lundi 21 octobre 2013

France, terre d'asile...

De Lampedusa à Leonarda le monde bruisse d'un discours dénégatoire qui tient plus du hard-discount de la politique que des vitrines de la Place Vendôme. Cette approche imbécile sur la musique des fanfares de la peur entonnée sur tous les bords, de droite comme de gauche, a de quoi faire honte au pays dont beaucoup renient aujourd'hui ses racines ancrées au siècle des Lumières qui fit germer la Révolution.

Si vous trouvez que l'imbécilité est trop violente pour caractériser la situation, songez à ce mot de Jean Dutourd :
« C'est le propre des imbéciles de se tirer d'une situation fâcheuse en tombant dans une catastrophique. »


Et là en prenant le temps de passer par Brignoles il est aisé de comprendre comment on vient de passer de la reconduite au Kosovo "tout à fait légale" d'une famille à la proposition du retour en France d'une adolescente sans famille pour qu'elle reprenne sa vie de collégienne.
Les lois de Sarkozy supportent si bien l'épreuve de l'alternance qu'on y réajuste à peine la triste figure d'un coup de fond de teint pour cacher l’acné honteuse de la capture d'enfant en sortie scolaire, cette muraille de Chine de carton pâte peut-elle abuser grand monde ? Pas sûr, sauf qu'au passage elle canalise nombre d'esprits faibles dans les filets de l'extrême droite qui n'en demandait pas tant.
Qu'il s'agisse de l'UMP ou du PS, les coups de menton d'autorité ne renvoie jamais qu'à la maison mère de l'ostracisme et des discours discriminatoires du côté du Front National.
Si la France est "terre d'asile" aujourd'hui j'ai plutôt le sentiment qu'elle l'est au sens qu'on donnait à l'asile d'un demi-siècle passé, de ce lieu d'enfermement de celles et ceux qui avaient perdu la raison et qui pouvaient être dangereux pour les autres comme pour eux-mêmes. N'auraient-ils pas perdu la raison, celles et ceux qui ont oublié toutes nos figures glorieuses venues d'ailleurs.
Offenbach, du père espagnol de Domenech ou Vadim, du grand père maternel de Sarkozy venu de Salonique à Pierre Lazareff, d'Apolinnaire, du maçon italien père de Coluche au grand père de Kouchner devenu français en s'engageant dans la guerre de 14...
... Goscinny, Badinter, Pérec, Tenenbaum qu'on appelait Jean Ferrat, Gourdji devenue Françoise Giroud, Bérégovoy, Goldman, Lustiger, Ginsburg, Cavanna, Stravinsky, Uderzo, Kacew devenu Romain Gary, Zitrone, Cardin, Drucker, Kandinsky, Jonasz, Charpak, Minc, Aznavourian, de Staël, Kozma, Reggiani, Malakian dit Henri Verneuil, Vartan Sylvie la blonde...
Quand le père d'Yves Montand fut naturalisé il était écrit dans son dossier "qu'il ne possédait rien" ; quant à Chagall il avait été naturalisé français "sans intérêt national" !
Sans compter des anecdotes savoureuses comme celle citée par Doan Bui et Isabelle Monnin dans "Ils sont devenus français" : cette réflexion du fonctionnaire remettant le décret de naturalisation à Mme Badinter enceinte du futur Robert, le ministre qui a aboli la peine de mort : « J’espère que ce sera un garçon, il pourra servir la France ».
Les uns et les autres sont venus en France chercher l'asile, l'abri de leur vie et de celle de leurs enfants.
Pour un nom cité plus haut combien était-ils de centaines ou de milliers d'autres qui n'ont pas crevé l'écran de la notoriété, mais qui ont fait le pain ici, construit des maisons ailleurs, chanté ou enseigné, qui ont vécu français comme il se doit.

Et aujourd'hui ce temps serait révolu ?

Que disent-ils nos beaux parleurs des palais de la république, des comptoirs de bistrots ou des caniveaux d’extrême droite, qui fustigent l'ETRANGER qu'il faut chasser, et pourchasser ?
Toujours les mêmes, que disent-ils des vedettes du ballon rond ou du ballon ovale qui viennent martyriser les pelouses de nos stades sous leurs crampons friqués ?
Toujours les mêmes, que disent-ils de ces émirs du pétrole qui viennent s'établir dans nos beaux quartiers ou accrocher leurs yachts aux anneaux des pontons de nos ports de plaisance ?

... ça n'a rien à voir, me direz-vous !

Et bien si. Et des deux catégories je ne suis pas si sûr que ce soient les pauvres bougres échoués de la misère qui coûtent le plus cher au pays. Les grands immigrés paresseux vont dorloter leur fortune en Suisse quand beaucoup de sans-papiers paient l'impôt, ne serait-ce que la TVA. Et il est plus facile de rassembler quelques milliers de supporters dans les tribunes d'un stade que quelques dizaines de citoyens indignés par l'injustice et la souffrance des hommes, des femmes et des enfants d'ici ou d'ailleurs.

Quant au Kosovo, terre d'origine de tant de bousculés de la vie, qui se souvient de la guerre que nos soldats y ont faite ? Notre pays dit "des droits de l'homme" aurait-il oublié de laisser dans les traces des bottes de ses soldats sur ces terres massacrées d'ex-Yougoslavie le mode d'emploi de la démocratie et de la prospérité ?

Alors oui, il est juste de s'indigner et de manifester son dégoût du comportement d'un personnel politique de bien petite tenue. La solution du problème n'est pas faire de Léonarda une collégienne orpheline en Franche-Comté, pas plus que de sécuriser la traversée en lignes régulière de ferry du transit trans méditerranée des miséreux du sud vers l'Europe de l'ouest...

Va-t-on un jour s'interroger sur les causes de ces chaises musicales de la honte ?

Au fond c'est simple, qui donc va avoir le courage de dire qu'il est temps de sortir de la dictature du capitalisme, que d'autres appellent libéralisme ou encore "loi du marché" ?

Ce monstre qui instrumentalise l'économie pour asphyxier le politique et le désaisir de ses prérogatives dans la conduite des états et des affaires du monde a toujours été fauteur de guerre, et Jaurès le disait bien :
"Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage".

Piller les ressources de la planète à vil prix, mettre les peuples en souffrance et en misère concurrente, c'est ainsi que les puissances d'argent font monter la République à l'échafaud, laissant à peine le droit à un peuple de sujets de se croire en démocratie en leur ouvrant les urnes des "primaires", les seules élections qui vaillent puisque aujourd'hui le pouvoir politique n'est qu'héritage d'une meute d'ambitieux.

Mais la Révolution viendra... trop tard pour beaucoup des victimes d'aujourd'hui ! ... trop tôt pour que celles et ceux qui seraient en mesure d'en garantir les conquêtes dans le temps s'y soient préparés. 

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