D'une part, une faction, toute puissante par sa richesse. Maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, elle détourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources. Elle tient d’ailleurs en sa main plus d’un ressort de l’administration publique.
De l’autre, une multitude indigente et faible, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. »
Il suffit de révéler l'auteur et le temps de l'écriture pour soulager l'inquiétude des révolutionnaires de salon qui ont enterré lutte des classes et dictature du prolétariat au cimetière de la honte.
Ce propos date de mai 1891 ; et il est extrait de l'encyclique "Rerum novarum" du pape Léon XIII.
La pensée marxiste faisait de la lutte des classes non pas une perspective émancipatrice en elle-même mais un état de fait justifiant du passage par la dictature du prolétariat pour aboutir à la société sans classes -et donc à fortiori sans "lutte des classes"- du communisme.
La négation de la lutte des classes est intimement liée à la dérive social-démocrate imposant l'alternance au pouvoir plutôt que l'orientation alternative et par là même préservant la domination bourgeoise.
Si le pape d'aujourd'hui se fendait d'une encyclique soulevant le voile des crises économique, sociale et politique il pourrait plagier sans risque son prédécesseur de la fin du XIXème siècle.
Les classes sociales n'existent pas en elles-mêmes, mais dans l'antagonisme de leurs intérêts ; et la période actuelle est marques par l’inouïe violence de cet antagonisme.
Faut-il évoquer le sort de centaines de millions d'hommes et femmes qui peinent à survivre longtemps sur une planète dont les ressources sont accaparées et gaspillées au profit d'une toute petite minorité...
Faut-il évoquer l'évolution monstrueuse du hold-up social que représente la distribution de milliards de dividendes à des actionnaires repus à côté des salariés jetés au chômage et à la charge de leurs congénères en marge d'une société qui ne vaudrait que par la consommation.
Faut-il évoquer les rémunérations faramineuses des grands patrons face au gel du point d'indice des fonctionnaires depuis sept ans de gouvernements de droite et de gauche confondus déconsidérant ainsi dans la punition rémunératrice les serviteurs d'un Etat ingrat et tout entier au service des puissants.
Faudrait-il évoquer aussi les effets de cette dérive mortifère sur le déséquilibre des trois piliers de l'action publique : l'associatif, le syndical et le politique.
Il fut un temps où il était de bon ton de scinder le syndical du politique... et il était des benêts pour croire aux bienfaits de la séparation publique de la CGT et du PCF : il fallait rompre la "courroie de transmission" !
Il fut un temps où l'impuissance assumée du politique (cf. Jospin en son temps) conduisait à la délégation de l'action au monde associatif associant l'illusion d'une participation citoyenne pour les acteurs à la rouerie d'un pouvoir se dégageant de sa responsabilité. La pauvreté deviendrait ainsi aussi supportable que "gérable" dès lors que les 66 000 bénévoles des "Restos du cœur" distribuent 130 millions de repas à 960 000 bénéficiaires et que le Secours Populaire emmène les enfants privés de vacances à la mer avant la rentrée scolaire...
Et maintenant certains s'étonnent de la désaffection du politique... avec un personnel politique "professionnalisé" dont les compétences seraient brillamment validées par une petite majorité électorale dégagée des non-abstentionnistes.
Et maintenant certains s'échinent à vouloir cultiver l'engagement citoyen à grands coups de "démocratie active ou participative" sur des terres en jachères et rendues stériles à force de culture intensive du profit, de l'inégalité, de l'injustice et de l'asservissement des hommes.
Peine perdue sans changement de propriétaire !
La lutte des classes est bien là où les travailleurs d'ici sont jetés au profit de l'exploitation de ceux d'ailleurs...
La lutte des classes est aussi présente là où les expédients de solutions individualistes masquent superficiellement les conflits d'intérêts entre producteurs et consommateurs...
La lutte des classes persiste là où le bien public est accaparé dans la sphère privée faisant du service un objet du marché...
Quant au passage par la "dictature du prolétariat", au risque d'avoir à troquer la "dictature" pour un autre terme moins négativement connoté et d'élargir le concept de "prolétariat" à toutes les formes d'exploitation de l'homme par le capital, elle reste d'actualité et le passage obligé du changement de société dans l'idéal communiste. La disparition de l'antagonisme des classes passera nécessairement par l'appropriation populaire et citoyenne du pouvoir dans la mise en oeuvre d'un projet politique.
Pour l'envisager, encore faudrait-il que le monde associatif travaillant à l'objet de ses statuts, le monde syndical travaillant à la satisfaction des intérêts de ses mandants et un monde politique responsable émancipé de la fatalité d'impuissance publique alimentent un foyer de cohérence et de coopération servant la communauté d'intérêts des masses populaires.
Pour l'envisager, encore faudrait-il dépasser l'émiettement suscité par les classes dominantes des forces associatives, syndicales et politiques dans des myriades d'organisations pour retrouver une palette réduite d'organisations privilégiant la clarté de l'affichage des options fondamentales pour susciter l'intérêt, gagner l'adhésion et l'engagement autrement que dans les querelles boutiquières des états-majors de tant de groupuscules...
Lobbys aidant, les lois sont toujours calibrés à la mesure des plus puissants ; l'observation du travail parlementaire national ou européen en témoigne constamment.
Le besoin urgent aujourd'hui pour assurer un vrai changement, maintenant, n'est pas de plus de lois, mais bien plutôt de plus de "rapport de forces".
Il ne se crée pas dans les gesticulations catégorielles ou locales (bonnets radis, rouges dehors et blancs dedans) mais dans la riposte unitaire intergénérationnelle, interprofessionnelle, inter...
... et pourquoi pas internationale.
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