lundi 1 octobre 2012

co-errance

Si les montres se montrent, l'indécente opulence d'une petite minorité insulte la misère qui gangrène notre société et au-delà de nos frontières tous les peuples du monde.
Le hasard m'a mis entre les mains un numéro de l'Express de fin septembre dans le même temps où je lisais un papier de l'AFP sur les ministres  du gouvernement Ayrault assujettis à l'ISF.
La première double page de pub de l'express vous met tout de suite au parfum, la J12 chromatic de Chanel en céramique de titane, 366 diamants pour l'ornement, et un polissage à la poudre de diamant qui donne son éclat unique à cette montre... Trop polie pour être honnête !
Quelques pages plus loin c'est Longines, puis Tissot -le choix de Tony Parker - Basketteur professionnel -, à moins de 1000 euros, on est presque dans le jetable ! Plus tout à fait, un peu plus loin, avec IWC dont on apprend 90 pages plus tard qu'on peut se les offrir à la boutique qui fait "le choix du chic et de la sobriété" avec des modèles à neuf, douze ou seize mille euros, bracelet en cuir vieilli compris ("comme le jean, mais en plus chic!"sic).
La fortune se montre en montres au poignet tout comme le service aux intérêts de la fortune dans les pages de cet hebdomadaire qui va nous faire croiser Hollande en fils spirituel de Jacques Delors, les conseils éclairés du Medef au président, les dangers de la connivence social-libérale de la CFDT et du pouvoir en place, Minc, Tapîe, Fillon et le scénario du retour de Sarkozy. La boucle est bouclée.
Pour les amis du fric, l'épisode actuel, en simple soupape de sécurité est bien conforme au scénario ; comme en Grèce, en Espagne ou en Allemagne, les socio-démocrates gèrent efficacement la récréation de crise pendant que la droite disqualifiée par la brutalité de sa gestion se remet en ordre de marche pour reprendre la main une fois le sale boulot accompli.
François Hollande a moins trompé son monde que Mitterrand en son temps, auquel il avait fallu plus de 18 mois pour prendre le virage libéral de 83 et tourner le dos à l'espoir de 81. Le slogan présidentiel "le changement c'est maintenant" prend tout son sens aujourd'hui : le changement, c'était le temps de l'élection, et maintenant n'est plus hier, sitôt l'élection passée et avec la préparation du premier budget de l'exercice, le voile est levé dès lors qu'il s'agit de "rassurer les marchés", de s'attaquer à la dette à coup de politique austéritaire, pire encore avec le TSCG qui va unir au parlement les voix socialistes et celles de l'UMP...
Mais  nous ne sommes pas au bout de nos peines pour deux raisons au moins.
La première occupe une bonne page de chronique dans ma lecture accidentelle de l'Express où la journaliste explique comment le système éducatif français pousse à la méfiance à l'égard des entreprises, au point même, suprême outrage, de voir Jacques Généreux (économiste "colistier de Jean-Luc Mélenchon) être cité dans un manuel de terminale présentant la théorie libérale !!!
C'est pour quand le bûcher pour ces auteurs iconoclastes et l'autodafé pour leurs ouvrages impies ?
Une petite visite sur le site de l'IREF (un think tank d'inspiration libérale, dixit l'Express qui s'empresse d'en communiquer les études) et sur la page de l'Express bien mal scannée par l'IREF ne manquent pas de montrer à quel point la droite balayée par le courant d'air rose du printemps dernier, non contente de programmer son retour aux affaires à la prochaine occasion, s'emploie à encadrer les orientations gouvernementales d'une gauche guimauve peu résistante aux pressions libérales.

La solution dans tout ça ?

Le Front de gauche ? Pourquoi pas ? Pourquoi pas sûr ?



L'épisode historique que nous vivons à l'échelle du siècle et de la planète peut s'apparenter à d'autres grands moments de crise qu'il est bon de revisiter.
Le 20ème siècle a au moins apporté la preuve de deux échecs du socialisme eu-égard aux idées développées par ses premiers penseurs. La déchirure de Tours en décembre 1920 avait libéré les forces faibles de la social-démocratie pour les attacher durablement au rôle de roue de secours du capital, ses seules vertus n'étant arrachées qu'à force de poussées populaires ou de passages obligés. L'exercice plus prometteur du socialisme expérimenté en Europe de l'Est ne survivra pas à son siècle dans une terrible dérive antidémocratique. Les débats d'aujourd'hui ne sont pas indifférents de ceux qui animaient la gauche au début du siècle dernier. Et la construction d'une force politique capable de mobilisation populaire autour d'un projet de société humaniste reste à faire dans la différenciation des forces émiettées derrière une litanie de chefaillons dont l'ambition tient lieu de programme.
Le Parti Communiste restait comme un élément des fondations dont la consolidation était nécessaire à la construction nouvelle. Son effacement dans la mouvance incertaine du Front de Gauche obère cette perspective. Comme en Allemagne, en Italie ou en Espagne avec la montée de mouvements contestataires d'ampleur sous divers titres, l'indignation française fédérée par le Front de Gauche sert tout au plus d'exutoire compatible avec le système bipolaire installé durablement par Jospin dans son inversion du calendrier électoral. Tout se passe comme si, à côté du jeu politique de la grande scène où s'écharpent les guignols de gauche et de droite, on offrait une aire de jeu à ceux que le spectacle a lassés. Les Etats Unis connaissent depuis longtemps cette désaffection du politique et nous nous offusquons souvent aussi de la progression de l'abstentionnisme.
Des assemblages privilégiant la diversité des approches et conduisant à des consensus à minima comme le Front de Gauche en propose ne font que les seconds rôles, faire-valoir en repoussoir des protagonistes de premier plan.
Le fait que de nombreux élus communistes, désormais étiquetés "front de gauche" soient engagés dans l'exercice de la gestion contrainte par les orientations politiques d'une droite qu'ils contestent ou d'une social-démocratie partenaire ne favorise pas non plus l'émergence de la force nouvelle capable de rassembler sur des orientations idéologiques claires et mobilisatrices.
Il est maintenant assez probable qu'il faille passer par un nouveau Congrès de Tours pour différencier une nouvelle voie révolutionnaire seule capable de porter l'espoir d'un changement réel et durable à l'échelle du pays comme à celle du monde. La dénomination communiste n'a rien d'obsolète dans cette perspective et peut encore servir.

Juste histoire de mettre les pendules à l'heure et un peu de cohérence entre l'idée et l'action.


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