dimanche 1 février 2015

C'est capital !

Il est capital de comprendre le fonctionnement du capitalisme pour ceux qui en profitent comme pour ceux, beaucoup plus nombreux, qui en souffrent.
La grande ritournelle des libéraux qui nous gouvernent, prétendument de gauche ou assumant fièrement leur allégeance au monde de la finance qui les chouchoute à droite, ce serait que le pays est à sec, plus un radis, les poches à l'envers...
Baliverne que cette prétention à planquer la fortune des uns sous la misère des autres.
Chaque année à date fixe il est fait état de la rémunération des actionnaires du CAC40 et des grands patrons ; les chiffres de cette occasion sont d'un autre registre que ceux de l'actualisation des pensions de retraite, des minimas sociaux ou des salaires... sans compter que les pourcentages ne s'appliquent pas aux mêmes bases, les uns pouvant envisager de se payer une ou deux baguettes de pain quand les autres comptent en Ferrari.
La richesse produite dans le pays, nonobstant la crise et les délocalisations ne cesse de progresser. Et en fait tout se passe comme si la volonté première dans la gouvernance capitaliste des pays et du monde ne consiste qu'à s'accaparer une part plus grosse du gâteau au détriment du plus grand nombre.
Les chiffres chuchotent parfois à celui qui tend l'oreille.
La hausse continue de la part salariale dans la distribution de la richesse produite débouche sur un renversement de tendance au début des années 80, le revirement du gouvernement Mauroy en 83 en est la marque. Ensuite la diminution rapide de la part salariale en moins de 10 ans la fera retomber en deçà de ce qu'elle était au début des années 70. A cette chute brutale suivra une longue période de baisse ralentie.


La hausse de la part salariale dans toute la phase dite des Trente glorieuses" alimente le moteur de la croissance par la consommation  à partir d'une situation de départ après-guerre de grande difficulté mais qui a permis :
  • la reconstruction économique de pays largement dévastés par la guerre
  • le retour vers une situation de plein emploi dans la grande majorité des pays
  • une croissance forte au taux annuel moyen de 5%
  • une expansion démographique importante
La crise  pétrolière du début des années 70 et la décision de Giscard d'Estaing de donner aux banques le privilège d'endetter l'Etats sont deux éléments d'un vaste dispositif destiné à enrayer la progression de la part salariale dans la redistribution de la richesse créée. Le point d'orgue du dispositif sera acté dans le revirement politique du gouvernement Mauroy en 1983 qui redonne la main au capital en désindexant.

Les deux grandes périodes sont caractérisées par des changements radicaux au niveau des entreprises et du monde économique, de l'Etat et du monde politique et du corps social.
Du côté des entreprises on passe d'un management industriel ou commercial professionnel orienté produit ou service à un pilotage exclusivement calé sur des critères financiers de rentabilité à 2 chiffres, fonds de pensions et spéculation boursière à gogo....
Du côté de l'Etat on passe d'une forte maîtrise publique de l'économie et des banques à un désengagement de l'Etat sur les vagues de la décentralisation, privatisations et casse des services publics gentiment remisés dans l'appellation "services au public" assurés par une myriade d'opportunistes du secteur public ou du monde associatif de l'économie sociale manipulés pour l'occasion...
Du côté des travailleurs on va passer d'une période où les syndicats sont forts et structurants à une période de grande débandade avec un affaiblissement général des organisations syndicales, une désyndicalisation forte et un émiettement préjudiciable à l'unité d'action face à un patronat de plus en plus écouté par les politiques. C'est le temps de la précarité, et du chômage de masse qui succède à un temps de "plein emploi".
Le même mouvement travers le monde politique avec une période jusqu'en 81 qui voit progresser la gauche jusqu'à la domination hégémonique du parti socialiste pour déboucher sur des décennies d'éclatements à répétition à gauche alternant avec des phases de recompositions et de rassemblement qui ne vont guère au-delà d'arrangements d'opportunité très électoralistes. Cette phase de désintégration de la gauche française est précipitée par la dérive droitière de toutes les forces politiques et en particulier du parti socialiste désormais sur une ligne social-libérale et qui disqualifie l'image de la gauche en entraînant son électorat dans une abstention massive. Le PS français se dessine le même avenir que son homologue grec pour retrouver un score électoral anecdotique comme il l'avait déjà connu avec les 5% de Gaston Deferre aux présidentielles de 1969.
Lire le paysage politique d'aujourd'hui suppose que les "clés de lecture" délivrées dans un demi-siècle passé soient appréhendées pour ce qu'elles sont, éclairant les causes des crises économiques, sociales et politiques que nous connaissons aujourd'hui.
Construire des alternatives économiques à leur approfondissement suppose aussi qu'on s'affranchisse des diktats de soit-disant experts de la chose économique qui ne prêchent que rigueur et austérité pour préserver la petite société de rentiers qui les nourrit. L'expérience de la Grèce peut servir de base pour éclairer les consciences et redonner confiance au mouvement populaire.
Construire des alternatives politiques à leur approfondissement suppose aussi qu'on renverse la dynamique d'un cercle vicieux démobilisant les forces de gauche à force de reniements et de confiscation de la démocratie par une pseudo élite élue plus préoccupée de sa préservation que de sa ligne idéologique pour dénoncer une progression en trompe l’œil de l'extrême droite d'autant plus forte que ses adversaires ne sont pas mobilisés.
Construire des alternatives sociales à leur approfondissement suppose que les organisations sociales, des organisations syndicales ou du monde associatif redeviennent des organisations de masse portées par leurs adhérents et à leur seul service.
Tout au long de ces deux phases, seul l'intérêt du capital est bien servi ; et de la même façon qu'aujourd'hui la mode est à la contrainte des dépenses sociales qui ne devraient pas progresser, voire même diminuer, au fallacieux prétexte de la dette publique, alors que la richesse produite continue de croître, la part de la richesse nationale consacrée aux retraites ne devrait pas dépasser les 13% du PIB, et les retraités plus nombreux n'auraient pas d'autres solution que de devoir se partager la manne en parts plus nombreuses et qui diminuent.

Depuis 1993 les retraités ont perdu environ 7 points de PIB, qui, à défaut de nourrir la demande dans leur budget sont allé se perdre dans les poches des actionnaires ou dans le trou sans fond de la spéculation financière. A raison d'une vingtaine de milliards d'euros par point de PIB la somme est rondelette et il suffit d'un tout petit peu de perspicacité pour savoir à quelle porte il faut frapper pour redonner au travail sa plus juste rémunération.

Toutes ces évolutions sont indissociables et ne peuvent être abordées pour leur transformation que de façon globale et cohérente ; c'est ce qui valide le projet d'une 6ème République !
Pour ce qui est des moyens politiques du changement, l'histoire politique française a longtemps préféré le modèle partidaire assis sur l'éventail de droite à gauche.
La disqualification d'organisations réduites à des activités électoralistes ces dernières décennies a laissé l'espace libre pour l'expression de groupes et rassemblements sans attaches historiques et qui donnent l'image d'une modernité racoleuse face à des partis considérés comme appartenant au passé et déconnectés des réalités du moment. C'est le même processus qui a présidé à la création de Die Linke en Allemagne, de mouivements italiens, espagnols (Podemos) ou grecs (Syriza). Le Front de gauche en France a aussi permis à un conglomérat d'exister. L'expérience reste à faire de l'efficacité de ce nouveau modèle qui devra pour durer passer du plus petit dénominateur commun au plus grand commun multiple.

Et ce n'est pas gagné à très court terme.quand la nécessité d'idéologiser les mouvements pour dessiner leur identité risque de créer tensions et rivalités internes.

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