Le monde et les temps changent sous le feu et la mitraille, il suffit de relire "le livre noir du capitalisme" pour se rappeler cette évidence (quelques éléments dans cette présentation de l'ouvrage par Marie Germanos).
Au moment où les militaires américains quittent les ruines plus sanglantes que démocratiques de l'Irak ne peut-on pas se poser la question du rôle de cette guerre dans la crise mondiale accélérée en 2008 et rebondissant en Europe aujourd'hui ?
3 000 000 000 000 $
L'évaluation du coût de la guerre par les économistes américains est aujourd'hui considérée comme très en deçà de la réalité de la dépense. Trois mille milliards de dollars envolés dans la poussière du ciel irakien et infiltré dans les sables du désert avec le sang des victimes.
Peut-être faudrait-il y rajouter l'aventure de l'Afghanistan, et quelques autres broutilles qui ont ensanglanté le monde et l'Europe des Balkans depuis la chute du mur de Berlin et la fin d'une période où des forces antagonistes s'équilibraient dans une guerre dite "froide".
Depuis la dislocation du bloc de l'Est, les occidentaux ne se sont pas privés de réchauffer la guerre sur tous les continents frémissant d'espoirs progressistes.
Au bout du compte, les américains -comme en d'autres temps vieux de plus de trois quarts de siècles- n'ont-ils pas mis au compte de leurs "alliés concurrents" les frais de leur lutte pour la domination du monde.
Réussi ? Le coup n'a pas encore garanti son résultat pour un capital avide de survie inflationniste. L'émergence difficile à contrôler de nouvelles puissances comme la Chine ou l'Inde vient troubler le jeu d'autant plus dangereusement pour les Etats-Unis qu'ils en copient sans modération les modèles capitalistiques.
La seule certitude aujourd'hui facile à constater, c'est que les montagnes de richesses dilapidées dans l'industrie de la mort font défaut à la survie des vivants, qu'ils soient décimés par la famine en Afrique, incapables de faire face au dérèglement climatique en Asie, affamés par l'agro-industrie d'Amérique du sud, incapables de se soigner aux Etats-Unis, pris au piège des files d'attente des restos du coeur ou de toutes les soupes populaires européennes...
Les politiques qui nous gouvernent depuis bien trop longtemps ne sont que petits valets de cette seule ambition du capital, inféodant les hommes et leurs petits aux "sacro-saints" intérêts du marché. Et ce n'est pas faire de l'anti-socialisme primaire que de constater la frilosité du candidat Hollande et de tous ses soutiens à dessiner les voies d'un vrai changement de société au travers d'orientations politiques, économiques et sociales progressistes. L'austérité de gauche ne passe bien qu'en dégraissant les hommes pour engraisser les banques.
Depuis que Jules Vallès disait si bien : "le Capital mourrait si, tous les matins, on ne graissait pas les rouages de ses machines avec de l’huile d’homme " bien peu nombreux sont ceux qui ont fait profession de fermer "l'huilerie".
Des communistes en sont de résolus partisans pour peu qu'ils aient su échapper aux dérives gestionnaires si confortables pour accomoder les restes de la social-démocratie : partenariats publics-privé par-ci, concessions par-là... La cohérence n'est pas assez souvent au menu des mandats électoraux pour re conforter l'idée dans les consciences citoyennes que le changement est possible par la voie démocratique. Et c'est bien là que le bât blesse, la tactique électorale du "front de gauche" n'est pas à la mesure des enjeux tant elle dilue la puissance idéologique de la pensée communiste dans un brouet limité aux bouillonnements du présent.
Le dossier publié dans le cahier central de l'Humanité du 22 décembre constitue un bel outil pour traiter le l'immédiateté de la réaction nécessaire aux mauvais coups fomentés par les gouvernements européens. Mais il serait utile qu'une vision plus large enseigne bien les origines plus profondes de la crise et ses mécanismes fondamentaux.
De la même façon que les volcanologues ne peuvent faire comprendre la vision qu'ils ont d'une éruption qu'à la lumière des connaissances qu'ils ont construites des mécanismes internes, natures et interactions échappant à l'oeil profane, les politiques d'aujourd'hui ne nourriront utilement la pratique citoyenne des électeurs qu'en leur fournissant un cadre idéologique propice à la compréhension active plus qu'à l'assentiment béat d'une poignée de supporters.
Les communistes français ont été des acteurs majeurs des mouvements pacifistes ; ils s'y retrouveraient bien aujourd'hui pour peu que le lien soit fait entre les fauteurs de guerre et les fauteurs de misère.
Pour poursuivre la réflexion, l'article du neerlandais Dirk Adriaensens repris le 22 décembre sur le site de Michel COLLON "Investig'Action" ne manque pas d'intérêt.
A lire ci-dessous.
L'Irak totalement détruit par l'invasion et l'occupation
« C'est avec une grande fierté - et une fierté durable - que vous quitterez ce pays d'entre les fleuves », a déclaré le ministre américain de la Défense, Leon Panetta, à l'adresse de ses soldats lors de la cérémonie d'adieu qui s'est déroulée à Bagdad le 15 décembre 2011. Et Panetta, ancien patron de la CIA, d'ajouter que « la guerre en Irak a bien valu son coût énorme en sang et en argent ». Un récapitulatif s'impose.
Au moins 31 pour 100 du million cinq cent mille soldats environ qui rentrent de la guerre en Irak souffrent de dépression ou de trouble de stress post-traumatique, lesquels influencent de façon très négative leur travail, leurs relations et leur existence familiale. C'est ce que révèle une étude réalisée par des chercheurs de l'armée américaine. Tant en 2009 qu'en 2010, un plus grand nombre de soldats américains sont morts de suicide que lors des combats.
Cela en valait-il vraiment la peine ?
Le déclin de l'empire américain Le 18 mars 2003, ECAAR (EConomists Allied for Arms Reduction - Économistes unis pour la limitation des armements) rédigeait un pamphlet contre le déclenchement d'une guerre unilatérale en Irak. Le texte était signé par plus de deux cents économistes américains, dont sept lauréats du prix Nobel et deux anciens présidents du Comité des conseillers économiques de la Maison-Blanche. Ce texte constituait la base d'une annonce publiée dans le Wall Street Journal. En voici quelques extraits :
« En tant qu'économistes américains, nous nous opposons à une guerre unilatérale contre l'Irak que nous considérons comme inutile et néfaste pour la sécurité et l'économie des États-Unis et de l'ensemble de la communauté mondiale. »
« (...) Nous doutons que la guerre serve la sécurité et qu'elle n'accroisse le risque d'instabilité future et de terrorisme. Nous pressentons clairement l'immédiate tragédie humaine et les destructions de la guerre, ainsi que la potentialité de dégâts économiques graves pour notre nation et le monde entier. » « (...) Nous ne croyons pas que cette guerre soit nécessaire pour la sécurité nationale des États-Unis. Une économie saine est nécessaire pour la sécurité des États-Unis et le développement économique pacifique du reste du monde. »
La guerre contre l'Irak est la cause de la crise économique
Cette explication donne une image douloureusement précise de ce qui allait suivre : Cette guerre a plongé les États-Unis et le reste du monde dans une crise économique et elle a indiqué clairement les limites de la puissance américaine. La résistance irakienne contre l'occupation est coresponsable du déclin de l'Amérique tel qu'il fut prédit en 2004 : « Nous figerons les occupants ici en Irak, épuiserons leurs moyens et effectifs et briserons leur volonté de combattre. Nous les obligerons à investir autant qu'ils pourront voler, si pas plus. Nous perturberons le flux du pétrole volé, puis l'arrêterons de sorte que leurs plans deviendront inutiles. » Le lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz a calculé le prix de la guerre Joseph E. Stiglitz, lauréat du prix Nobel et l'un des signataires de la déclaration susmentionnée, a calculé les coûts de la guerre en Irak dans son ouvrage paru en 2008, The Three Trillion Dollar War (La guerre à trois mille milliards de dollars). Il conclut : « Il n'existe pas de déjeuner gratuit, pas plus qu'il n'existe de guerre gratuite. L'aventure irakienne a gravement affaibli l'économie américaine et la misère va bien plus loin que la crise des hypothèques. On ne peut dépenser 3.000 milliards de dollars - oui, 3.000 milliards de dollars - dans une guerre ratée à l'étranger sans en ressentir la douleur dans son propre pays. » Stiglitz décrit ce qu'on pourrait payer avec ces milliards de dollars : 8 millions d'habitations ou 15 millions d'enseignants, les soins de santé pour 530 millions d'enfants pendant un an, des bourses universitaires pour 43 millions d'étudiants. Ces 3.000 milliards de dollars résoudraient le problème de la sécurité sociale de l'Amérique pour un demi-siècle. En ce moment, dit Stiglitz, l'Amérique consacré 5 milliards de dollars par an à l'Afrique et se fait du mouron parce qu'elle est sur le point d'y être supplantée par la Chine : « Cinq milliards de dollars, cela représente en gros 10 jours de guerre. Cela vous donne une idée du gaspillage de moyens ! » Cela s'aggrave encore « Maintenant que les États-Unis vont mettre un terme à la guerre en Irak, il s'avère que notre estimation de 3.000 milliards de dollars (couvrant aussi bien les dépenses publiques pour la guerre que l'impact plus large sur l'économie américaine) était bien trop basse. Ainsi, les coûts du diagnostic, du traitement et des compensation des vétérans handicapés se sont révélés plus élevés que nous ne nous y étions attendus », écrivait Joseph Stiglitz le 3 septembre 2010 dans The Washington Post. Encore plus dramatiques sont les conséquences pour le Moyen-Orient même. Un rapport publié par le Strategic Foresight Group en Inde, dans un ouvrage intitulé Les coûts du conflit au Moyen-Orient, a calculé que, ces vingt dernières années, les conflits dans la région ont coûté aux pays et aux habitants 12.000 milliards de dollars (!). Le rapport indien ajoute que le Moyen-Orient « a consacré un montant record aux dépenses militaires des vingt dernières années et qu'il est considéré comme la région la plus armée du monde ». Imaginez que ce montant soit consacré au développement des régions rurales et des infrastructures urbaines, des barrages et des réservoirs, de la désalinisation et de l'irrigation, du reboisement et des pêcheries, de l'industrie et de l'agriculture, de la médecine et de la santé publique, du logement et des technologies de l'information, des emplois, de l'intégration équitable des villes et des villages et aux réparations des dégâts de la guerre au lieu de produire des armes qui ne sèment que la destruction. Les conséquences dramatiques de la prétendue « démocratie florissante » pour l'Irak L'argent de la guerre du contribuable américain a non seulement ruiné l'économie américaine et plongé le reste du monde dans une crise économique, il a aussi anéanti une nation souveraine qui ne souhaitait aucunement faire partie du « Nouvel Ordre mondial ». La situation dramatique qui règne en Irak dément de façon criarde les échos positifs du « progrès en Irak » tel que le présentent les mass media. Pour le contrôle de la perception par l'Américain moyen de la guerre en Irak, le ministère de la Défense a payé à des entrepreneurs privés américains jusqu'à 300 millions de dollars dans les années 2009-2011 pour la production d'informations et de programmes de distraction dans les médias irakiens et ce, dans une tentative de présenter une image sympathique à la population locale afin que celle-ci soutienne les objectifs américains et le gouvernement irakien. La désinformation, une arme stratégique de la guerre « Cette année, les dépenses en public relations du Pentagone censées 'rallier les cœurs et les esprits' tant au pays qu'à l'extérieur, s'élèveront à 4,7 milliards de dollars au moins », communiquait en 2009 la Fondation Nieman pour le journalisme à l'Université de Harvard, se demandant où se situe exactement la frontière entre information et propagande. Le public n'est pas censé être mis au courant de tous les méfaits de la machine de guerre américaine et la désinformation se diffuse à grande échelle pour être avidement reprise par un appareil médiatique ami. « Il est essentiel aussi essentiel pour le succès du nouveau gouvernement irakien et pour les troupes américaines de communiquer efficacement avec notre public stratégique (c'est-à-dire le public irakien, panarabe, international et américain) que de recevoir un large soutien dans nos thèmes centraux et nos informations », disait l'annonce de recrutement d'une équipe de 12 entrepreneurs civils en Irak. Une catastrophe humanitaire encore jamais vue Le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), António Guterres, a constaté que la guerre de l'Irak est le conflit le plus retentissant au monde, mais également la crise humanitaire la moins connue. Examinons donc quelques-uns des « résultats » destructeurs de cette guerre et de cette occupation de ce même Irak que l'élite américaine qualifie de « démocratie florissante » :
-1,45 million de victimes. Le nombre est choquant et dégrise. Il est au moins dix fois plus élevé que la plupart des estimations citées dans les médias américains, mais il s'appuie sur une étude scientifique portant sur les morts irakiens par violence suite à l'invasion de mars 2003 dirigée par les États-Unis ;
- la mortalité infantile irakienne a augmenté de 150 pour 100 depuis 1990, lorsque, pour la première fois, les Nations unies ont imposé des sanctions ; - en 2008, 50 pour 100 seulement des enfants en âge de fréquenter l'école primaire allaient en classe, contre 80 pour 100 en 2005 ; - en 2007, l'Irak comptait 5 millions d'orphelins, selon les statistiques officielles du gouvernement ; - l'Irak compte entre 1 et 2 millions de veuves ; - d'après des chiffres de l'UNHCR, il y a 2,7 millions d'Irakiens expatriés et 2,2 millions de réfugiés, surtout dans les pays voisins. Un Irakien sur six a quitté son pays. Le Croissant-Rouge irakien estime que plus de 83 pour 100 des expatriés irakiens sont des femmes et des enfants, dont la majorité de moins de 12 ans ; -on estime que 8 millions d'Irakiens ont besoin d'aide humanitaire ; - 70 pour 100 des Irakiens n'ont pas accès à l'eau potable. Le taux de chômage est officiellement de 50 pour 100 et, officieusement, de 70 pour 100. 43 pour 100 des Irakiens vivent dans une pauvreté profonde. 4 millions de personnes souffrent d'un manque de nourriture. 80 pour 100 des Irakiens n'ont pas accès à des équipements sanitaires décents ; - 60 pour 100 seulement des 4 millions de personnes dépendant de l'aide alimentaire ont accès aux rations distribuées par le Système de distribution publique (PDS) contre 96 pour 100 en 2004 ; - l'Irak n'a plus d'argent pour le paiement des indemnités aux veuves, les plantes servant dans l'agriculture et autres programmes pour les pauvres, a déclaré le président du Parlement, le 21 novembre 2010, et ce dans une des nations les plus riches en pétrole de la terre ; - diverses minorités confessionnelles irakiennes (chaldéens, orthodoxes syriens, chrétiens assyriens et arméniens, communautés yezidi et mandéennes) courent le risque d'être éradiquées parce qu'elles sont confrontées à des niveaux inouïs de violence, d'après un rapport de Minority Rights Group International ; - d'après un rapport d'Oxfam, 33 pour 100 des femmes n'ont pas reçu la moindre aide humanitaire depuis 2003 ; 76 pour 100 des veuves n'avaient pas reçu la moindre pension ; 52 pour 100 étaient au chômage ; 55 pour 100 s'étaient expatriées depuis 2003 et 55 pour 100 avaient été victimes de violence(s) ; - des années d'instabilité et de guerre ont fait qu'entre un et deux millions de femmes sont chefs de famille (FHoH) en Irak : veuves, divorcées et soignante de leur époux malade. À peine 2 pour 100 de ces femmes chefs de famille travaillent régulièrement, selon l'Organisation internationale de la migration (OIM).
Prendre la vie à des personnes innocentes est devenu une composante de la vie quotidienne.
Source originale : De wereld morgen Traduit du néerlandais par Jean-Marie Flémal pour Investig'Action
Source: Investig'action
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