mercredi 1 avril 2015

Des nombres et des maux

Les résultats électoraux ont toujours été sujets d'interprétation. Le soir du premier tour des élections départementales n'avait d'ailleurs pas dérogé à la règle, aucun des partis en lice ne s'affichait perdant... et pourtant !
Le second tour a livré son verdict ; il est assez désastreux pour la gauche en général et toutes ses composantes en particulier.
La droite claironne sa victoire et tout le monde limite l'évolution de l'extrême droite à son incapacité à gagner des départements...
Ces résultats traduisent malgré tout une poussée incontestable à droite accompagnée d'une radicalisation qui fait gonfler le score important de l'extrême droite.
Les résultats des uns ne sont pas faits que de ceux des autres en contrepoint, car le premier phénomène à souligner, avant tout choix partisan, reste le niveau de l'abstention qui coupe le pays des citoyens en deux, une seule moitié choisissant de s'exprimer.
Dans ce cas ce qui fait varier le score des uns ne vient pas nécessairement d'un transfert de suffrages acquis précédemment aux autres. L'abstention est aussi le refuge du refus et d'une forme de vote sanction désormais majoritairement partagé.
Il y a plus à apprendre aujourd'hui dans le comportement de ceux qui refusent de participer à ce qu'ils considèrent désormais comme la mascarade d'un jeu politicien convenu qu'à décrypter des votes dont les ressorts idéologiques se sont bien ramollis pour ne plus laisser place qu'à des confrontations de personnalités.

Les résultats d'un jour valent pour désigner vainqueurs et vaincus. Mais le plus intéressant à observer reste l'évolution sur le long terme des tendances. C'est d'ailleurs plus de ces évolutions que devraient se nourrir les constructions stratégiques que du registre des émotions qui aveugle souvent face aux risques ou aux opportunités.
Dans l'exécution d'une tactique "d'ouverture" était-il judicieux d'éconduire là un écologiste du côté de Gannat ou ici  un syndicaliste agricole chevronné au profit de quelques ambitions opportunistes ? A défaut de stratégie politiquement assumée par les organisations politiques, la confusion présidant au seul objectif de la conservation du pouvoir et dans l'absence d'activité politique en cours de mandat qui illustre une orientation claire de formations occultées ou transparentes la perte en ligne s’accroît naturellement.
Tout comme dans notre système républicain (dans ses principes de base tout au moins qui sont de plus en plus mis à mal), la séparation des pouvoirs est de mise ; et, sans parler du règlement des conflits et de la punition des fautes qui revient au judiciaire, la séparation du législatif et de l'exécutif est garante de la démocratie (représentative). Or aujourd'hui, le monde de l'exécutif suffirait à tout, il oriente, propose, choisit et exécute... pour le reste le doigt sur la couture du pantalon fait merveille (voir la supercherie des frondeurs qui ne frondent plus guère dès que la prochaine investiture est en jeu). Depuis que la "présidentialisation" du régime prévaut l'accélération du processus n'a de cesse de décourager l'engagement des citoyens réduits au rôle de spectateur impuissant (abstention, volatilité des électorats...). Dans le paysage politique global c'est le peuple des citoyens qui doit détenir le pouvoir "législatif" et les élus en assurer l'exécutif. Et ça devrait suffire à leur gloire. A vouloir tout contrôler ils doivent maintenant en venir à organiser la "démocratie participative" de peur qu'elle leur échappe. Les derniers avatars catastrophiques dans cette dérive mortifère pour la démocratie, l'inversion du calendrier électoral reléguant les législatives en accessoire de confirmation des présidentielles et l'invention des "primaires" pour justifier  du primat des personnalités sur les idées ont fait le reste ; la disqualification des partis politiques qui en découle, remplacés par des agglomérats conjoncturels en est aussi une conséquence désastreuse.
La gauche devrait être par nature plus démocratiquement vertueuse face à une droite et à une extrême droite souvent encline à l'autoritarisme... La dissolution des ressorts démocratiques sous la pression des ravages des crises économiques et sociales désormais génératrices de crise politique ; c'est aussi là que se dessine le résultat des élections.

Dans le département de l'Allier le discours convenu voudrait que la présidence eut été perdue des 48 voix manquant au décompte du canton de Bourbon.
Ce n'est pas très sympa pour les copains de ce canton qui, certes sans parvenir à gagner, ont malgré tout réalisé un beau score dans bien des communes face au sénateur ex président du conseil général et gourmand de revanche.
L'alternance gauche droite présentée comme une triste fatalité n'est guère plus qu'un prétexte facile pour éluder toute responsabilité dans l'échec. Le précédent épisode 98-2001 aurait pu malgré tout inspirer quelques réflexions pour éviter de nouveaux revers... Trop tard.
La poussée de la droite en Allier doit d'abord interroger dans la foulée des municipales qui ont vu la gauche et les communistes en particulier perdre nombre de villes. Le résultat de Varennes mérite l'attention...
C'est donc aussi d'une perte d'influence de la gauche que ressort la perte du département.
L'observation détaillée des résultats sur le canton du Montet, resté à gauche dans sa nouvelle configuration avec Souvigny, ne fait que confirmer la tendance. Le potentiel électoral de la gauche ne cesse d'accélérer sa chute au point que la droite en vient à faire pratiquement jeu égal aujourd'hui avec une poussée importante de l'extrême droite. Si la gauche régresse dans l'ensemble des communes et perd facilement un tiers de son potentiel en 15 ans, c'est dans les toutes dernières années que le phénomène s'accélère.
N'y aurait-il pas là de quoi interroger des pratiques politiques, choix stratégiques et comportements où l'amateurisme et l'aveuglement du pouvoir livrent malheureusement leurs tristes résultats ?
Dans le nouveau canton, l'ancien Souvigny résiste un peu mieux à gauche, mais c'est surtout dans les nouvelles communes  que le différentiel gauche-droite s'est affirmé au profit de la gauche. L'effet redécoupage est ici manifeste et c'est la droite qui paye les frais de l'opération. La faiblesse du score des candidats UMP ressort un peu de la progression des suffrages de l'extrême droite, mais aussi et surtout du surcroît d'abstention considérable (une vingtaine de points de participation en moins par rapport à l'élection précédente). L'électorat de droite de ce secteur n'a visiblement pas apprécié le nouveau découpage, pas plus qu'il n'a voulu soutenir un candidat beaucoup plus clivant que leur favori habituel.

Avec l'effet cliquet qui l'accompagne, l'alternance départementale met la gauche un peu plus à mal et renverse en son sein le rapport de force entre communistes et socialistes.

La conduite à géométrie très variable de cette campagne des départementales et les résultats qu'elle produit devraient conduire à une réflexion de fond avant de se précipiter dans l'aventure des élections régionales en fin d'année.
Rien n'est moins sûr, dès lors qu'il se confirmera que les organisations politiques s'effacent et sous-traitent leur pilotage à l'humeur des élus.

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