dans les cantonales et avec les présidentielles en point de mire, comment les communistes peuvent-ils échapper à la dictature de la stratégie et de la tactique électorale (front de gauche) sur le ré enrichissement idéologique de leur ligne politique ?
Le risque est grand qu'en brandissant le hochet « front de gauche » comme suffisant à la propagation du bruit de la prochaine défaite de la droite on ne fasse que renforcer le courant réformiste du PS comme aux dernières régionales.
C'est d'une autre ambition que les communistes ont besoin ; moteur de rassemblement, oui comme ils l'ont toujours été dans les moments cruciaux de notre histoire, mais pourquoi, pour aller où et faire quoi, avec qui ?
Quant aux départs annoncés de « grands noms » parisiens du PCF les communistes méritent des explications claires sur les positions des uns et des autres. Il n'est ni juste ni bon de se contenter de confondre Patrick Braouezec et Lucien Sève dans le même « votre place est dans ce débat ». Tout comme il est problématique d'entretenir nombre d'organisations parallèles dans lesquelles les divergences s'organisent et se confortent, (voir l'ANECR par exemple qui, sous couvert de la légitimité des élus conserverait celles et ceux qui quitteraient l'organisation du parti tout en accueillant celles et ceux qui ont toujours refusé d'y adhérer).
Il nous faut des idées pour nourrir notre idéal et le faire partager.

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