Faute d'intelligence dans l'inhumanité de la barbarie, il ne peut y avoir d'explication à l'inconcevable déchainement de violence qui embrase la planète dans une forme de mondialisation de la terreur.
Cependant la publication, dans le dernier numéro du Courrier International (17-25/11/2015), de l'extrait d'un éditorial d'une journaliste libanaise éclaire simplement le regard posé sur le drame.
Tuer la conscience tranquille
Ce qui pousse tant de jeunes Occidentaux à rejoindre Daech est
sa capacité, au nom du sacré, à semer ouvertement la terreur, affirmait en
février cette éditorialiste libanaise.
Al-Modon
- Beyrouth (extraits)
Les Occidentaux ont toujours voulu “expliquer” la montée du
nazisme en Europe. Ils invoquent les conséquences de la Première Guerre
mondiale pour les Allemands, c’est-a-dire l’humiliation nationale du traité de
Versailles [1919] et l’amputation de son territoire, ainsi que la crise
économique, l’inflation sans précédent et un chômage record.
Aujourd’hui, les Occidentaux cherchent encore des “raisons”
pour expliquer un autre phénomène, le départ de jeunes Européens vers l’Irak et
la Syrie pour rejoindre Daech. Les apprentis djihadistes se recrutent parmi une
jeunesse marquée par une crise d’identité, le chômage, des fantasmes sexuels,
le racisme, la marginalisation, un besoin de reconnaissance et de dignité, les
survivances du colonialisme européen et la recherche d’une cause pour donner un
sens à leur vie.
Un autre sujet passionnant consiste à parler des motifs de
ceux qui financent Daech en sous-main. Ceux-là ne sont victimes ni de la
pauvreté ni du chômage. Qu’est-ce qui les pousse à soutenir Daech ? Qu’y-a-t-il
de commun entre de riches donateurs et de pauvres jeunes ? Ce qui les rassemble
réside dans le caractère exceptionnel de Daech, c’est-à-dire dans son
inventivité criminelle, qui permet de tuer la conscience tranquille, au nom du
sacré. Tuer en groupe, sans se cacher, sans la peur d’être découvert, mais au
contraire comme au cinéma, c’est-à-dire en s’en vantant ouvertement et en
revendiquant le fait de ramener l’humanité aux siècles de la barbarie. Et
chaque fois, Daech repousse les limites de l’horreur par un crime plus violent,
plus sophistiqué, plus spectaculaire, au point qu’on se demande toujours ce que
sera leur prochaine trouvaille.
Les raisons qui poussent des jeunes à rejoindre Daech
résident probablement moins dans la crise économique ou identitaire que dans
l’alchimie faite de terreur, d’outrance assumée, de résilience face aux frappes
aériennes et de la capacité particulière de l’organisation terroriste à faire peser
un fardeau sur l’humanité. Cela ne vient pas de nulle part. C’est le produit
d’un mélange entre la mondialisation, une régression culturelle et des
pratiques mortifères préexistantes.
Dalal Al-Bizri
Publié le 19 février 2015
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