mercredi 9 février 2011

du capital aux capitaux

NON !
Il est banal de dire aujourd'hui que le monde tel qu'il est gouverné par les puissances capitalistes n'est considéré que par le prisme du profit, de l'accumulation des richesses accaparées par quelques une au détriment du plus grand nombre.
Banalité n'est pas fatalité, et Moralès, Chavez et quelques autres ont fait craquer le carcan capitaliste en Amérique du Sud. Aujourd'hui des peuples du nord de l'Afrique se réveillent plus libres et gourmands de démocratie.
MAM en Tunisie et Fillon en Egypte ont profité de leurs dernières vacances pour s'envoler dans les avions de dictateurs finissants pour s'épargner la rage libératrice des peuples qui se soulevaient, les pieds sur terre.
La crise que le monde traverse, sans cesse invoquée pour serrer un peu plus la ceinture des peuples, n'a rien de conjoncturelle, elle est consubstantielle des politiques libérales menées à l'échelle de la planète par les Etats-Unis et leurs petits valets, d'Europe ou d'ailleurs.
En observant le monde on peut facilement identifier trois couches de richesses. Leur connaissance t leur exploitation caractérisent assez bien les politiques lorsqu'on veut aller au-delà d'une vision simpliste et manichéiste de la droite et de la gauche, des conservateurs et des progressistes.

La couche la plus profonde, la plus importante sans doute puisqu'elle va servir de substrat au développement des couches supérieures est constituée des richesses naturelles.
Ce capital naturel est fait de ce que la nature nous offre en terme de ressources, de l'eau, du bois, des minéraux et des métaux, d'une nourriture primaire, et d'énergies naturelles. Elle est aussi faite du système d'interactions, d'une forme de service mutuel et coopératif que l'on retrouve avec le cycle de l'eau, la fonction chlorophyllienne, la fertilisation des sols... Tout ça sans oublier le côté esthétique avec les beautés naturelles offerte à la contemplation et à la satisfaction des sens, de l'arc-en-ciel, aux montagnes vertigineuses ou au calme plat des plages, du chant des oiseaux au chuchotis d'une source ou aux éclats des cascades. La terre, ça vit déjà et c'est une richesse à connaître, à reconnaître, pour mieux en profiter, mais aussi pour mieux la protéger pour en assurer  la pérennité.
La couche intermédiaire est faite des hommes et des femmes, d'une humanité agissante et organisée en sociétés. Ce que d'aucuns compte comme du capital humain est fait de l'éducation des hommes et des femmes, de leurs capacités et de leurs compétences, de leur bonne santé propice au bon exercice de leurs activités, Ce capital humain ne serait rien sans la mise en action des systèmes d'interactions qui font dépasser le stade des individus pour les construire en société. 
"L'homme est un animal social" disait Aristote, quatre siècles avant notre ère.  Pour avoir inspiré aussi bien Marx qu'Annah Arendt, le philosophe grec expliquait merveilleusement bien les articulations de la pensée, de l'action et du savoir-faire, de l'homme atome de la molécule sociale.
De la famille au voisinage, de la communauté à l'état, les interactions sociales forment aussi un capital humain que l'on peut décrire au travers des règles qui en émanent pour former le système normatif régulateur du fonctionnement social. Dans cette couche de l'humain social, l'injonction paradoxale de la conservation de l'état et du progrès fait que tout se joue à la limite de la transgression. La règle établie assure la conservation de l'état, mais l'exploration transgressive de nouvelles pistes préfigure les nouvelles règles que la société s'accordera pour progresser. Des exemples comme la légalisation de l'interruption de grossesse hier, le débat sur l'euthanasie aujourd'hui, et beaucoup d'autres montrent bien que le "capital humain", tout comme le "capital naturel" est une chose bien vivante. Cette richesse là est aujourd'hui aussi en danger que l'équilibre naturel de la planète quand on constate chaque jour les ruptures de liens sociaux, le détricotage social qui conduit au repli communautaire et à l'individualisme. Tout comme les grands prédateurs des savanes africaines effarouchent les troupeaux pour mieux en isoler leurs victimes, les grands prédateurs du capitalisme effarouchent aujourd'hui les société pour en isoler les plus fragiles, leurs premières victimes nécessairement stigmatisés aux yeux du reste du troupeau qui se reforme en oubliant qu'il a perdu quelques uns des siens. C'est la longue litanie des "sans" qui vont faire la queue aux restos du coeur, à Pôle emploi ou qui montent dans les camionnettes du SAMU social en maraude les nuits d'hiver.
La couche superficielle, au sommet de la pyramide, résulte généralement de l'activité humaine. Toute l'histoire de l'humanité est jalonnée de ces productions nouvelles issues des interactions entre les deux couches sousjacentes de l'espace naturel et de l'humanité qui l'habite. Les hommes créent, mais rarement à partir de rien dès qu'on met l'activité intellectuelle au service des activités pratiques. Depuis la nuit des temps le jeu conçu à sens unique voudrait que les hommes puisent dans les ressources naturelles, les exploitent, les combinent pour produire et la longue sédimentation des inventions nous a fait passer du portage au traineau, à la roue et au micropreocesseur informatique... Le fardier de Cugnot préfigurait aussi bien le TGV que la voiturette électrique. L'invention, le progrès diront certains, nait bien dans l'esprit d'un homme; mais il n'y germe que dans la nécessité de la pression sociale qui doit résoudre le problème d'une limite. Dans le cas du fardier de Cugnot, il s'agissait de transporter mieux, plus vite et plus lourds, les canons de la guerre. C'est dans cette couche de la production des hommes que peut s'incarner le capital précurseur du capitalisme. La production est bien une richesse nouvelle, un nouvel objet d'accumulation. En cela elle préfigure une nouvelle richesse pour peu qu'elle soit considérée comme une ressource. Les infrastructures construites par les hommes font partie de ce capital, routes, voies ferrées ou navigables, réseaux de tous ordres constituent un capital pour la société qui les édifient. Tous les équipements, les bâtiments et ce qu'ils abritent, les machines et leur potentiel de fabrication, constituent une forme de richesse, un capital produit.
Là où le dérèglement du système est générateur de problèmes, dans ce que les maîtres appellent des crises et les esclaves leurs souffrances, c'est que la production de richesse est déconnectée de ses ressources. Qu'il s'agisse du pillage des ressources naturelles (énergies fossiles, sur pêche...) ou du découplage des termes de l'échanges au profit du client et au détriment du fournisseur au début de la chaîne puis au profit du fournisseur et au détriment du client en fin de chaîne, les mécanismes qui régissent aujourd'hui l'accumulation capitalistique ne sont plus contrôlables par les hommes en société. Les échanges boursiers ont besoin du secours des machines pour anticiper et donc produire des échanges générateurs de richesses artificielles puisqu'elles ne portent que sur des jeux de valeurs. Un peu comme sur le vieux modèle dégénératif de la consanguinité dans les grandes familles de la noblesse, le capital produit aujourd'hui échappe à l'activité des hommes. Cette seule constatation justifierait à elle seule l'indécence des rémunérations des vedettes de tous ordres, des sportifs aux traders, en passant par les grands patrons "parce qu'ils le valent bien !", comme dirait une pub célèbre et sulfureuse.
Au siècle dernier les mineurs pouvaient avoir la fierté de leur charbon, les cheminots de leurs trains, les paysans de leur blé ou de leur cheptel, les artisans de leur fabrication... La conscience ouvrière, héritière des consciences paysannes, a nourrit la conscience de classes et la prise de conscience de l'accaparement capitaliste. L'histoire sociale est émaillée d'autant d'éruptions qu'il a fallu de fois élever des digues pour contenir la violence des exploiteurs. 
S'il faut encore se lever aujourd'hui pour faire face au mêmes appétits rapaces, celui des maîtres de forges ou des fermiers généraux a laissé la place à celui plus sophistiqué des financiers de tous ordres, de la banque ou de l'assurance qui pensent toujours diriger le monde et la destinée des hommes de la terrasse du troisième étage de la pyramide.
Hier j'entendais dire que le propriétaire des terres que mon grand-père exploitait en métayage vivait du rapport des intérêts du placement des intérêts de sa fortune. L'injustice est-elle moins grande aujourd'hui ?
Les peuples de Tunisie ou d'Egypte ont secoué les grilles de leur prison politique, économique et sociale.
Certains réhabilite le terme de "révolution" pour en parler...
N'y a-t-il pas là une petite graine d'espoir pour une réappropriation collective de la richesse dans une recomposition sociale urgente. 
La France avait su faire dans la dramatique urgence de la guerre avec le leg de la Résistance au milieu du siècle dernier. Ce qui va venir n'en sera pas la copie, mais la nécessaire reprogrammation.

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