vendredi 16 janvier 2015

Une société d'ordres

La dérive communautariste des sociétés ne doit rien au hasard. Elle est intimement liée à l'épuisement d'un modèle économique et social de la concurrence, de la compétition et de l'individualisme forcené. Ce n'est pas du fait du hasard que le thème du "vivre ensemble" revient en litanie dans tous les discours de lamentation sur l'état de notre société.
A-t-on jamais fabriqué intentionnellement plus d'exclusion, de différences classantes dans une hiérarchie de mérites illusoires qui fait de la relégation le premier modèle de domination.
Comme toujours ce sont les mouvements qui créent problème à ceux qui s'imaginent tels badauds d'avant Galilée que le monde ne peut tourner qu'autour d'eux. Les capitaux s’enfuiraient d'une France envahie par des hordes affamées de miséreux du monde... Ces flux contradictoires auraient de quoi inquiéter le bourgeois tranquille avec sa rente !
Mais ce n'est pas ainsi que le monde va, quand bien même il irait mal.
La société de classe n'a d'autre objet que de ranger dans des cases suffisamment étanches chaque groupe social selon son utilité fonctionnelle. Du rital ou du polak d'avant-hier au maghrébin d'hier et aux réfugiés d'aujourd'hui l'autre si pauvre et crève la faim ne serait donc qu'un danger après qu'on en ai tiré le profit qu'on espérait à la mine, à l'usine ou sur les chantiers de l'ombre.
Et c'est ainsi que la conjugaison illustre bien la situation :
Le patron et son DRH licencient ; les ouvriers et les employés sont licenciés. Actif d'un côté, passif de l'autre... ce n'est qu’affaire de conjugaison
La fortune et le patrimoine des privilégiés se transmettent par héritage sans beaucoup de considération pour le savoir-faire des petites mains qui les ont faits... Et parler d'ascenseur social, ou de mobilité sociale, supposerait que la société soit une et que la mobilité se fasse en son sein. 
Tant qu'un dealer gagnera mieux sa courte vie que l'enseignant qu'il fuit... tant qu'un employeur s'imaginera détenir les clés de sa réussite en étranglant la vie de ses "ressources humaines" ...
Tant que le fric s'imposera comme la seule clé du tri social des restos du cœur à Lidl, du discount à l'hyper marché, ou du marché à l'épicerie fine, l'intelligence et la raison seront malmenées par le fatalisme et la soumission obéissante aux croyances.

Comme dans la France de 1789, c'est de révolution dont le monde a besoin aujourd'hui pour secouer ses chaînes, les accommodations réformistes n'ont su montrer que leur seule vertu anesthésique ne suffisait pas à éradiquer le mal qui ronge les sociétés malades de servitude, d'inégalité et d'exclusion.
Cette belle perspective de liberté, d'égalité puis de fraternité avait été défrichée par des philosophes qui préfiguraient l'affranchissement des croyances dans un nouvel humanisme émancipateur de tous les obscurantismes.

Les terroristes d'aujourd'hui, fanatiques religieux, sont religieux avant d'être fanatiques, intégristes religieux religieux avant d'être intégristes, et si peu respectueux de la vie et de liberté des autres qu'ils acceptent de sacrifier la leur sous l'autorité de leur maître à croire.

Dans cette société, c'est la pensée qu'on assassine.

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