"Sera-t-il ouvert à « toute personne inscrite sur les listes électorales », comme l’a déclaré le député de Saône-et-Loire, ou aux seuls militants PS ? La question reste posée."
Telle est la question reprise dans l'article de l'Huma qui évoque l'accord des dirigeants du PS pour l'organisation de leurs "primaires" préalables aux présidentielles de 2012.
Cette question me suggère trois remarques.
Le phénomène "primaires" en soi met en lumière la faiblesse des organisations politiques en partis. Outre la dérive américaine qu'il illustre, il ne me semble pas qu'il s'agisse ici d'un progrès de la démocratie, mais plutôt d'un stigmate des affres que la démocratie représentative souffre sous les coups du pouvoir en place en France comme en de nombreux endroits du monde.
Les partis politiques ne sont plus que marionnettes dont les fils sont aux mains d'une forme d'aristocratie politique, parvenue ou auto proclamée. Le pouvoir est au bont du fil, et Sarkozy s'est fabriquée sa machine UMP comme Mitterrand s'était façonné le PS. Si un parti n'est pas capable de désigner en son sein un candidat convenant à l'échéance électorale, c'est d'abord parce qu'il n'est plus en capacité d'arbitrer dans le bal des egos. Les candidats à la candidature sont autant de "repreneurs" potentiels dans une bonne logique de marché, de concurrence peut-être libre mais pas nécessairement "non faussée".
Un parti -comme acteur de la vie politique reconnu dans nos constitutions républicaines", s'il émane vraiment de ses adhérents doit être en capacité de proposer les candidatures adéquates à chaque scrutin. Avec les "primaires" on entre dans la logique interne d'instrumentalisation des tendances en "clubs de supporters" et on s'éloigne du débat d'idées pour un focus sur les personnalités.
C'est ainsi que Sarkozy a choisi de prédésigner son concurrent de 2012 en installant Strauss Kahn au FMI... Sondages à l'appui, les primaires faisant le reste, le PS va se féliciter d'avoir un candidat majuscule, bien rôdé au tutoiement des grands de ce monde, oubliant tout de go qu'il gagne ses galons de grand candidat dans l'exercice peu glorieux de petit soldat du capitalisme punissant tout à loisir des peuples du sud hier, les Grecs aujourd'hui, les Portugais demain...
Les "primaires" constituent un faux premier tour et la question de l'ouverture du choix du candidat aux adhérents d'un parti ou à tout un chacun ne manque pas de poser un problème de légitimité.
De quel droit un adhérent peut-il être appelé à statuer sur un choix de candidat de son organisation à une élection ? il est bien naturel que le débat interne débouche sur ce choix et le fonctionnement ordinaire des instances d'un parti devrait naturellement conduire à cette désignation. Si le besoin d'une forme de confirmation par un vote des adhérents intervient c'est au mieux le signe d'un souci légitime de transparence ou moins glorieux l'aveu d'une incapacité à décider d'une candidature problématique. En tout état de cause, tout adhérent peut légitimement se prévaloir d'un droit à participer à la désignation du candidat présenté par son organisation. Les choses sont moins claires dès lors qu'il ne s'agit plus d'une candidature "présentée", mais "soutenue". Dans le second cas l'organisation est accessoire et s'exonère du premier acte du choix renvoyé à la personne dans un processus d'autoproclamation ou à l'opinion par sondage ou consultation.
De quel droit un non-adhérent peut-il être appelé à statuer sur un choix de candidat d'une organisation à une élection ?
Sauf à considérer que le processus électoral doit s'enfermer dans le modèle qui se développe depuis quelques décennies du "vote contre" assorti de l'abstention massive, le jeu d'influence de l'adversaire sur le choix de son concurrent ne figure pas le degré ultime de la morale politique. Chacun est bien tenté de s'imaginer gagnant face au plus mauvais candidat du camp adverse; mais s'imaginer vainqueur autrement que par le rassemblement majoritaire sur ses idées et propositions associées relève plus de la manipulation et de la démagogie que de l'exercice démocratique du choix citoyen.
La démocratie commande de respecter le choix des autres; et pour ça la différenciation des choix, du mien comme de celui des autres doit être respectée.
Je ne veux pas, et donc je ne peux pas participer au choix de la droite pour déterminer qui de Sarkozy, De Villepin, Bayrou, Domenech ou Laporte serait son meilleur candidat en 2012.
Je ne veux pas, et donc je ne peux pas participer au choix des socialistes pour décider qui de Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, Bernard Tapie ou Lionel Jospin, l'écrivain Erik Orsenna ou le comédien Philippe Torreton, serait leur meilleur candidat. Sauf si je m'enfermais dans l'idée que ce serait mon candidat obligé du second tour ! Et je ne me résous pas à l'idée qu'un communiste soit condamné pour l'éternité à servir de marchepied aux tenants d'une gauche au petit pied, certains de l'éternité de son hégémonie, allant de compromis en compromissions, satisfait d'un passage chez le teinturier pour conserver le capital au chaud de sa redingotte rose.
Deux fois non, mais aussi deux fois oui !
Oui, j'ai envie que mon courant de pensée et mon parti figure dans l'offre politique faite aux citoyens de mon pays, y compris à l'élection présidentielle dont je pense qu'elle ne sert pas la démocratie en donnant l'illusion qu'un homme ou une femme puisse s'approprier le pouvoir au bénéfice de tous.
Oui, mais c'est pour plus tard, beaucoup plus tard même si c'est après-demain, je souhaite une gauche unie sur assez de valeurs communes et de perspectives progressistes pour que toutes ses composantes s'accordent sur une candidature commune. Commune et non pas unique ! car l'unique ne s'affranchit pas de son origine dans laquelle il résout le pluralisme.
La communauté de candidature exige que chacun reconnaisse en l'autre une partie suffisante de soi pour que la différence soit l'accessoire enrichissant. Il reste beaucoup à faire pour la situation soit avancée à ce point à gauche en général, et même au sein du "front de gauche" qui balbutie encore sa portée politique.
Primaires : NON, tout simplement !
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