samedi 3 avril 2010

La sciure et les copeaux


Toutes les buches savent qu'il y a plusieurs façons de se faire scier, plus ou moins nobles, plus ou moins douloureuses.
Le scieur de long rêve à la charpente cachée sous la couverture du bel édifice pour bien la supporter. Il sait déjà qu'elle changera plusieurs fois d'ardoise ou de tuile avant de s'inquiéter du bois qui les porte. Il a laissé de côté toutes les pièces trop fines ou par trop tordues pour jeter son dévolu sur le fût bien droit et de belle longueur qui va lui permettre de tirer la poutre maîtresse, pannes et chevrons, liteaux et chanlats ou voliges. Il a laissé de côté l'écorce et le bois blanc, d'apparence fragile, superficielle et trop jeune pour remettre au jour la solidité du cœur. En préservant la structure longue des fibres il en préserve aussi une forme de souplesse garante de la solidité de l'assemblage. Jusqu'à la cheville taillée dans le fil du bois, tout n'est que respect et mise en valeur.

L'hiver s'annonçant rude, il va falloir faire provision de bon bois de chauffage. Alors là, point tant de précautions ; c'est la taille de la bûche qui compte, qu'elle garnisse bien le foyer, ni trop longue ni trop courte, et de belle grosseur pour bien tenir le feu. Il faudra fendre les plus grosses sans oublier d'en faire de plus fines pour activer le feu vif sous l'omelette. L'arbre ne s'y reconnait plus, tronçonné à petits bouts, bouts jetés en désordre, les plus gros tronçons fendus, les échardes vengent parfois du massacre ! Mais après tout, qu'importe, tout ça doit bien finir en cendres et en fumée au sortir du foyer.

Et puis il y a l'artiste… celui qui va sélectionner le morceau qu'il sent bien, le bon morceau n'est pas forcément le plus beau ! Il sent l'intérieur du bois pour bien passer de la futaie à la futaille ! Et de chêne en billon, de billon en quartiers, de quartiers en merrains, du merrain à la douelle, et des douelles au tonneau, le vin se fait déjà, il attend, il s'échauffe, il bouillonne, pour enfin pressuré, aller se reposer et murir à l'ombre du grand chêne. Il avait l'ossature de sa terre, il s'anoblit du goût subtil et de la couleur du bois.

De cette fable en politique il ne reste aujourd'hui que la langue, de bois.

Depuis longtemps déjà les « maîtres du monde » on trouvé si dur le travail forestier, bucheron, débardeurs ou scieurs de long, charpentiers, merrandiers ou marqueteurs, au point qu'ils en oublient celles et ceux qui leur sont bien utiles pour mettre à l'abri bien au chaud leur dégustation bavarde d'un bon vin.

Le déficit démocratique creuse aujourd'hui un gouffre se sous les pieds des politiques. C'est une issue dramatique de la crise dans toutes ses dimensions. Tout n'est plus que placage et triste aggloméré; quant aux assemblage, n'en parlons pas, tenons et mortaises chevillés sont depuis logtemps oubliés. Il suffit d'approcher deux morceaux de bois brut à peine équarris, un bout de tôle et trois clous font le reste. C'est la nouvelle mode des alliances.

La crise sociale a rétabli et aggravé une ségrégation que l'école de la République avait atténuée sans l'éradiquer pour autant. Selon qu'un enfant nait dans la famille RSA ou dans la famille CAC 40 son avenir est maintenant scellé avant même les premières contractions de la mère accouchant. L'un sera président de l'EPAD et l'autre fera l'aumône au pied des tours.
La crise économique a rétabli et aggravé une discrimination que les trente glorieuses de prospérité avaient adoucie il y a un demi-siècle. Aujourd'hui de Fauchon à Lidl, des bijouteries de la Place Vendôme aux bijoux quincaille des comptoirs de la Poste, la consommation stigmatise comme jamais celui qui est si loin du ciel à en oublier qu'il existe.
La crise morale a rétabli et aggravé les dérives communautaristes qui minent la société à en faire oublier les valeurs de la République. Les religions polluent la vie publique jusqu'à mobiliser les législateurs à tout moment, instrumentalisant le débat public.

Si les politiques d'aujourd'hui ne sont plus que les gestionnaires obéissants d'un pouvoir central autoritaire, s'ils sont plus ou moins confusément conscients du déficit démocratique de leur exercice au point de quémander la participation citoyenne quand plus de la moitié des électeurs boudent les urnes, alors c'est au peuple en lui-même de trouver la ressource nécessaire à son sursaut, comme dans toutes les phases révolutionnaires de l'histoire.
Même débandés par la célébration unanime du consensus, les ressorts idéologiques du sursaut démocratique existent encore. Reste à les activer.

1 commentaire:

depoilenpolitique a dit…

Voilà expliquer avec tes mots ou l'on devine l'homme intellectuel , ce que je dénonce depuis des années. Cette débandade démocratique , face au tout économique nous mènent ,et cela , à coup sûr, vers un processus insurrectionnel. Le PCF n'est pas organisé , voir pas conscient , hormis les militants de terrains qui ne sont plus écoutés pire ignorés , ainsi s'en vont les meilleurs pour se réfugier dans le mutisme et la souffrance ; pourtant c'est la seule organisation politique capable de construire un avenir en osmose avec le peuple travailleur , ce que je dit là relève certainement de l'utopie : en attendant le peuple souffre , la vie inhumaine qui est infligée aux plus humbles prépare des lendemains insurrectionnels , à nous d'en faire un moyen de s'approcher de la réelle justice sociale et d'un autre régime ou l'Homme sera au centre de toute action , au centre de toutes préoccupation , au centre de la VIE politique . Les autres guignols de foire ne sont là que pour faire carrière politique .