samedi 14 novembre 2015

abominable guerre

"La guerre n'est pas une aventure. La guerre est une maladie. Comme le typhus..."
Antoine de Saint-Exupéry


Et aujourd'hui comme un siècle en arrière, comme trois quarts de siècle en arrière, comme un peu plus d'un demi siècle en arrière, comme si peu d'années en arrière, il ne manque encore pas d'esprits malades pour propager la mort, et le chagrin sans pitié...

Trouver les mots qui disent l'horreur est aussi dangereux que difficile. Mettre des mots sur la chose, c'est déjà concevoir l'inconcevable, et quasiment donner du corps au monstre qui s'engendre.
L'esprit sain conçoit la paix, pas la guerre.


"Déjà la guerre apparaissait comme une immense industrie." 
Jean Jaurès

Il avait déjà écrit dans l'Humanité du 9 juillet 1905 :
« La concurrence économique de peuple à peuple et d’individu à individu, l’appétit du gain, le besoin d’ouvrir à tout prix, même à coups de canon, des débouchés nouveaux pour dégager la production capitaliste, encombrée et comme étouffée sous son propre désordre, tout cela entretient l’humanité d’aujourd’hui à l’état de guerre permanente et latente ; ce qu’on appelle la guerre n’est que l’explosion de ce feu souterrain qui circule dans toutes les veines de la planète et qui est la fièvre chronique et profonde de toute vie. Il faut bien chercher des clientèles lointaines, des clientèles exotiques et serviles, puisque tout le système, en retirant aux ouvriers une large part du produit de leur travail, restreint la libre consommation nationale. Oui, nous savons cela, et nous savons aussi que la force ouvrière n’est pas encore assez organisée, assez consciente, assez efficace, pour refouler et neutraliser ces forces mauvaises. Ou bien le prolétariat, séduit par une fausse apparence de grandeur nationale, et corrompu par une part dérisoire du butin capitaliste et colonial, ne s’oppose que mollement aux entreprises de la force. Ou bien les classes dirigeantes embrouillent si habilement la querelle née de l’antagonisme économique que les prolétaires n’en démêlent point l’origine. Ou bien, quand leur conscience est mieux avertie, ils ne disposent pas d’une action suffisante sur le mécanisme politique et gouvernemental, et leur opposition est submergée par tous les éléments flottants et inorganisés que le capitalisme met en mouvement aux heures de crise. Ou encore, les travailleurs socialistes de chaque nation, trop séparés encore les uns des autres, s’ignorant les uns les autres, désespèrent de l’utilité d’une action qui, pour être efficace, devrait être internationale ; et n’étant pas sûrs d’être soutenus de l’autre côté des frontières, ils s’abandonnent tristement à la fatalité. Oui, la protestation de la classe ouvrière ne suffit pas encore à dissiper tous les orages. La voix du prolétariat universel, qui commence à s’élever pourtant vibrante et forte au-dessus des nations agitées par une éternelle rumeur d’inquiétude et de guerre, ne peut pas répéter tout ce que dit la cloche de Schiller. Elle peut bien dire : Vivos voco, mortuos plango, j’appelle les vivants, et je pleure sur les morts. Elle ne peut pas dire encore : Fulgura frango, je brise la foudre. Il nous reste encore une ouvre immense d’éducation et d’organisation à accomplir. Mais, malgré tout, dès maintenant, il est permis d’espérer, il est permis d’agir. Ni optimisme aveugle ni pessimisme paralysant. Il y a un commencement d’organisation ouvrière et socialiste, il y a un commencement de conscience internationale. Dès maintenant, si nous le voulons bien, nous pouvons réagir contre les fatalités de guerre que contient le régime capitaliste. Marx, quand il parle des premières lois anglaises qui ont réglementé la durée du travail, dit que c’est le premier réflexe conscient de la classe ouvrière contre l’oppression du capital. La guerre est, comme l’exploitation directe du travail ouvrier, une des formes du capitalisme, et le prolétariat peut engager une lutte systématique et efficace contre la guerre, comme il a entrepris une lutte systématique et efficace contre l’exploitation de la force ouvrière. »

Jaurès en son temps défendit la paix jusqu'à son dernier souffle, aussi bien assassiné par les balles de Raoul Villain que par la haine farouche des fauteurs de guerre qui commanditèrent son assassinat avant d'acquitter le criminel sitôt la fureur de la guerre éteinte. L'acquittement de Villain en 1919 sonnait alors comme la récompense à celui qui avait permis qu'on fit la guerre quand la veuve de Jaurès était condamnée à payer les frais dits "de justice"...

La guerre était passée, les monuments aux Morts se couvraient des millions de noms des victimes, en allemagne comme en France.

Le camp de la victoire dictait les clauses des traités et la carte du monde en était chahutée jusqu'au Moyen-Orient avec la Syrie sous mandat français...
Le camp de la défaite entrait en gestation des monstres de l'après "der des ders"...

Il n'est pas inutile de remonter le fil de l'histoire pour comprendre que de fil en aiguille les choses se tiennent.
Il n'est pas nécessaire de remonter si loin le fil de l'histoire pour comprendre l'insoutenable enchainement de violence d'un monde que la fatalité du malheur condamnerait à enfanter des monstres en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Mali, en Syrie ou ailleurs

L'exercice de l'intelligence humaine, de Saint-Exupéry à Jaurès et beaucoup d'autres et nourrissant les peuples d'espoir de paix serait-elle vain ?

Dans les conflits anciens débarrassés de la charge émotionnelle de la tragédie présente, il est facile d'analyser les causes, lointaines ou proches, et de différencier les causes profondes généralement tues des prétextes avancés pour écrire le roman officiel bien utile aux pompiers pyromanes.

Tentons, face à l'abomination du drame, de faire preuve du discernement indispensable à la compréhension du monde et des enjeux de la paix.

A qui profite le crime ?

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